« De temps immémorial, la Terre a été bombardée d’objets provenant de l’espace. Des morceaux d’univers qui transpercent l’atmosphère telle une invasion sans fin… » Et puis, du fond de l’espace, arrive un météore qui s’écrase dans la nuit du désert californien. Au petit matin, des dizaines de cristaux noirs sont éparpillés sur la route de San Angelo. Ben Gilbert (Phil Harvey), du bureau du ministère de l’Environnement, effectuer sa tournée quotidienne quand il est obligé de s’arrêter afin de remettre de l’eau dans le radiateur de sa voiture. Quelques gouttes s’échappent et tombent sur des débris de la météorite. Intrigué par les cristaux, il en emporte un à son bureau en ville…
La Cité pétrifiée est l’archétype du film de science-fiction américaine, tous les ingrédients sont réunis : la petite ville rurale américaine au milieu du désert californien, un couple d’amoureux, des fermiers victimes, des enfants sympathiques, etc. Dans ce paisible environnement surgit un élément fantastique, pas de tarentule ou de fourmis géantes, ni d’attaque d’extraterrestre, mais d’une météorite. Après un terrible impact, les hommes à proximité de la météorite se transforment en pierre, mais surtout, ses éclats deviennent de gigantesques monolithes au contact de l’eau. Le film quitte le domaine du film de monstres pour les petites routes d’une menace venue d’ailleurs.
La formule est si efficace qu’elle s’adapte aussi bien à un petit budget qu’à une grosse production. La Cité pétrifiée est une véritable série B produite par Universal destiné à un double programme avec Esclaves des Amazones (Love-Slaves of the Amazons, 1957) de Curt Siodmak. L’originalité du film va lui assurer une petite notoriété dans le monde de la SF. Les effets spéciaux sont particulièrement réussis avec ses cristaux qui s’effondrent, des miniatures toutes aussi impressionnantes comme l’explosion du barrage et quelques superbes mattes-paintings.
La Cité pétrifiée est le troisième et dernier film de John Sherwood. Il a fait carrière en tant qu’assistant-réalisateur depuis 1936 sur En suivant la flotte (Follow the Fleet) de Mark Sandrich avec Fred Astaire et Ginger Rogers. Il travaille sur Autant en emporte le vent, pour Sam Wood, Max Ophüls, Douglas Sirk, Budd Boetticher et régulièrement sur les films d’Anthony Mann. Il réalise son premier film, La proie des hommes (Raw Edge), en 1946, western en Technicolor, avec Yvonne De Carlo et Rory Calhoun. Sherwood enchaîne avec La Créature est parmi nous (The Creature Walks Among Us, 1956), la deuxième suite de L’Etrange Créature du Lac Noir (Creature from the Black Lagoon, 1954), le premier à ne pas être en 3D. Trois films Universal. Sherwood est un familier de Jack Arnold, assistant-réalisateur d’Une balle signée X (No Name on the Bullet, 1959), il dirige la suite de La Créature, le retrouve comme auteur à la base de La Cité pétrifiée. Ce n’est pas tout puisque la météorite qui s’écrase sur terre est issue du Meteor de la nuit de Jack Arnold !
L’action est rondement menée par John Sherwood, sa réalisation est dynamique et sans temps mort. On sent l’homme rompu aux tournages rapides. La ville fictive de San Angelo est un décor des studios Universal, utiliser pour une multitude de films, dont bien des années plus tard la série de Retour vers le futur. Tout comme les extérieurs dans les collines de l’Alabama à Lone Pine, que l’on retrouve dans un nombre considérable de westerns, d’aventures exotiques et de films de SF. John Sherwood est mort prématurément d’une pneumonie en 1959, durant le tournage de Confidence sur l’oreiller (Pillow Talk), pour lequel il avait la charge de la seconde équipe.
Grant Williams, le héros malheureux de L’Homme qui rétrécit (The Incredible Shrinking Man, 1957), est aux prises dans cette nouvelle aventure de science-fiction avec des monolithes pétrifiants ! Acteur fétiche de Jack Arnold, il partage la vedette avec la belle Lola Albright. Surtout connu pour son rôle de la petite amie de Peter Gunn, dans la série TV créée et produite par Blake Edwards. Elle est une femme délaissée aux côtés d’Elvis Presley dans Un direct au cœur (Kid Galahad, 1962) de Phil Karlson, et incarne la riche veuve américaine qui piège Alain Delon dans Les Félins (1964) de René Clément. Lola Albright fera surtout carrière à la télévision, Alfred Hitchcock présente, Rawhide, Peyton Place, Bonanza, Des agents très spéciaux, Kojak, Starsky et Hutch, Columbo, L’Incroyable Hulk, Supercopter, entre autres. Excellente chanteuse de jazz, elle sort un album dans les années 50 et interprète toutes ses chansons dans Peter Gunn. Lola Albright décroche le prix d’interprétation à Berlin en 1966 pour le satirique Lord Love A Duck (inédit en France) de George Axelrod. Elle prend sa retraite du monde du spectacle en 1984 après une belle carrière.
La Cité pétrifiée apparaît dans Invasion Los Angeles (They Live, 1988) de John Carpenter et Independence Day (1996) de Roland Emmerich, par le biais de quelques images dans un téléviseur. Une reconnaissance, à vous, maintenant, de le découvrir ses monstrueux monolithes !
Fernand Garcia
La Cité pétrifiée, une édition Eléphant Films dans la collection Cinéma Master Class. En compléments : Une présentation précise et complète du film par Fabien Mauro (12 minutes). La bande-annonce d’époque (2 minutes). Et enfin, les films dans la même collection : Le Rayon invisible, L’Echappé de la chaise électrique et Alerte la nuit.
La Cité pétrifiée (The Monolith Monsters) un film John Sherwood avec Grant Williams, Lola Albright, Les Tremayne, Trevor Bardette, Phil Harvey, William Flaherty… Scénario : Norman Jolley et Robert M. Fresco d’après une histoire de Jack Arnold et Robert M. Fresco. Directeur de la photographie : Ellis W. Carter. Décors : Alexander Golitzen et Robert E. Smith. Costumes : Marilyn Sotto. FX : Clifford Stine. Montage : Patrick McCormack. Supervision de la musique : Joseph Gershenson. Musique : Irving Gertz, Henry Mancini et Herman Stein (non-crédités). Producteur : Howard Christie. Production : Universal International. Etats-Unis. 1957. 77 minutes. Noir et blanc. Le film est proposé en deux formats : 1.33 :1 ou 2.0 :1. Son : Version Originale avec ou non sous-titres français (blanc ou jaune) DTS-HD Dual mono 2.0 (Blu-ray) ou Dolby Digital Dual mono 2.0. Tous Publics.