Noël Durieux (Yves Montand), un ancien truand reconverti, mène une vie paisible dans son haras en Normandie aux côtés de sa femme Nicole (Catherine Deneuve). Mais l’arrivée impromptue d’un ami en cavale, accompagné d’un jeune voyou nommé Mickey (Gérard Depardieu), vient bouleverser son existence…
À 37 ans, Alain Corneau s’est imposé comme une figure incontournable du box-office. Fort du succès artistique et critique de Série noire (1979), il entame le tournage du Choix des armes. Il retrouve en tête d’affiche Yves Montand, son complice de Police Python 357 (1976) et de La Menace (1977), dans le rôle d’un truand à l’ancienne, rappelant les personnages incarnés par Jean Gabin. Gérard Depardieu, quant à lui, fait son entrée dans l’univers de Corneau en jouant un truand sans foi ni loi, symbolisant son époque. Son personnage, Mickey, petite frappe de banlieue, reflète autant le passé supposé de l’acteur que les figures incontrôlables des polars américains des années 70 (Mean Streets, Un après-midi de chien, Larry le dingue, Mary la garce, etc.).
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« Police Python 357 avait commencé à me libérer du polar américain. Mais pour être bien assis dans le film noir après La Menace et Série noire, il me manquait encore l’expérience d’un polar vraiment français. (…) J’ai envie de travailler à nouveau sur un antihéros, mais en le plaçant dans une mécanique policière strictement codée, en fonctionnant à l’émotion, et, cette fois, ce sont les hommes qui vont pleurer. » Alain Corneau
Pour son cinquième polar, Alain Corneau aborde pour la première fois l’univers des gangsters. Il met en scène la confrontation entre l’ancienne génération, incarnée par Yves Montand, et la nouvelle, représentée par Gérard Depardieu. Cette opposition se manifeste également à travers les décors : d’un côté, les truands d’antan, désormais embourgeoisés, vivent dans de luxueuses résidences, bien établis. De l’autre, c’est la grisaille des banlieues, la misère d’un environnement urbain dégradé et délaissé par l’État. Ces deux mondes sont sans véritable connexion.
Avec Le Choix des armes, Corneau adopte un style plus ancré dans la tradition française, contrastant avec l’influence américaine marquée de Série noire. Il explore cependant un thème rarement traité dans le cinéma français : la passation de pouvoir. Celle-ci s’opère entre Noël (Montand) et Mickey (Depardieu), leur relation pouvant être perçue comme celle d’un père et d’un fils. Un parallèle intéressant peut être établi avec Tous les matins du monde, où une relation similaire se développe entre Monsieur de Sainte Colombe et Marin Marais, dans une transmission entre maître et élève.
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Le Choix des armes, à l’instar des grands films noirs, fonctionne comme une tragédie. En côtoyant Mickey, Noël est amené à une introspection, un bilan de sa propre vie. Personnage complexe, froid et renfermé, coupé du monde extérieur tant sur le plan culturel que social, il ne parvient à s’exprimer pleinement que par le conflit. C’est un homme d’honneur, attaché à la parole donnée. Mickey, quant à lui, est son opposé : guidé par son instinct, il agit d’abord et réfléchit ensuite. Incapable de maîtriser ses pulsions violentes, il trouve dans l’adrénaline la raison de son existence, mais ses choix sont toujours voués à l’échec.
En parallèle du duo Noël/Mickey, on retrouve le couple de policiers Bonnardot (Michel Galabru) et Sarlat (Gérard Lanvin), formant un écho. Alain Corneau met également en scène une opposition entre ces deux personnages, tant dans leur style que dans leurs méthodes. Bonnardot, le vieux briscard, connaît bien le milieu et ses codes d’honneur. Sarlat, plus jeune, se concentre sur l’efficacité immédiate, rien ne doit l’arrêter. Mickey et Sarlat incarnent l’époque moderne, marquée par l’abandon des valeurs morales de la génération issue de l’après-guerre.
