Des pas sur la bande son, nous avançons en travelling avant vers une porte, et soudain un cri de femme ! Pas de doute nous sommes dans un film gothique. Le début est assez intriguant : deux jeunes femmes entrent en cachette dans un manoir et s’y perdent. Le lieu est maudit depuis la disparition, vingt ans auparavant, de propriétaire des lieux, la comtesse Irène, dont ne subsiste qu’un portrait au mur. Les deux jeunes intruses sont observées par une sorte de Quasimodo. Ce monstre les traque et les enferme dans une pièce secrète. Bien sûr, cet être abject et libidineux, ne peut se satisfaire de les garder prisonnières. Il les torture avec tout un attirail moyenâgeux. Épreuve épouvantable et sous la douleur elles succombent… Dans un petit chemin de campagne, on découvre les cadavres des pauvres jeunes filles…
Le manoir maudit est une curiosité du cinéma gothique, il fait partie de ses petits films qui faisaient le charme des séances de l’après-midi des petites salles de quartier. C’est l’unique réalisation du scénariste l’italien Antonio Baccaci. Il signe cette agréable petite production sous le pseudonyme d’Anthony Kristye. Après le début prometteur, l’intrigue se met en place et se développe autour du personnage d’Anna (Annie Alberti). La jeune femme est victime d’horribles cauchemars où elle revit l’assassinat de la comtesse. Sa guérison permettra aussi de découvrir l’identité de l’assassin. Cette utilisation des cauchemars est la note fantastique à laquelle le titre orignal Métempsycose tente de renvoyer maladroitement.
Le scénario reprend des figures habituelles du genre ainsi que la topographie (couloirs sombres, tombeaux, sous-sols, chambre des tortures). Le manoir maudit distille un érotisme bien prude, mais sympathique, petites robes qui remontent sur les jambes, petite nuisette qui laisse entrevoir l’arrondi d’un sein… Le film est parfois déroutant avec son aparté « comédie » et sa musique guillerette de la rencontre entre Dickson et Anna. Evidemment, les invraisemblances abondent, on se demande à quelle époque se situe l’action, la mise en scène pousse en longueur : les séquences avec ses les longs déplacements des personnages dans le manoir, mais c’est sans importance tant cela participe de l’ensemble et du charme du film. Annie Alberti, qui aura une petite carrière dans le cinéma Bis, est charmante dans le double rôle d’Anna et de la comtesse Irène. Pour les amoureux des détails saugrenus, signalons que les rats sont « incarnés » par des cochons d’Inde ! Toute la magie du bis !
Fernand Garcia
Le manoir maudit est édité dans la collection Les Chefs-d’œuvre du Gothique d’Artus Film dans une copie en version française uniquement, très bon doublage d’époque, avec entre autres, la voix de Jean Amadou. Dans les compléments de programme, Alain Petit dans La tombe des tortures évoque l’époque et la carrière du Manoir maudit, une mine d’informations. Un excellent diaporama d’affiches et de photos complète l’ensemble auquel s’ajoutent les films-annonces de la collection (Contronatura, Vierges pour le bourreau, L’effroyable secret du docteur Hitchcock, Le Château des messes noires et bien sûr celle du Manoir maudit).
Le manoir maudit (Metempsyco), un film d’Antonio Boccaci (Anthony Kristye) avec Annie Alberti, Adriano Micantoni (Tony Maky), Marco Mariani (Mark Marian), Flora Carosello (Elizabeth Queen), Antonio Boccaci (William Gray), Bernard Bly… Scénario original : Antonio Boccaci (Anthony Kristye) Adaptation : Antonio Boccaci (Anthony Kristye) et Giorgio Simonelli (Johnny Seemonell). Musique : Armando Sciascia. Directeur de la Photographie Francesco Campitelli (William Grace). Montage : Jean-Pierre Grasset. Effets spéciaux : Patt Collins. Producteur : Francesco Campitelli (Frank Campitelli). Production : Virginia Cinematografica. Italie. 1963. 84 mn. Version Française avec un passage sous-titré en français. Format 1.66 original respecté 16/9ème compatible 4/3. Noir et blanc.