Hacker (Robert Mitchum), ambassadeur des Etats-Unis en Israël, accompagné de Stevenson (Rock Hudson), a rendez-vous, en plein désert, avec des membres de l’OLP. Pendant ce temps, sa femme, Alex (Ellen Burstyn), à Jérusalem, se rend dans une boutique d’antiquités. Elle retrouve Hashimi (Fabio Testi), son amant, homme d’affaires et militant palestinien, dont elle ignore la véritable identité. Alex est suivi et filmé par le Mossad. Tandis que Hacker et Stevenson attendent la petite délégation de l’OLP, un groupe dissident extrémiste, lourdement armé, est prêt à faire capoter la rencontre…
L’Ambassadeur est la transposition de Paiement cash, polar d’Elmore Leonard au Proche-Orient dans le cadre du conflit Israélo-Palestinien. Nous sommes au-delà de l’adaptation, plutôt dans une relecture totale du roman afin d’obtenir… autre chose ! Tout est inversé, ce n’est plus le personnage principal, qui passe de chef d’entreprise à ambassadeur, qui a une aventure extra-conjugale, mais sa femme, ce n’est plus elle qui l’aide, mais un « garde du corps » détaché par les services secrets. Autant dans le livre, le héros, victime d’un chantage, angoisse face au terrible scandale, alors que dans L’Ambassadeur, il s’en fout royalement. Il ne reste du roman de Leonard qu’un vague squelette, et le crédit du romancier disparaît, à juste titre du générique, mais reste sur l’affiche, à la suite d’un accord entre la production et l’écrivain. Il n’empêche que la Cannon est propriétaire des droits du roman. Quelques années plus tard, John Frankenheimer décide de porter le roman d’Elmore Leonard à l’écran et découvre la version de J. Lee Thompson. Il trouve un accord avec Menahem Golan et Yoran Globus, trop heureux de produire un de ses films. Paiement Cash de John Frankenheimer est l’adaptation fidèle du roman, et un excellent polar avec Roy Scheider et Ann-Margret. Il est possible (et intéressant) de voir les deux films sans faire le lien entre eux.
L’Ambassadeur tient debout grâce au savoir-faire de Jack Lee Thompson et au montage de Mark Goldblatt. Mis sur la touche par les grands studios hollywoodiens, J. Lee Thompson prouve, à soixante-dix ans, qu’il a encore de la ressource. Il insuffle à son film un grand dynamisme et obtient d’excellentes performances de ses acteurs. Il est une « prise » de choix pour la Cannon, certainement l’un des meilleurs réalisateurs à travailler régulièrement pour Menahem Golan et Yoram Globus. Eclectique dans ses choix, il désoriente la critique qui finit par le traiter avec mépris. J. Lee Thompson n’est certes pas un auteur, comme Jean Eustache, mais partage avec l’auteur de La Maman et la putain, l’amour du cinéma. L’Ambassadeur est son deuxième film pour la Cannon après un polar rude et violent : Le Justicier de minuit (Ten to Midnight, 1983) avec Charles Bronson, un gros succès public. A partir de L’Ambassadeur, tous les films de J. Lee Thompson sont produits par la Cannon. Si les budgets sont plutôt honnêtes pour les Bronson et les films parfois excellents, il n’en va pas de même pour Allan Quatermain et les mines du roi Salomon (King Solomon’s Mines, 1985) avec Richard Chamberlain et Le temple d’or (Firewalker, 1986) avec Chuck Norris. Là, encore son sens de la réalisation et son expérience lui permettent de rendre ses productions, dont le budget est très en deçà des ambitions affichées, visible et finalement plus qu’honorable.
Le scénario de L’Ambassadeur est l’œuvre de deux scénaristes de télévision, Max Jack et Ronald M. Cohen (qui n’est pas crédité au générique), même si l’ossature est bonne, ils n’évitent pas quelques clichés, que masquent habilement les fausses pistes et rebondissements où se croisent, la CIA, le Mossad, L’OLP et le KGB. Le film pointe les mouvements extrémistes qui rendent tout dialogue impossible entre Juifs et Palestiniens modérés. Toutefois, certaines séquences sont à la limite du ridicule dont la rencontre « secrète » entre étudiants des deux camps, des bougies pour la paix en main. Idem pour le final devant la maison de l’ambassadeur avec la jeunesse qui réclame la paix. Séquences utopiques qui semblent sorties d’un brainstorming dans le bureau de Menahem Golan. Par contre, les scènes d’action sont rondement menées. La poursuite de la jeune technicienne de laboratoire par Rock Hudson est un modèle de découpage. Le montage de Mark Goldblatt est formidable, il se distinguera par la suite sur les films de Paul Verhoeven et de James Cameron, entre autres.
