Joseph Cross (Vincent Lindon) est en pleine phase finale des préparatifs pour couler une importante quantité de béton destinée aux fondations d’un immeuble. Cette opération délicate doit être réalisée aux premières heures du matin. Soudain, Cross reçoit un appel téléphonique qui le force à quitter immédiatement le chantier. Il monte en voiture et se dirige rapidement vers l’hôpital, où sa maîtresse est en salle de travail…
Le Choix est le remake français de Locke, écrit et réalisé par Steven Knight, qui est crédité en tant que producteur associé. L’adaptation signée Michel Spinosa reste très fidèle à l’original, sorti il y a une dizaine d’années. Cependant, cette nouvelle version peine à démarrer : les scènes extérieures sur le chantier semblent figées, bien que sauvées par la qualité de la photographie. Une fois sur la route, Gilles Bourdos met en place son dispositif, similaire à celui de Steven Knight. Nous suivons Cross tout au long du film, Bourdos multipliant les plans pour rendre son œuvre aussi dynamique que possible. Les reflets des lumières extérieures sur les vitres et le pare-brise, le passage des voitures, les lumières du tableau de bord — toutes les couleurs et lumières de la nuit sont exploitées par le grand directeur de la photographie Mark Lee Ping-Bing. Chaque élément est habilement utilisé pour renforcer la palette des émotions traversées par Cross, jusqu’au feu vert final qui lui ouvre la voie vers une nouvelle vie.
La véritable différence entre les deux versions réside dans le jeu des acteurs. La différence de style entre l’acteur français, Vincent Lindon, et l’acteur anglais, Tom Hardy, modifie l’atmosphère du film, même si l’histoire et le déroulement restent identiques. Tom Hardy, dans Locke, adopte une approche plus intériorisée, accentuant ainsi la tension psychologique. En revanche, Vincent Lindon a une manière plus humaine et directe d’aborder son personnage, ce qui permet une connexion émotionnelle plus forte. La proximité et l’empathie qu’on ressent envers Lindon rendent l’expérience plus immersive, contrairement à celle de Hardy, qui crée une certaine distance et mise davantage sur une tension froide. Pourtant, ces deux approches fonctionnent parfaitement.
Une autre qualité de Le Choix réside dans la photographie du Taïwanais Mark Lee Ping-Bing, l’un des collaborateurs les plus importants et fidèles de Hou Hsiao-Hsien. Depuis Un Temps pour vivre, un temps pour mourir (Tongnian wangshui) en 1985 jusqu’à son dernier film The Assassin (Cike Nie Yin Niang) en 2015, des œuvres visuellement saisissantes. Il cosigne également la photographie sublime de In The Mood for Love (2000) de Wong Kar-Wai, aux côtés de Christopher Doyle et Pun Leung Kwan. Mark Lee Ping-Bing a travaillé avec de nombreux réalisateurs prestigieux, tels qu’Ann Hui (Neige d’été, 1995), Tran Anh Hung (À la verticale de l’été, 2000), Zhuangzhuang Tian (Printemps dans une petite ville, 2002), Wen Jiang (Le soleil se lève aussi, 2007) et Hirokazu Kore-eda (Air Doll, 2009). Son style unique attire de nombreux cinéastes asiatiques. Il a tourné à Hong Kong, au Japon, au Vietnam, en Chine et en France.
Mark Lee Ping-Bing signe en 2003 la photographie d’Inquiétudes, marquant sa première collaboration avec Gilles Bourdos (et le second film du cinéaste). Suivront Et Après (2008), Renoir (2012) et Espèces menacées (2017), qui constituent à chaque fois une nouvelle aventure esthétique. Pour Le Choix, Mark Lee Ping-Bing parvient à saisir avec une admirable finesse la lumière des vastes zones urbaines et des tronçons d’autoroutes de la région parisienne. Par de simples touches de couleur, des transitions de l’ombre à la lumière, et un éventail de reflets, il illustre les états d’âme de Cross. Ainsi, il habille ce voyage tout au long de la nuit.
Autre petite différence entre les deux films, le passage de la BMW de Locke à la Renault du Choix. Bon voyage et bon choix !
Fernand Garcia
Le Choix un film de Gilles Bourdos avec Vincent Lindon et les voix de Emmanuelle Devos, Micha Lescot, Pascale Arbillot, Grégory Gadebois, Cédric Kahn, Milo Machado-Graner… Scénario : Michel Spinosa d’après le scénario de Steven Knight et son film Locke. Image : Mark Lee Ping-Bing. Costumes : Pascaline Chavanne. Montage : Guy Lecorne. Productrice exécutif : Christine De Jekel. Producteurs associés : Steven Knight, Paul Webster, Guy Heeley et Emilien Bignon. Producteur : Olivier Delbosc. Production : Curiosa Films – UGC – Studio Exception – JD Prod. Distribution (France) : UGC Distribution (Sortie France le 20 novembre 2024) France. 2024. 77 minutes. Couleurs. Tous Publics.