Koji Wakamatsu, cinéaste de la révolte est le premier livre consacré au cinéaste à paraître en France. Edité en 2011, nous vous le recommandons ainsi que les films disponibles dans d’excellentes éditions DVD de Blaq Out. Koji Wakamatsu est l’un des plus grand cinéastes japonais de la fin du siècle dernier et l’un des plus méconnus.
Comme le souligne Jean-Baptiste Thoret dans son texte « Physiologie de la révolte« , la trajectoire de Wakamatsu témoigne d’une triple radicalité – politique, esthétique et commerciale – jamais démentie.
Le cinéma de Koji Wakamatsu est intimement lié aux soubresauts de l’Histoire des années soixante et soixante-dix et des mouvements contestataires étudiants.
Mais qui est donc Wakamatsu ?
Koji Wakamatsu « explose » sur la scène internationale en 1966. De passage au Japon, un distributeur allemand achète les droits de distribution de Les Secrets derrière le mur, et le propose directement à la Berlinale, qui le sélectionne. Une première pour un film japonais, car jamais un film n’avait été proposé à un festival sans avoir eu au préalable une autorisation de l’Etat japonais. C’est donc en contrebande que le film se retrouve en RFA. Kyushiro Kusakabe, membre du jury écrit dans un important journal japonais : « La salle était totalement scandalisée, je ne pouvais pas lever la tête tellement j’avais honte en tant que Japonais. C’est un film déshonorant pour la nation.«
Tourné avec un petit budget dans une cité HLM, le film exprime la vision de Wakamatsu sur l’époque et sa position est la même que celle du personnage principal, un étudiant qui passe sa colère sur n’importe qui.
De retour au Japon, à la tête de sa petite structure de production, Wakamatsu productions, il enchaîne film sur film, avec une incroyable énergie subversive. En prise direct avec les événements de l’époque qu’il intègre dans ses films (manifestations, détournements d’avions, faits divers, le suicide de Mishima) dans un style combinant tout à la fois le lyrisme politique, l’agit-prop, l’expérimentation et les codes d’un cinéma populaire d’exploitation érotique.
Wakamatsu restera en marge du système des Studios. Infréquentable dès le début, à 18 ans, il avait intégré un clan de Yakusa et racketté des tournages avant de séjourner plusieurs mois en prison. Il en sortira la rage au cœur et le désir violent de faire du cinéma. Il réalise son premier film à 25 ans en 1963, Doux piège raconte l’histoire édifiante d’une jeune fille piégée par un proxénète et qui refuse de se soumettre.
Wakamatsu travaille dans les limites d’un genre codifié le Pinku Eiga, cinéma d’exploitation érotique, et y introduit une dimension sociale et très politique. Il tourne vite avec des petits budgets, 37 films entre 1966 et 1967, entre trois et cinq jours de tournage, pour des films formidablement conçus et réalisés. C’est un virtuose des films de huis clos. Procédé qu’il utilise aussi bien en intérieur (Quand l’embryon part braconner, etc.) qu’en extérieur (La vierge violente, Va, va vierge pour la deuxième fois, etc.). Entouré d’une équipe fidèle et talentueuse composée entre autre de Hideo Ito à la photo et de Masao Adachi aussi bien au scénario, qu’à l’interprétation.
Masao Adachi sera en quelques sorte « l’homme de l’ombre » de Wakamatsu et son compagnon de route, car son apport fut essentiel à son cinéma. En 1971, les deux hommes se retrouvent à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes pour présenter Les Anges violés et Sex Jack, tandis Nagisa Oshima y présente de son côté La pendaison. Une grande année pour le cinéma contestataire japonais et le cinéma tout court, Adachi est au générique des trois films.
Après le festival, Adachi et Wakamatsu prennent le chemin du Liban avec en tête l’idée de faire un film sur les commandos palestiniens. La rencontre avec le peuple palestinien les marque à vie. Ce qu’explique longuement Wakamatsu dans un texte de 1983, « La Palestine est moi – Ces montagnes de Jerash qui m’ont donné la détermination » fort heureusement reproduit dans l’ouvrage. Wakamatsu et Adachi y réalisent un film de lutte : Armée Rouge / FPLP : Déclaration de guerre mondiale. Adachi décide en accord avec ses idéaux de prendre les armes et d’intégrer les commandos palestiniens. On sait peu chose de ses activités clandestines, jusqu’à son arrestation au Liban en 1997. Extradé au Japon en 2001, il est libéré après deux ans de prison, et aujourd’hui en liberté surveillée, Adachi est considéré comme un terroriste.
A la fin de 1976, Wakamatsu productions est endettée, et c’est le succès international de L’empire des sens de Nagisa Oshima, qu’il a coproduit avec le français Anatole Dauman, qui le remet financièrement d’aplomb.
C’est son ami de longue date, Nagisa Oshima qui dans son texte « Discrimination et meurtres de masse » éclaire peut-être le mieux la personnalité de Wakamatsu.
Les quinze textes de Wakamatsu définissent sa vision de cinéaste et laissent entrevoir la violence des attaques dont il est été l’objet. Quand à l’entretien avec Go Hirasawa, il complète intelligemment un ensemble qui fait de ce livre une pièce essentielle pour la découverte et la compréhension d’un cinéaste de premier plan.
Ajoutons pour terminer, que l’Editeur a eu l’excellente idée d’inclure le DVD de La Femme qui voulait mourir, film interdit de diffusion au Japon car il reprend des images du seppuku de Yukio Mishima. L’avant-dernier film de Koji Wakamatsu, 25 novembre 1970 : le jour où Mishima a choisit son destin, est consacré à cette figure littéraire et politique. Wakamatsu est mort le 12 octobre 2012 après avoir été renversé par un taxi à Tokyo.
Fernand Garcia
Koji Wakamatsu – Cinéaste de la Révolte – Textes de Jean-Baptiste Thoret, Koji Wakamatsu, Nagisa Oshima et Go Hirasawa. L’édition inclus le DVD du film De Koji Wakamatsu, La femme qui voulait mourir. Editions Imho.