Robert Mitchum incarne, avec sa nonchalance habituelle, campe un ambassadeur, mixte de naïveté et de candeur. Il retrouve pour la troisième fois Jack Lee Thompson, après Les nerfs à vif (Cape Fear, 1962), une de ses plus inquiétantes et impressionnantes interprétations, et Madame croque-maris (What a Way to Go ! 1964). Contrairement à beaucoup de films où il traîne sans trop y croire, Mitchum s’investit dans le personnage de l’ambassadeur comme rarement au cours de cette période. Qui d’autre que Mitchum aurait accepté de donner corps à un personnage aussi naïf, cocufier et trahie en permanence. « La vengeance, c’est bon pour les victimes et je ne me sens pas victime », et c’est bien de cette manière qu’il accepte les écarts de sa femme. La scène entre Mitchum et Burstyn au lit, après avoir appris son aventure extra-conjugale, est originale dans le jeu et particulièrement réussie. Mitchum est d’une certaine manière dans le sillage de son personnage de La fille du Ryan (Ryan’s Daughter, 1970). L’expérience a dû être du goût de Robert Mitchum puisqu’il enchaîne avec une autre production de la Cannon, le formidable Maria’s Lovers avec Nastassja Kinski d’Andreï Kontchalovski
Rock Hudson n’est pas le premier choix de la production et remplace au pied levé Telly Savalas. Comme Mitchum, il s’investit dans son personnage, agent du gouvernement américain et homme d’action, qui ne recule devant rien. Il s’en sort bien et de manière parfaitement crédible. L’Ambassadeur est son dernier film pour le grand écran. Rock Hudson est, quand il tourne le film, déjà malade. Il décède, l’année suivante (1985), du SIDA.
Ellen Burstyn, excellente actrice, réussie à rendre la femme de l’ambassadeur surprenante et émouvante, dans sa quête de plaisir. Actrice importante, elle est la mère de la jeune Regan (Linda Blair) de L’Exorciste (The Exorcist, 1973), le terrifiant film de William Friedkin. Oscar de la meilleure actrice pour Alice n’est plus ici (Alice Doesn’t Live Here Anymore, 1974) de Martin Scorsese, la même année, elle remporte le Tony Awards (l’équivalant de l’Oscar pour le théâtre américain) pour son rôle dans la pièce Même heure, l’année prochaine (Same Time, Next Year), un doublet rarissime. L’adaptation cinématographique de la pièce lui vaudra un Golden Globe de la meilleure actrice. Sa renommée est importante, à tel point qu’elle est le plus gros cachet, supérieur à celui de Dirk Bogarde et de John Gielgud, pour Providence (1977), chef-d’œuvre d’Alain Resnais. Dommage qu’elle ne puisse pas développer plus avant son personnage de femme d’ambassadeur, frustré et désespéré. Dans la deuxième partie, elle n’est plus qu’une simple spectatrice de l’action. Quant à son amant, FabioTesti, il est figé et ne joue absolument pas sur son charme, à tel point qu’on se demande pourquoi la femme de l’ambassadeur de se donner à lui.
L’Ambassadeur ne sortira jamais dans les salles françaises et connaît une exploitation limitée aux Etats-Unis. Le film, a-t-il été victime de son aspect « politique » ? Mystère. Toujours est-il que L’Ambassadeur est avant tout un solide spectacle qui mérite mieux que le purgatoire. Une curiosité à découvrir.
Fernand Garcia
L’Ambassadeur, une rareté, pour la 1ère fois en combo (DVD et Blu-ray), une édition Sidonis-Calysta en HD. En complément : une présentation par Patrick Brion : « un film qui dès le départ a eu beaucoup de problèmes… » (8 minutes). Une deuxième par Emmanuel Laborie, retour sur la genèse du film de sa première adaptation destinée à Joe Don Baker au film de J. Lee Thompson, un tour d’horizon intéressant (18 minutes). Enfin, deux bandes-annonces, l’une pour le marché local (les Etats-Unis ?) et l’autre pour l’international (5 minutes env.).
L’Ambassadeur (The Ambassador), un film de J. Lee Thompson avec Robert Mitchum, Ellen Burstyn, Rock Hudson, Fabio Testi, Donald Pleasence, Heli Goldenberg, Machal Bat-Adam, Ori Levy, Uri Gavriel, Zachi Noy… Scénario : Max Jack (et Ronald M. Cohen non crédité) d’après le roman d’Elmore Leonard. Directeur de la photographie : Adam Greenberg. Direction artistique : Yoram Barzilai. Costumes ; Emily Draper et Tami Nor. Musique : Dov Seltzer. Producteurs : Menahem Golan et Yoram Globus. Production : The Cannon Group – Northbrook Films. Etats-Unis – Israël. 1984. 97 minutes. Format image : 1.85 :1. 16/9e Son : Version originale avec ou sans sous-titres français et Version française. Tous Publics.