Sam Ward (Darren McGavin), un hors-la-loi de la pire espèce rejoint son gang dans un coin paumé dans la plaine. Ira (Mort Mills), son bras droit, a kidnappé un employé de banque afin de mettre au point un plan pour dévaliser la banque. Ward valide le plan, mais avant de partir, il abat, de sang-froid, le pauvre employé. Après la banque, Ward a un autre projet en tête, tuer Logan Keliher (Audie Murphy)…
La Patrouille de la violence, est un curieux western, à première vue, il s’agit d’une simple petite série B de l’Universal. Pourtant, au fur et à mesure que l’histoire se déploie, le film prend de l’ampleur. Le film raconte la confrontation de deux amis ex-Rangers, l’un, Sam Ward a basculé du mauvais côté, l’autre, Logan Keliher est devenu un fermier, sauf que ce dernier à « prit » à Sam, sa femme, Susan (Beverley Owen), et son fils, Sammy. Ward n’a plus qu’un but, après s’être échappé de prison, buté Logan et reprendre sa femme et son fils. Évidemment, l’enfant de Ward n’est absurdement pas au courant de l’existence de cet autre père.
Curieusement, le film se découpe en deux parties facilement identifiables, la première se passe entièrement en studio, et la deuxième, dans des extérieurs splendides. Le film gagne vraiment en force dans cette seconde partie. Esthétiquement, il y a comme une cassure, comme s’il y avait deux directeurs de la photographie différents, voire deux réalisateurs, tant R.G. Springsteen est inspiré en extérieur. C’est vraiment curieux, peut-être un manque de budget pour tourner l’intégralité du film en extérieur ?
Dans cette histoire d’hommes, les femmes jouent un rôle important, ce qui est une agréable surprise. La première est Susan, la femme de Logan, l’ex de Ward. Elle est incarnée de manière moderne, elle n’a rien de l’image traditionnelle des femmes de fermier que l’on rencontre habituellement dans les westerns. Sam veut la récupérer après avoir éliminé Logan. Susan s’y refuse. Beverley Owen joue avec une certaine raideur sexy, qui semble tout droit sortie d’un drame à la Tennessee Williams. La deuxième, Goldie (Cece Whitney), est la patronne du Saloon, plus conventionnelle, mais fait dévier la scène, là où tout se mettait en place pour une séquence d’action, vers une discussion plus intéressante qu’un combat de coqs.
Enfin, la plus étonnante est Lottie (Ruta Lee), « compagne » d’Ira, bras droit de Ward. Lottie n’a pas froid aux yeux et qui sait tenir tête à Sam et plus tard à la milice. La mort de son compagnon ne lui fait ni chaud ni froid, ce sont les aléas de la vie dans l’ouest sauvage. Elle se rapproche aussitôt de Ward. Cupide, arriviste, manipulatrice et sensuelle en diable, Lotte est un formidable personnage qui malmène bien des stéréotypes.
L’attaque de la banque se passe mal. Sam, unique survivant, s’enfuit avec l’argent. Vite arrêté par la milice avec Lottie. La confrontation entre Logan et Ward gagne en épaisseur au fil des multiples rebondissements. La chasse à l’homme qui s’organise pour reprendre Ward par une milice à la tête de laquelle se trouve, par hasard, Logan est tout sauf animé par un souci de justice. Elle veut avant tout récupérer l’argent et le partager entre gens de bonne compagnie. Tout part en vrille assez rapidement, entre ceux qui ont encore un semblant de morale et les autres.
Au milieu, Logan devient le gars à éliminer. Le scénario est vraiment bien fichu. Il est l’adaptation d’un roman de Marvin H. Albert, auteur de la série Tony Rome, porté à l’écran par Gordon Douglas avec Frank Sinatra. Chose curieuse, les scénaristes, Mary Willingham et Willard W. Willingham, n’ont écrit que pour Audie Murphy. On connaît peu de chose sur eux, toujours est-il que Willard Willingham a été cascadeur (il a, même, doublé Jane Russell dans Visage pâle), acteur et scénariste.
Le héros du film est bien sûr Audie Murphy, quasiment tous les autres personnages sont des crapules. Tous les hommes de la milice n’ont pas le moindre sens moral, et sont tous les uns contre les autres, c’est absolument réjouissant. Sortons du lot, la jeune femme, Lottie, entraînée par la milice dans cette étrange aventure dans des paysages grandioses.
Ruta Lee incarne Lottie. Actrice canadienne d’origine lituanienne, Ruta Lee a réussi à s’imposer à Hollywood comme un solide second rôle beaucoup plus à la télévision qu’au cinéma. Elle décroche son premier rôle au cinéma dans Les Sept femmes de Barberousse (Seven Brides for Seven Brothers, 1954) de Stanley Donen. Elle a encore au générique son véritable nom, Ruta Kilmonis. Elle fait vraiment une apparition en tenniswoman (non crédité au générique) dans La fille sur la balançoire (The Girl in the Red Velvet Swing, 1955) de Richard Fleischer, mais c’est la télévision qui l’accapare, 2 Alfred Hitchcock présente. Elle croise un autre acteur d’origine lituanienne, Charles Bronson, dans l’épisode Second Avenue Assassin de la série Man with a Camera en 1958.
