Avril, avocate abonnée aux causes perdues, s’est fait une promesse : sa prochaine affaire, elle la gagne ! Mais lorsque Dariuch, client aussi désespéré que sa cause, lui demande de défendre son fidèle compagnon Cosmos, les convictions d’Avril reprennent le dessus. Commence alors un procès aussi inattendu qu’agité : le procès du chien.
Révélée en 2013 à l’affiche de La Bataille de Solférino, le premier film de Justine Triet, avec Le Procès du chien, la comédienne Laetitia Dosch réalise son premier long-métrage dont elle signe également le scénario avec Anne-Sophie Bailly.
Après La Bataille de Solférino, les rôles s’enchainent pour l’actrice que l’on verra entre autres dans La Belle Saison (2015) de Catherine Corsini, Les Malheurs de Sophie (2015) de Christophe Honoré, Jeune Femme (2016) de Léonor Serraille, qui reçoit la Caméra d’or au festival de Cannes en 2017, et dans lequel elle interprète le rôle-titre. Laetitia Dosch tient ensuite le rôle principal de Gaspard va au mariage (2017) d’Antony Cordier avant de tourner Nos Batailles sous la direction de Guillaume Senez en 2018 et dans lequel elle joue le rôle de la sœur de Romain Duris. La même année elle crée le spectacle Hate, dans lequel elle forme un duo singulier avec un cheval.
On la retrouve au cinéma à l’affiche de Fourmi (2019) de Julien Rappeneau dans lequel elle joue aux côtés de François Damiens, Les Apparences (2020) de Marc Fitoussi, Passion Simple (2020) de Danielle Arbid, Reprise en main (2021) de Gilles Perret, Ils sont vivants (2021) de Jérémie Elkaïm, Playlist (2021) de Nine Antico, En même temps (2022) de Benoît Delépine et Gustave Kervern, Libre Garance ! (2022) de Lisa Diaz, Acide (2023) de Just Philippot ou encore Le Roman de Jim (2024) d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu.
« Il faut réinventer notre rapport au vivant si on veut survivre. Par exemple, on considère beaucoup les animaux comme des objets. Dans Le Procès du chien, la loi suisse assimile le chien Cosmos à une chose, pas à un individu – donc, s’il est euthanasié, on ne le tue pas, on le détruit ». Laetitia Dosch
Fan du cinéma de Pierre Salvadori et préoccupée par la crise écologique, avec Le Procès du chien, Laetitia Dosch cherche à éveiller nos consciences en questionnant nos idées reçues par le biais d’une comédie à la fois absurde, surréaliste et intelligente. Le Procès du chien est une comédie aussi libre dans son ton que dans son récit qui, à travers la richesse de ses thématiques, de la justice spectacle au féminisme en passant par la condition animale, le spécisme, la violence ou encore le cynisme mais aussi la naïveté des individus, interroge sur la folie qui a gagné notre société contemporaine.
Cosmos est un chien et est l’accusé d’un procès. Cosmos est le premier chien à être jugé responsable de ses actes dans le premier procès de chien depuis… le moyen-âge. Appelé à la barre face à des hommes démunis pour le juger, en changeant le statut du chien comme s’il était devenu une personne, la réalisatrice plonge le spectateur dans un surréalisme parfait pour susciter le rire. Inspiré de faits réels, le film nous montre également l’emballement à la fois sociétal et médiatique face aux affaires judiciaires qui soulèvent des questions nouvelles auxquelles nous n’avons pas encore réfléchi.
Cosmos est présumé misogyne. Joachim, le petit voisin avec lequel Avril va nouer une relation forte, est victime de maltraitance… Omniprésentes dans tout le film, les notions de violence et de responsabilité personnelle et sociale face à cette dernière sont également des questions passionnantes qu’aborde la réalisatrice dans cette histoire. Qu’elle est l’origine de la violence ? Un individu violent peut-il changer ? Existe-t-il un lien entre la condition animale et la condition humaine ? Pour écrire son scénario, Laetitia Dosch s’est inspirée du livre de Romain Gary, Chien blanc, publié en 1970. Roman qu’adaptera Samuel Fuller au cinéma avec Dressé pour tuer (White Dog, 1982).
« Pour moi, rire, c’est le nerf de la guerre, et la comédie est un art noble. Je trouve ça beau de faire passer un bon moment aux spectateurs, surtout si on veut parler de choses graves, profondes. » Laetitia Dosch
Le comique du film joue évidemment sur le fait que les hommes projettent trop d’eux-mêmes sur les animaux, mais plus inattendu, à travers les plans qui semblent capter les pensées et les émotions de Cosmos, celui-ci repose également sur le regard que porte le chien sur nous et notre bêtise. Mais, si Le Procès du chien est une comédie, la réalisatrice n’hésite pas à désamorcer le comique attendu pour nous emmener sur le terrain de l’émotion en déjouant nos préjuger notamment concernant les personnages qui se révèlent être plus complexes et profonds qu’ils ne le paraissent au premier abord.