Le premier titre envisagé par Alain Corneau pour son cinquième polar était Noël le caïd et Mickey le dingue, un titre à l’américaine qui reflétait clairement l’opposition centrale du film. Pour sa première incursion dans l’univers des gangsters, Corneau coécrit le scénario avec le romancier Michel Grisolia. Ce dernier avait déjà connu le succès avec l’adaptation de son roman L’Inspecteur de la mer dans Flic ou voyou (1979), un triomphe au box-office réalisé par Georges Lautner avec Jean-Paul Belmondo. Il avait également écrit Je vous aime pour Catherine Deneuve et Gérard Depardieu, en collaboration avec Claude Berri. Le Choix des armes marque toutefois son premier polar écrit directement pour le grand écran, renouant avec les grands films policiers des années 1950, où l’amitié virile et la solidarité entre truands étaient au cœur de l’intrigue.
Sur le plan visuel, Corneau opte pour une approche très classique et utilise pour la première fois le format large du cinémascope. La structure du film rappelle une pièce symphonique en trois mouvements, avec une attention minutieuse portée aux détails et à la vraisemblance des décors urbains. Pour renforcer l’effet de réalité, la production a dû négocier avec les caïds locaux pour tourner à la cité des 4000, à La Courneuve, « à leurs risques et périls ». Le réalisme qui en résulte est saisissant. Le Choix des armes est une mécanique parfaitement maîtrisée, un véritable travail d’artisan de haut vol.
Le Choix des armes marque la troisième et dernière collaboration entre Yves Montand et Alain Corneau, après Police Python 357 et La Menace. Le rôle de Noël avait d’abord été proposé à Lino Ventura, qui déclina l’offre. À l’aube des années 1980, Ventura ne souhaitait plus jouer les gangsters, même ceux en fin de parcours, dans des films sérieux. Montand accepte le rôle et apporte à ce personnage d’ex-gangster sa stature, son autorité et sa droiture. Il avait déjà croisé Gérard Depardieu dans Vincent, François, Paul… et les autres (1974) de Claude Sautet, et le retrouvera plus tard dans l’adaptation de Marcel Pagnol, Jean de Florette (1986) de Claude Berri.
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Depardieu, de son côté, retrouve Catherine Deneuve après le succès de Le Dernier métro de François Truffaut et de Je vous aime de Claude Berri (1980), mais dans un registre très différent. Il incarne Mickey, un personnage d’une violence extrême. Tout chez lui naît dans ses tripes, et bien que cette violence l’effraie, il est incapable de la maîtriser.
Catherine Deneuve, qui avait déjà partagé l’affiche avec Montand dans Le Sauvage (1975) de Jean-Paul Rappeneau, joue ici Nicole, la femme de Noël. Elle assiste, témoin silencieux, à la violence des hommes, dont la virilité exacerbée domine les événements. Son personnage est central dans le basculement de l’intrigue vers la tragédie, observant cette montée inéluctable de la violence. Alain Corneau retrouvera Gérard Depardieu et Catherine Deneuve pour son film suivant : Fort Sagannne (1984)…
Le Choix des armes reste l’un des polars français marquants des années 1980, une œuvre puissante qui conjugue intensité dramatique et réalisme brut. Un must.
Fernand Garcia
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Le Choix des armes, une édition (Blu-ray) StudioCanal (ESC distribution) dans la collection Nos années 80 avec en compléments : Une préface par Jérôme Wybon, retour sur l’importance du film dans le paysage cinématographique français (4 minutes), Making of, document d’époque alternant images du tournage, du montage et interviews, un document inédit (INA, 21 minutes) et enfin la Bande-annonce (3 minutes env.).
Le Choix des armes, un film d’Alain Corneau avec Yves Montand, Gérard Depardieu, Catherine Deneuve, Gérard Lanvin, Michel Galabru, Jean-Claude Dauphin, Jean-Claude Bouillaud, Richard Anconina, Michel Caron, Etienne Chicot, Jean Rougerie, Roland Blanche, Pierre Forget, Marilyn Even, Christian Marquand… Scénario & adaptation Michel Grisolia & Alain Corneau. Directeur de la photo : Pierre-William Glenn. Décors & costumes : Jean-Pierre Kohut-Svelko. Montage : Thierry Derocles. Musique Philippe Sarde. Producteur : Alain Sarde. Production : Sara Films – Antenne 2 – RMC Parafrance Films. France. 1981. 136 minutes. Eastmancolor. Panavision anamorphique. Format image : 2,35:1. 16/9e Son : DTS-HD Master Audio Français 2.0. Tous Publics.