Robert L. Talbot (Rock Hudson) atterrie à Milan à bord d’un avion privé de sa compagnie la Continental Airway. Il doit se rendre à un conseil d’administration, mais Talbot n’a qu’une idée en tête : retrouver sa maîtresse, Lisa Helena Fellini (Gina Lollobrigida). Tous les septembres, il la retrouve dans sa villa de villégiature à Portofino. Cette année, il est en avance sur leur rendez-vous annuel. Ce qu’il ignore est que la belle italienne, lasse de cette relation, est en plein préparatif de son mariage…
Rock Hudson ne reste pour nombre de critiques qu’ « un acteur mou et inexpressif », et pourtant que de bons films et quelques chefs-d’œuvre à la clé. De sa dégaine de héros de bande dessinée, il en fera un atout. Il sera insufflé à ses personnages une sensibilité subtile. Cette aisance lui permettra de passer d’un genre à l’autre, du drame au western en passant par toutes les strates de la comédie avec toujours la même élégance. Ses mélodrames avec Douglas Sirk sont le sommet de sa carrière, mais c’est l’arbre, majestueux certes, qui cache une forêt de pépites. Si sa carrière semble s’être bâti en dilettante, en la parcourant, on s’aperçoit rapidement que Rock Hudson, qui même sous contrat, a su choisir ses films dans le lot de ce qui lui était proposé. Il ne faut jamais hésiter à voir un film avec Rock Hudson.
Le Rendez-vous de septembre est le premier des deux films avec Rock Hudson et Gina Lollobridgida, deux charmantes réussites. Le couple fonctionne à merveille, lui, dans son rôle de puritain Américain, elle, dans celui de l’Italienne pétillante, libre et sexy.
Il n’est pas interdit d’avoir de la sympathie pour Gina Lollobrigida. Pulpeuse, brune à œil de braise, archétype de la beauté italienne des années 50/60. Lollobrigida a le sens de la comédie, du tempo juste. Curieusement, c’est en France qu’elle est consacrée vedette avec Fanfan la Tulipe (1951) de Christian-Jaque et Les Belles de nuit (1952) de René Clair. Le triomphe de Pain, amour, et fantaisie (Pane, amore e fantasia, 1953) et de sa suite Pain, amour et jalousie (Pane, amore e gelosia, 1954), deux réalisations de Luigi Comencini, la propulse sur la scène internationale. On a tort de ne retenir de sa carrière américaine que Salomon et la reine de Saba (Solomon and Sheba, 1959), superproduction de King Vidor, oubliant au passage, Plus fort que le diable (Beat the Devil, 1953) de John Huston et Trapèze (1956) de Carol Reed, La proie des vautours (Never So Few, 1959) de John Sturges et d’autres films, plus modestes, mais non moins digne d’intérêt.
Le Rendez-vous de septembre, est une comédie américaine à l’italienne, précurseur d’une certaine manière d’Avanti! (1972) de Billy Wilder. Le démarrage est formidable : un milliardaire retrouve sa maîtresse, tous les ans, en septembre. Sauf que cette année, il arrive en avance. Il se précipite dans sa sublime maison pour y vivre son amour caché avec sa belle Italienne. Ce qu’il ne sait pas, c’est que son fidèle majordome (l’épatant Walter Slezak) transforme son nid d’amour en hôtel quatre-étoiles pour le reste de l’année. Notre Américain tombe dans sa villa sur une classe de jeunes adolescentes en voyage découverte. Très bonne idée qui aurait pu donner lieu à des dizaines de quiproquos, mais Mulligan bifurque rapidement sur d’autres pistes. Comédie aux multiples ramifications sur les rapports amoureux, la jeunesse, la responsabilité, la paternité, etc. Tous ses thèmes sont abordés avec légèreté et subtilité dans un va-et-vient de sentiments qui aboutit à faire « grandir » les personnages. Les jeunes tourteaux sont interprétés par Bobby Darin, vedette de la chanson, en vogue, et Sandra Lee, idole des jeunes. Les deux se passeront la bague au doigt à la fin du tournage. Dans un petit rôle, Joel Grey, un des copains de Darin, le futur meneur de revue de Cabaret (1971) de Bob Fosse.
