Quatrième volet du grand nettoyage de la racaille par Kersey, Le Justicier braque les dealers voit une sorte de passation de pouvoir entre Michael Winner, réalisateur historique de la série, et J. Lee Thompson. Pour Charles Bronson, cela ne change pas grand-chose, Thompson comme Winner fait partie de ses réalisateurs favoris. J. Lee Thompson a déjà dirigé Bronson à 6 reprises (avant ce film, 9 au total). Les deux hommes se connaissent parfaitement et travaillent tous deux depuis plusieurs années presque exclusivement pour la Cannon. J. Lee Thompson s’est habitué aux méthodes de Menahem Golan et Yoram Globus : tournages rapides et budgets serrés.
Le Justicier braque les dealers subit un véritable toilettage. Les fondamentaux mis en place par Michel Winner disparaissent : la violence urbaine, l’agression sexuelle extrême, la petite délinquance, laissent la place à une approche plus mainstream. La séquence d’ouverture sonne comme un adieu au Kersey de Michael Winner : un parking, une femme blonde, seule, se dirige vers sa voiture. Tout le béton suinte la violence et l’angoisse. Trois hommes, encagoulés par des bas, l’extirpent de sa voiture. Jetée violemment au sol, la pauvre femme est tabassée. L’un des agresseurs tente de la violer, tandis que les deux autres la maintiennent au sol. Dans la pénombre, Paul Kersey observe, avant d’intervenir revolver au poing. Kersey balance un mot, comme une sentence : « La mort ». Ce prologue est le lien avec les films de Winner, mais il s’agit d’un cauchemar de Kersey. Le violeur cagoulé que Kersey va abattre n’est autre que lui-même. Il se réveille en sueur. Voilà, fini, l’ancien Kersey, écumeur des rues, est mort. Les trois précédents films sont renvoyés à une époque ancienne, celle d’un cauchemar urbain, où un simple anonyme pouvait être la proie d’une violence aveugle et irraisonnée. La teneur subversive et populiste de Michael Winner appartient désormais à une histoire lointaine.
Cette introduction marque un autre adieu : au réalisme documentaire, qui imprégnait les films de Winner (surtout les 2 premiers). Une violence de faits-divers, d’agresseur sans visage, d’impunité, jouant de ce sentiment incontrôlable de peur panique de la population, avec en corollaire l’impossibilité de traverser certaines rues la nuit. Le film de J. Lee Thompson marque un changement d’orientation, désormais la violence a changé de visage. Nous passons de la délinquance des paumés des quartiers à celle, clinquante et bling-bling, des cartels de la drogue. Le Justicier braque les dealers abandonne la violence des rues, des classes moyennes (quoique Kersey de par son statut social est dans la haute société). Ainsi, au dealer du coin de la rue, au violeur psychopathe se substitue une violence organisée dans une structure pyramidale au sommet de laquelle œuvre un baron de la drogue, pourri d’ambition et assoiffé d’argent. Evidemment, la corruption se retrouve jusqu’au sein de la police, avec sa brebis galeuse, un classique. Tout cela, est une manière de rendre acceptable la violence dans un spectacle populaire par la société et la critique. Le temps n’est plus à la polémique.
Le Justicier quitte la réalité des faits divers pour des chemins plus conventionnels et consensuels. La petite délinquance n’est plus responsable, mais victime d’un système injuste, de la misère, de la ghettoïsation, du racisme, etc. qui la pousse à agir illégalement pour survivre. Le justicier braque les dealers s’attaque aux gros bonnets, sorte de représentation d’une forme d’aboutissement du capitalisme dans un monde aux valeurs inversées. Nous sommes dans la continuation des films de maffia qui ont vu le jour durant les années 70. Le film de J. Lee Thompson est évidemment politiquement correct. Le prologue du Justicier est clairement un passage à une nouvelle approche et à la mise en place d’une autre orientation de violence dans le cinéma américain.
La particularité du quatrième opus est que le scénario est signé par une femme : Gail Morgan Hickman. Elle avait concocté pour Bronson/Thompson le violent polar La loi de Murphy (Murphy’s Law, 1986), un beau succès pour la Cannon. Elle se retrouve avec la lourde tâche de donner une nouvelle impulsion à la série, le résultat n’est pas à la hauteur des ambitions. Il faut reconnaître qu’après un troisième volet des plus délirants, il était difficile d’aller plus loin dans cette voie cartoonesque. La Cannon n’avait peut-être plus les moyens pour un film au budget aussi important, avec sa reconstitution d’un quartier en studio. Le justicier braque les dealers tente de renouveler le concept du vigilante en l’orientant vers une autre piste. L’intrigue de Gail Morgan Hickman est parfois un peu sommaire, mais J. Lee Thompson connaît son métier et insuffle à ses séquences d’action un rythme particulièrement efficace. Les fusillades sont particulièrement bien menées.
Le Justicier braque les dealers est l’avant-dernière réalisation de J. Lee Thompson. Il termine sa carrière sur l’étrange polar Kinjite, sujet tabou (Kinjite : Forbidden Subjects, 1989) toujours avec Bronson. Pour ce Justicier, il retrouve Kay Lenz, qu’il avait dirigée dans Passeur d’hommes (The passage, 1979), un film de guerre assez surprenant avec Anthony Quinn et Malcolm McDowell. Kay Lenz avait été découverte dans Breezy (1973), le film le plus méconnu de Clint Eastwood.
Le Justicier braque les dealers est un polar d’action classique, sans fioritures, solidement amarré au style Cannon et aux années 80.
Fernand Garcia
Sidonis Calysta propose Le Justicier braque les dealers en double programme avec Le Justicier : l’ultime combat / Un Justicier dans la ville 5 et dans le coffret Un Justicier dans la ville regroupant l’intégralité de la série. En complément les bandes-annonces des cinq films de la série.
Le Justicier braque les dealers / Un justicier dans la ville 4 (Death Wish 4 : The Crackdown) un film de J. Lee Thompson avec Charles Bronson, Kay Lenz, John P. Ryan, Perry Lopez, Soon-Teck Oh, George Dickerson, Dana Barron, Mike Moroff, Tom Everett, Danny Trejo… Scénario : Gail Morgan Hickman basé sur les personnages crées par Brian Garfield. Directeur de la photographie : Gideon Porah. Décors : Whitney Brooke Wheeler. Montage : Peter Lee Thompson. Musique : Paul McCallum, Valentine McCallum & John Bisharat. Consultant musique : Robert O. Ragland. Producteurs exécutifs : Menahem Golan et Yoram Globus. Producteur : Pancho Kohner. Production : Golan-Globus – The Cannon Group, Inc. Cannon Films, Inc – Cannon International. Etats-Unis. 1988. 99 minutes. Couleur. Panavision. Format image : 1,85 :1. Son : Version originale avec ou sans sous-titres français et Version Française. Tous Publics.