Entre-temps, elle fait de timides détours par le grand écran, retrouve Stanley Donen pour Drôle de frimousse (Funny Face, 1957), et est dirigée par Billy Wilder dans Témoin à charge (Witness for the Prosecution, 1957) et John Sturges dans Les 3 Sergents (Sergeants 3, 1962). Elle enchaîne les épisodes de série TV et devient une figure familière des téléspectateurs américain. Malgré la distance, Ruta Lee reste très attachée à la Lituanie. Ainsi, durant la guerre froide, elle prend fait et cause pour les gens du pays. Elle ira jusqu’à téléphoner à Nikita Khrouchtchev pour obtenir la grâce d’une « dissidente », qu’elle obtiendra du dirigeant du Parti communiste de l’URSS.
Ruta est le nom de la plante national lituanienne (Rue officinale, en français) et aussi la plus ancienne confiserie du pays (1913) dont l’usine de chocolat est à Šiauliai. Ruta est un second rôle pétillant et très professionnel. En 1961, elle est dirigée par R.G. Springsteen dans le film Opération Eichmann, consacré à la traque criminel de guerre et organisation de la solution finale, où elle incarne sa compagne. Le scénario du film était de Lester Cole, l’un des dix de la sinistre liste noire, signé sous le pseudo de Lewis Copley.
R.G. Springsteen fait partie de ses artisans qui ont enquillé les films. La majeur partie de sa filmographie est composée de westerns, pour la plupart encore inédit en France. Sa mise en scène n’est pas renversante, mais il sait donner corps à un scénario, dans le cas de La Patrouille de la violence, plutôt original, et diriger ses acteurs. Il bénéficie d’un excellent casting pour un film dont le tournage a dû s’étaler au maximum sur deux/trois semaines. Né en 1904, Robert G. Springsteen, début en bas de l’échelle au service des costumes de la Fox au début des années 1920. Il y a plus d’un siècle. Il gravit les échelons, il est assistant-réalisateur sur de nombreux films de série B. Il signe son premier film en 1945, Marshal of Laredo.
Le succès de ce petit western de la Republic Pictures lance sa carrière. Il réalise jusqu’à huit westerns certaines années. La mini major, lui donne aussi d’autres scripts à diriger dans d’autres genres, polars, films criminels, aventures exotiques. Après l’arrêt de la production de la Republic, R.G. Springsteen se retourne vers la télévision, Au nom de la loi avec Steve McQueen ou Rawhide avec Clint Eastwood. Durant les années 60, il réalise des westerns pour Allied Artists, Universal et la Paramount. R.G. Springsteen termine sa carrière non pas sur un western, mais un thriller, Tiger by the Tail avec Christopher George et Tippi Hedren, une production indépendante, en 1970. R.G. Springsteen est décédé en 1989.
La Patrouille de la violence, excellente série B, scénario efficace, plein de rebondissements avec une superbe galerie de portraits dans des extérieurs grandioses.
Fernand Garcia
La Patrouille de la violence, une édition dans la collection Silver – Western de Légende, combo (DVD – Blu-ray) et unitaire DVD, de Sidonis – Calysta, master HD restauré. En complément : Portrait d’Audie Murphy par Patrick Brion. Soldat le plus décoré de la Seconde Guerre, Audie Murphy a joué dans un grand nombre de western de série B, très intéressants et parfois se répondant entre eux avec une vraie densité psychologique (5 minutes). La Patrouille de la violence bénéficie d’une triple présentation, la première par Bertrand Tavernier, qui, passé les dix première minutes, a trouver le film agréable et visible dans la catégorie des Audie Murphy, « il y a trois ou quatre extérieurs qui sont réellement spectaculaire » (16 minutes). La deuxième par Patrick Brion, qui revient sur une courte présentation d’Audie Murphy et son traumatisme post-guerre, « le film est très curieux, une espèce de mélodrame » (8 minutes). Et, enfin la dernière par Jean-François Giré, « un film assez fort (.) de part ses changements de tons, lui donne beaucoup de qualités et dans les moments les plus réussit dépasse la simple série B » (12 minutes).
La Patrouille de la violence (Bullet For A Bad Man), un film de R.G. Springsteen avec Audie Murphy, Darren McGavin, Ruta Lee, Beverley Owen, Skip Homeier, George Tobias, Alan Hale, Berkeley Harris, Edward C. Platt, Kevin Tate… Scénario : Mary et Willard Willingham d’après le roman de Marvin H. Albert. Directeur de la photographie : Joseph Biroc. Décors : Alexander Golitzen et Henry Bumstead. Costumes : Edward Armand et Olive Koenitz. Montage : Russell F. Schoengarth. Supervision musical : Joseph Gershenson. Musique : Frank Skinner. Producteur : Gordon Kay. Production : Universal Pictures Company. Etats-Unis. 1964. 80 minutes. Eastmancolor. Format image : 1,37:1. 16/9e. Son : Version originale avec sous-titres français et Version française. DTS-HD Dual mono. Tous Publics.