Signé du directeur la photographie Alexis Kavyrchine, chef opérateur entre autres des films Vincent n’a pas d’écailles (2014) de Thomas Salvador, Le Secret de la chambre noire (2016) de Kiyoshi Kurosawa, Ce qui nous lie (2017) et En corps (2022) réalisés par Cédric Klapisch, Chanson Douce (2019) et A mon seul désir (2022) réalisés par Lucie Borleteau, Adieu Les Cons (2020) d’Albert Dupontel ou encore Adieu Paris (2021) d’Edouard Bear, la lumière tendre et les douces couleurs pastel qu’il utilise ici, confère non seulement une dimension de conte au film mais aussi un contraste qui laisse planer l’ombre. Travaillé dans la même direction que l’image, le son participe également à l’ambiance chaude et molletonnée du film. Soulignons par exemple l’atténuation des bruits extérieurs qui vient mettre en valeur les voix des comédiens.
Interprétée par Laetitia Dosch, Avril, avocate idéaliste des causes perdues, est le fil conducteur du film. A l’image de Cosmos qui tente de retrouver son cri de loup, Le Procès du chien est avant tout la trajectoire d’une femme qui cherche sa voie (et sa voix) entre deux mondes, l’ancien monde et le monde post-metoo. Comme investie d’une mission à la fois utopique et pathétique qui lui permettrait d’éradiquer toute la misogynie du monde, c’est en cherchant à tout prix à sauver Cosmos que celle-ci va trouver sa force et sa place dans la société.
Pour son film, la réalisatrice s’est entourée d’une pléiade d’acteurs tous aussi formidables et convaincants les uns que les autres. Sensible aux personnes qui ne rentrent pas dans les « cases », de Dariuch, malvoyant hirsute et maître de Cosmos qu’interprète François Damiens, à Joachim (Tom Fiszelson), le petit voisin punk d’Avril, victime de violences, en passant par Lorène (Anabela Moreira), la femme de ménage portugaise mordue au visage par Cosmos et qui, refusant la norme, décide de garder ses cicatrices, hauts en couleurs, singuliers et très dessinés, les personnages créés par la cinéaste sont, pour beaucoup, des personnages délaissés et incompris, des personnages en marge de la société qui viennent contraster avec la caricature de l’avocate d’extrême droite de la partie civile interprétée par Anne Dorval.
Comme elle dirigerait un orchestre, Laetitia Dosch parvient à harmoniser brillamment les tonalités de jeu des comédiens dont les types de comiques sont complètement différents. Aux côtés de Laetitia Dosch et de François Damiens, on retrouve Jean-Pascal Zadi, parfait dans le rôle de Marc, le comportementaliste animalier, ou encore Mathieu Demy excellent en juge dépassé par les évènements.
Le Procès du chien a été présenté dans la section Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes où, un an après Messi pour Anatomie d’une chute de Justine Triet, Kodi, le chien qui interprète Cosmos, a remporté la « Palme Dog ».
Premier film de l’actrice-réalisatrice et scénariste Laetitia Dosch, Le Procès du chien est à la fois une comédie loufoque et inventive et une fable sociale humaniste qui nous fait autant rire de bon cœur que nous émouvoir ou nous questionner. A l’image de l’esprit singulier de son autrice, Le Procès du chien est une « philosophicomédie » originale et décalée. Irrésistible. Une réussite.
Steve Le Nedelec
LE PROCES DU CHIEN Photos ©Dorothée Thébert Filliger
Le Procès du chien, un film de et avec Laetitia Dosch et François Damiens, Jean-Pascal Zadi, Anne Dorval, Anabela Moreira, Tom Fiszelson, Mathieu Demy, Pierre Deladonchamps… Scénario : Laetitia Dosch et Anne-Sophie Bailly d’après une idée originale de Laetitia Dosch. Image : Alexis Kavyechine. Direction artistique : Elsa Amiel. Décors : Anne-Carmen Vuilleumier. Montage : Suzana Pedro & Isabelle Devinck. Producteurs : Lionel Baier, Agnieszka Ramu, Thomas & Mathieu Verhaeghe. Production : Bande à Part Productions – Atelier de Production Coproduction : RTS – SRG – SSR – France 2 Cinéma Avec la participation Canal + – OCS – France Télévision – Ciné + – Cinéforom – LSR – Media Desk Suisse – FC de Suisimage. Distribution (France) : The Jokers Films (Sortie le 11 septembre 2024). Suisse – France. 2024. 83 minutes. Couleur. Format image : 1.85 :1. Son : 5.1. Tous Publics. Un Certain Regard – Festival de Cannes, 2024