Perdu dans un épais brouillard, un petit chalutier accoste sur Snape Island, minuscule îlot, où se trouve un phare. Les deux marins du Sea Ghost y font une effroyable découverte, plusieurs corps atrocement mutilés… et une survivante…
La Tour du diable est une série B horrifique, qui faisait dans les années 70/80 l’enchantement des cinémas de quartier et de double programme. Scènes sexy en diable, avec de belles actrices nues et scènes violentes diablement gores – de quoi combler l’amateur du genre. Le grand atout du film est de bénéficier d’un ingénieux scénario. Après cette très efficace introduction, le film se focalise sur la survivante, Pénélope Reed (Candace Glendenning) dans une institution spécialisée. La jeune femme est soumise à un drôle de traitement, qui inclut drogue et hypnose. Par le biais de flashbacks, la jeune femme remonte le fil de cette épouvantable histoire, qui commence par l’arrivée du groupe d’amis sur le rocher et l’étrange impression qui se dégage de l’île.
Les personnages sont bien dans l’air du temps, les années soixante-dix. Le premier groupe qui débarque sur l’île est sexuellement libre. Mais, s’ils pratiquent les bains de minuit dans le plus simple appareil, Penny n’en demeurent pas moins une jeune fille « presque » chaste. En parallèle de cette régression de la jeune fille, une expédition est organisée sur l’île à la recherche du tombeau d’un chef du culte du dieu Baal, dieu phénicien de la fertilité, célébré par des orgies rituelles… et considéré comme un symbole du mal. Les deux histoires vont éclairer l’une l’autre.
Jim O’Connelly s’applique dans sa mise en scène afin de tirer le meilleur parti des éléments mis en place par son propre scénario. La découverte par les deux marins, un père et son fils, du carnage sur l’île est en ce sens remarquable. Leur progression dans la terreur est parfaitement rendue, et le spectateur avance pas à pas avec eux, accompagné de ce délicieux sentiment de la peur qui prend aux tripes. Le deuxième groupe qui fait le voyage sur l’île est parfaitement défini. O’Connelly utilise les liens amoureux et de jalousie entre les personnages pour corser son action et crée du conflit entre eux. Ainsi, entre les réprimandes, la découverte du lieu et les flashs de la survivante, le film avance à rythme soutenu. Habillement, O’Connolly développe même un sous-texte sur la moralité et l’amoralité, sans oublier que nous sommes dans un film de genre. Plans subjectifs inquiétants, cris déchirants la nuit, lumières qui s’évanouissent, meurtres sanglants, tout l’éventail de ce qui deviendra un genre en soi – le slasher.
La tour du diable, à l’exception de quelques plans d’ensemble, est entièrement tourné en studio, ce qui donne un charme indéniable au film (transparence, l’intérieur du phare, etc.) L’île, ce lieu comme le dit un personnage « où même les mouettes ne se posent jamais », est un personnage à part entière. Très bons décors de l’intérieur du phare avec ses pièces dans une semi-pénombre propice autant au plaisir qu’à la terreur la plus pure. Les costumes très seventies ajoutent une touche colorée et hippie à l’ensemble. La tour du diable bénéficie d’une photo correcte mais surtout d’excellent cadrage et mouvements de caméra découpant l’image afin de la rendre la plus angoissante possible.
Quelques plans sont réellement saisissants comme celui de la jeune femme courant nue dans le brouillard un couteau à la main. Le tout est soutenu par une excellente musique de Kenneth V. Jones, stridente et mystérieuse à souhait, elle participe pleinement du climat d’angoisse dès le début et les plans en plongée sur le phare.
Côté comédiens, l’on retrouve Bryant Haliday, l’inquiétant hypnotiseur-ventriloque de l’excellent Poupée diabolique, dans un personnage moins spectaculaire. Il est vrai qu’O’Connolly privilégie le groupe sans mettre en avant l’un ou l’autre des comédiens. Chacun bénéficie de scènes intéressantes. Il faut aussi reconnaître que ses actrices et acteurs sont particulièrement sexy.
La tour du diable est un film épatant, fait avec soin et dans l’amour du genre.
Fernand Garcia
La Tour du diable est édité pour la première fois en DVD par Artus Films dans une excellente copie avec en suppléments : Derrière la brume, passionnante intervention d’Eric Perelli sur le film et plus particulièrement son producteur Richard Gordon (25 mn), un diaporama d’affiches et de photos du film et enfin les Films-annonces de la collection British Horror (Le Sang du vampire, La Nuit des maléfices, Horror Hospital, La poupée diabolique et bien sûr La tour du diable).
La Tour du diable (Tower of Evil) un film de Jim O’Connolly avec Bryant Haliday, Dennis Price, Jill Haworth, Mark Edwards, Jack Watson, Anna Palk, Derek Fowlds, George Coulouris, William Lucas, John Hamill, Candace Glendenning. Scénario : Jim O’Connolly d’après une histoire originale de George Baxt. Directeur de la photographie : Desmond Dickinson. Décors : Disley Jones. Montage : Henry Richardson. Musique : Kenneth V. Jones. Producteur : Richard Gordon. Production : Grenadier Film Ltd. Grande-Bretagne. 86 mn. Couleur (Technicolor). Format image : 1,85 :1. Interdit aux moins de 12 ans.