Une petite exploitation agricole, un pick-up arrive. Les enfants jouent dehors. Le pick-up s’arrête. Ses occupants, deux hommes, observent. Les enfants s’arrêtent et rentrent à la maison. Les hommes sortent, lourdement armés. Les enfants préviennent leur mère de la présence d’individus louches. Trop tard. Un homme avec un fusil à pompe entre dans la maison et massacre femmes et enfants. 9 morts… En ville à Denver, le journaliste Garret Smith (Charles Bronson) déjeune avec sa collègue Joséphine Fabrizio (Marilyn Hassett) quand le commissaire Barney Doyle (Daniel Benzali) accompagné d’Homer Foxx (Laurence Luckinbill), un riche entrepreneur, se joint à eux. Le Commissaire envisage de se présenter aux municipales… avant que ne tombe la sinistre nouvelle du massacre. Il se rend sur les lieux accompagné de Garret…
J. Lee Thompson est, durant les années 70/80, avec Michael Winner, le réalisateur favori de Charles Bronson. Thompson est celui qui l’aura dirigé le plus grand nombre de fois avec 9 films au total. Il s‘agit principalement de polars, à l’exception d’un curieux western Le Bison blanc, réalisé en 1976. Des films populaires auxquels la presse de l’époque n’accorde que peu d’importance. Pourtant, à les revoir, il s’agit d’œuvres de très bonne facture, et même pour certains de ces titres de véritables petites pépites noires, âpres et violentes.
Le Messager de la mort débute par une séquence superbement découpée et d’un grand impact émotionnel. Un tueur massacre toute une famille, femmes (dont une enceinte) et enfants. Une entrée en matière extrêmement efficace pour la meilleure séquence du film. Le Messager de la mort est un film qui se situe à la fin de la glorieuse épopée de la Cannon. Il est évident que le budget du Messager de la mort est réduit à peau de chagrin, le poste le plus élevé restant celui de Charles Bronson, sa star. J. Lee Thompson, qui a connu des périodes plus fastes, fait ce qu’il peut avec ce qu’il a sous la main. Manque évident de répétitions avec les acteurs dont certaines scènes auraient gagné à être plus travaillées. Cette absence de moyens se voit entre autres dans la séquence de l’hôtel où le journaliste a rendez-vous avec le comparse du tueur : décor sommaire et figuration mal dirigée. Encore une fois avec ce qu’il a, Thompson réussit à faire tenir debout son histoire. Il réussit particulièrement bien toutes ses scènes en extérieur (dans le Colorado), donnant un cachet assez original au film. Certaines sources évoquent le fait que Thompson, malade, n’a pu finir le tournage, en laissant la charge à ses deux assistants-réalisateurs. C’est possible, tant certaines séquences manquent singulièrement d’imagination.
Le Messager de la mort tient la route parce que son sujet est intéressant. L’enquête que mène un journaliste d’investigation au sein d’une communauté mormone intégriste, fractionnée entre deux frères que tout oppose et qui se détestent. Le film n’est cependant pas une confrontation entre les deux communautés, mais une petite plongée dans deux univers. Celui des intégristes, localisé à la campagne et celui des nantis de la ville. D’un côté, de vieilles rancunes abreuvées d’interprétations divergentes sur la Bible, de l’autre des intérêts économiques et politiques. De part et d’autre, c’est un combat sans merci où tous les coups sont permis. « L’expiation dans le sang » commandement ultime de la communauté, l’est aussi dans la haute bourgeoisie de Denver, qui ne recule devant rien pour asseoir son pouvoir. Le sujet est intéressant et bien présent à l’écran, mais encore une fois le manque de moyens en réduit fortement la portée.
Bronson délaisse son rôle habituel de justicier et/ou de policier pour un personnage de journaliste plus en nuances (c’est-à-dire moins physique) et plus bavard (loin de ses habitudes). Il est plus dans l’empathie et l’écoute que dans l’action violente. La distribution est de qualité. Bronson retrouve à ses côtés, John Ireland, en illuminé de la religion, et de bons seconds rôles : Laurence Luckinbill, Daniel Benzali, Marilyn Hassett, Jeff Corey. Mention à Trish Van Devere, actrice rare et peu connue. Elle incarne une directrice de publication qui aide Garret Smith. Trish Van Devere a principalement joué aux côtés de son mari, George C. Scott. Elle le rencontre sur le tournage de The Last Run (Les Compagnons de la dernière chance, 1971) étrange polar de Richard Fleischer (et John Huston). Ils partagent l’affiche de plusieurs autres films d’où se détache L’Enfant du diable (The Changelling, 1980) de Peter Medak, un chef-d’œuvre du cinéma fantastique. Magnifique brune, Trish Van Devere par sa présence troublante et son jeu subtil rend immédiatement ses échanges avec ses partenaires intéressants. On arrive à oublier le décor dans lequel Van Devere évolue pour se concentrer sur sa prestation. Les échanges entre Trish Van Devere et Charles Bronson font partie des meilleurs moments du Messager de la mort.
Un autre élément à mettre au crédit du film : l’excellente musique de Robert O. Ragland. Une partition de grande classe qui soutient le film avec une grande science des effets dès le générique de début, tout en masquant intelligemment le manque de moyens de la production. Un compositeur d’un grand nombre de films de série B qui mérite d’être redécouvert. Le Messager de la mort, avant-dernier film de J. Lee Thompson et de son association avec Bronson, est un polar inégal, mais attachant.
Fernand Garcia
Le Messager de la mort, pour la première fois en Blu-ray (disponible aussi en DVD), une édition Sidonis Calysta, dans sa collection Charles Bronson. Comme toujours chez l’éditeur le master HD est impeccable, en complément : Patrick Brion évoque rapidement Jack Lee Thompson et le film (7 minutes). Plus intéressant est le documentaire TV : Vigilantes, les origines : une histoire américaine, sur la présence des vigilantes dans l’histoire des Etats-Unis : « Le mot « Vigilante » signifie une vigilance constante. Il est utilisé pour décrire une ou plusieurs personnes qui décident de se faire justice eux-mêmes » (38 minutes).
Le Messager de la mort (Messenger of Death) un film de J. Lee Thompson avec Charles Bronson, Trish Van Devere, Laurence Luckinbill, Daniel Benzali, Marilyn Hassett, Charles Dierkop, Jeff Corey, John Ireland, Tom Everett… Scénario : Paul Jarrico d’après The Avening Angel de Rex Burns. Directeur de la photographie : Gideon Porath. Decors : W. Brooke Wheeler. Costumes : Shelley Komarov. Montage : Peter Lee-Thompson. Musique : Robert O. Ragland. Producteurs exécutifs : Menahem Golan et Yoram Globus. Producteur : Pancho Kohner. Production : The Cannon Group, Inc. Etats-Unis. 1988. 91 minutes. Couleur. Format image : 1,85 :1. Son : DTS-HD 2.0. Version originale avec ou sans sous-titre français et Version française. Tous Publics.