An 3385. Un cyborg est envoyé dans les profondeurs de la terre afin de témoigner de la vie des Marigans. Un peuple mutant autrefois esclaves des humains…
Junk Head est sans le moindre doute un film d’auteur. Chaque plan au-delà de la performance, suite l’amour du cinéma. Takahide Hori, auteur complet de Junk Head, livre un film d’animation en stop-motion sidérant. Il nous nettoie la rétine usant de la fantaisie la plus débridée et par la force de l’imaginaire. Junk Head retrouve l’esprit de la science-fiction, de celle qui s’aventurait sur de nouveaux territoires. Takahide Hori est dans la galaxie organique des David Lynch (Eraserhead, Elephant Man, Dune), David Cronenberg (Frissons, Rage), Ridley Scott/H.R. Giger (Alien), Shinya Tsukamoto (Tetsuo), mais aussi, plus étonnant, dans celle de Federico Fellini, avec ses femmes se livrant à un labeur sans fin.
Junk Head est un film libre où tout peut arriver. Son petit héros, clown blanc cybernétique, découvre dans un univers proche d’un cauchemar hallucinogène avec ses dizaines de créatures mutantes. Dans son exploration, il rencontre trois taupes, une des formidables trouvailles d’Hori, dont le travail consiste à maintenir un peu d’ordre dans ce chaos. Elles combattent des créatures dominées par un instinct guerrier de survie. Il y a 1600 ans, les Marigans se sont rebellés contre les hommes puis se sont enfoncés dans les entrailles de la terre afin de bâtir un autre monde. A la surface, l’homme a acquis une quasi-immortalité, mais à force de manipulation génétique est devenu stérile, incapable de procréer, leur seul espoir est que le petit cyborg perce le secret de la fertilité de leurs anciens esclaves. Dans les profondeurs de la Terre, les mutants par leurs formes rappellent une sexualité absente depuis des siècles chez l’homme. Pénis, vagins, seins, tout un bestiaire sexuel symbolique se faufile dans les labyrinthes de Junk Head.
Beauté barbare d’êtres différents, vivant sur d’autres règles et qui nous échappent totalement. Hori sur un rythme époustouflant, déconstruit et reconstruit sans cesse son récit. Il emprunte des couloirs dans d’incessants aller-retour, propulsant son histoire en avant et en arrière. Le petit cyborg, cassé, reconstruit, ressuscite sans cesse dans cet univers underground. Il reviendra pour de nouvelles aventures. Univers apparu pour la première fois dans un court-métrage, disponible sur You Tube, Junk Head 1 est devenu culte (à juste titre au Japon), et décroche le prix du meilleur film d’animation (amplement mérité) au Festival de Clermont-Ferrand en 2014. Takahide Hori poursuit son exploration de cet univers délirant avec ce long-métrage. Réalisé sur une période de sept années, de manière solitaire, Hori est à tous les postes techniques et artistiques, une performance. Junk Head est l’une des plus belles expériences de cinéma de ces dernières années. La magie est encore possible, et c’est une bonne nouvelle.
Fernand Garcia
Junk Head un film de Takahide Hori. Production : Takahide Hori & Gaga Communication. Distribution (France) : UFO Distribution (sortie le 18 mai 2022). Japon. 2020. 101 minutes. Couleur. Format image : 1,85 :1. Prix Satoshi Kon, Fantasia – Cigogne d’Or du meilleur film d’animation, Festival du film fantastique de Strasbourg. L’Etrange Festival, 2021. Interdit aux moins de 12 ans.