Robert Mulligan est un des principaux artisans de l’âge d’or de la télévision américaine, des dramatiques en direct, comme John Frankenheimer, Arthur Penn, Sidney Lumet ou William Friedkin. Contrairement à ses collègues, il reste un cinéaste plutôt méconnu, discret, dont l’œuvre refait surface à intervalles réguliers. Réduit en Europe à Un été 42 (Summer of ’42, 1971), et aux Etats-Unis au Silence et des ombres (To Kill a Mockingbird, 1962). Deux magnifiques films, mais il suffit de gratter un peu pour se retrouver face d’autres splendeurs : Daisy Clover (Inside Daisy Clover, 1965), L’autre (The Other, 1972), Un été en Louisiane (The Man in the Moon, 1991)…
Robert Mulligan, exerce dans tous les genres (comédie, drame, western, fantastique). Sa ligne directrice est son attachement à la jeunesse, aux personnages d’enfants et d’adolescents, d’êtres dans l’entre-deux, à un moment de passage, d’un âge à un autre. Il n’est pas surprenant que Robert Mulligan soit un formidable découvreur de talents : Anthony Perkins, Steve McQueen, Natalie Wood, Jennifer O’Neill, Richard Gere, Reese Witherspoon, trouvent leurs premiers grands rôles devant sa caméra.
Ses films témoignent aussi de son attachement à l’œuvre littéraire. Il fera de plusieurs remarquables transpositions à l’écran. Du Silence et des ombres, adaptation d’un des monuments de la littérature américain, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee, est une admirable réussite, un classique du cinéma américain avec un superbe Gregory Peck. Mulligan est en 1960 d’une nouvelle génération, de plain-pied dans un renouvellement, une nouvelle approche, Le rendez-vous de septembre est à sa manière un au revoir à un temps révolu, à des mœurs anciennes, en un hommage à la Dolce Vita (1960)de Federico Fellini, chef-d’œuvre de la modernité, en baptisant son « hôtel », La Dolce Vista, et par le bais de son héroïne, Lisa Fellini.
Robert Mulligan reprendra l’idée d’un rendez-vous amoureux annuel vers la fin de sa carrière avec Même heure, l’année prochaine (Same Time, Next Year, 1978), avec un désenchantement certain et une tristesse évidente. Sa petite musique est au rythme de la vie qui passe avec ses instants heureux et ses piques de violence et puis tout s’évanouit en un clin d’œil… la comédie de la vie.
Fernand Garcia
Le Rendez-vous de septembre une édition Éléphant Films, en combo (DVD – Blu-ray) ou en unitaire, master HD impeccable, avec d’excellents suppléments : un formidable Portrait de Robert Mulligan par Jean-Pierre Dionnet, « le plus méconnu des metteurs en scène des années 70 », film par film (23 minutes). Portrait de Rock Hudson « pour chanter la gloire » de l’acteur par Jean-Pierre Dionnet « peut être de 60 à 66, le meilleur acteur au monde » (15 minutes). Une analyse du film claire et précise par Nachiketas Wignesan (23 minutes). Une présentation du Rendez-vous de septembre par Jean-Pierre Dionnet (7 minutes). La Bande-annonce d’époque du film et enfin, les autres films dans la même collection : L’homme de Bornéo, Le roi des imposteurs, Etranges compagnons de lit, Tobrouk, commando pour l’enfer et Le sport favori de l’homme.
Le Rendez-vous de septembre (Come September) un film de Robert Mulligan avec Rock Hudson, Gina Lollobridgida, Sandra Lee, Bobby Darin, Walter Slezak, Brenda De Banzie, Rosanna Rory, Ronald Howard, Joel Grey, Ronnie Seitz… Scénario : Stanley Shapiro et Maurice Richlin. Histoire de Stanley Roberts et Robert Russell. Directeur de la photographie : William Daniels. Décors : Henry Bumstead. Montage : Russell F. Schoengarth. Musique : Hans J. Salter Supervision musical : Joseph Gershenson. Producteur : Robert Arthur. Production : The 7 Pictures Corporation – Raoul Walsh Enterprises – Universal Pictures. Etats-Unis. 1961. 113 minutes. Technicolor. CinemaScope. Format image : 2,35 :1. 16/9e Son : Version originale avec ou sans sous-titres français et en Version française. DTS-HD Dual mono 2.0 et Dolby Digital. Tous Publics.