Marc (Jean-Pierre Léaud) a 19 ans. Garçon coiffeur bruxellois, Marc a une passion pour les voitures de courses et rêve de participer au départ du rallye automobile qui va avoir lieu dans deux jours. Seulement, il n’a pas de voiture. Ne pouvant utiliser discrètement la Porsche de son patron, nous allons le suivre pendant 48 heures dans sa course effrénée à travers Bruxelles à la recherche d’un véhicule ou de l’argent pour se le procurer. Finalement le hasard lui fait rencontrer une jeune fille, Michèle (Catherine-Isabelle Duport), et lui amène une voiture à domicile. Pourtant le départ n’aura pas lieu.
En 1966, alors que le cinéaste présente La Barrière au Festival de Bergame où il remporte le Grand Prix, il rencontre Bronka Ricquier, une polonaise cinéphile vivant en Belgique mariée à un éditeur de revues automobiles, qui lui propose de financer son prochain film, Le Départ (1967), qu’il tournera en Belgique avec Jean-Pierre Léaud dans le rôle principal.
Figure emblématique avec Roman Polanski du renouveau du cinéma polonais, alors qu’il va tourner pour la première fois hors de son pays et à l’Ouest du rideau de fer, afin d’incarner la jeunesse européenne la plus représentative et donner au film l’esprit d’imprévisibilité et la dynamique qu’il souhaite, il était important pour Jerzy Skolimowski que Jean-Pierre Léaud, avec son style nerveux, joue dans son film. C’est après avoir vu Masculin, Féminin (1965) de Jean-Luc Godard que le réalisateur choisira également la comédienne Catherine-Isabelle Duport pour incarner le personnage de Michèle.
Tourné en 27 jours à l’époque des sixties dans les rues de Bruxelles par le cinéaste qui ne parle pas la langue de ses comédiens, Le Départ est à la fois fidèle aux thématiques et à la forme singulière de l’œuvre de l’auteur et dans le même temps incroyablement proche des œuvres de la Nouvelle Vague française. Poétique, libre et inventif, rythmé et en parfaite symbiose formelle avec la sublime bande originale free jazz composée par le célèbre jazzman Krzysztof Komeda, on retrouve dans Le Départ le style et le goût du cinéaste pour le mouvement, pour l’action, pour l’imprévu et l’improvisation sans oublier bien évidemment son sens de l’absurde. Ce sont cette envie et ce choix de privilégier l’action et le mouvement pour définir ses personnages et raconter ses histoires qui une fois encore viennent définir son œuvre comme profondément existentialiste. C’est ce point de vu philosophique qui dès le départ dicte de manière magistrale la forme, l’histoire et le sujet du film. En effet, cinéaste existentialiste s’il en est, comme pour le philosophe Jean-Paul Sartre, pour le cinéaste Jerzy Skolimowski, l’existence précède l’essence. Il faut donc agir pour Être. Ce sont nos actions qui nous définissent. Nous sommes ce que nous faisons.
Le Départ remporte l’Ours d’Or au festival de Berlin. Jerzy Skolimowski alors retenu par les autorités communistes, c’est sa productrice Bronka Ricquier qui est allée chercher le prix à sa place. Mais fort heureusement, Le Départ et son passage à Berlin apportent la consécration et une renommée internationale au cinéaste.
Steve Le Nedelec
Le Départ de Jerzy Skolimowski avec Jean-Pierre Léaud, Catherine-Isabelle Duport, Paul Roland, Jacqueline Bir, Léon Dony, Georges Aubray, Lucien Charbonnier… scénario : Jerzy Skolimowski et Andrzej Kostenko. Directeur de la photographie : Willy Kurant. Son : Philip Cape. Montage : Bob Wade. Musique : Krzysztof Komeda. Productrice : Bronka Ricquier. Production : Elizabeth Films. Distribution (France) : Malavida (sortie le 21 novembre 2018). 1967. 89 minutes. Noir et blanc. Format images : 1.66 :1. Tous Publics. Ours d’Or et Prix de la Critique International au Festival de Berlin, 1967. Restauration 2K par Malavida réalisée chez Titra Films, à partir d’un fichier réétalonné par Willy Kurant, le directeur de la photographie du film.
Jerzy Skolimowski – Invité d’honneur – Toute la mémoire du monde – 7ème édition – Festival International du Film Restauré – Du 13 au 17 mars 2019 à La Cinémathèque Française et « Hors les murs ».