A l’occasion d’un hommage lui étant consacré au dernier Festival du Film Américain de Deauville et d’une rétrospective à la Cinémathèque Française du 10 au 28 septembre, le réalisateur hollywoodien John McTiernan était à l’honneur et présent en France pour rencontrer et parler cinéma avec son public. Sans nouvelles « cinématographiques » de ce cinéaste singulier depuis plus d’une décennie, nous sommes heureux d’apprendre qu’il doit retrouver les plateaux de tournages très prochainement.
Né le 8 janvier 1951 à Albany dans l’état de New York, John McTiernan étudie à l’Université de New York et à la prestigieuse Juilliard School. Il est également diplômé de l’American Film Institute de Los Angeles, dont il est aujourd’hui membre. Avant de devenir le cinéaste hollywoodien à grand spectacle le plus important de sa génération, il charme le Festival de Cannes avec son premier long métrage qu’il écrit et réalise, Nomads (1986), un film fantastique sur un anthropologue français interprété par Pierce Brosnan à qui il offre son premier rôle majeur. Salué par la critique et repéré par le producteur Joel Silver et la Twentieth Century Fox, ce thriller fantastique, production indépendante originale, lui ouvre les portes des grands studios pour réaliser son premier film d’action, Predator (1987). Avec Prédator, trois ans après Terminator (1984) de James Cameron, McTiernan offre un nouveau grand rôle à Arnold Schwarzenegger et signe un film qui va bouleverser les codes du genre et de la technique. Virtuose et spectaculaire, savant mélange du film de guerre, d’action et de science-fiction, mais également réflexion sur la guerre du Vietnam, Predator impose instantanément la vision et la forme de John McTiernan aussi bien au sein des studios hollywoodiens que auprès du grand public.
Après une entrée magistrale à Hollywood, le succès de Predator permettra à son auteur de réaliser ensuite le « cultissime » Piège de Cristal (Die Hard) (1988) dont le personnage principal, l’inspecteur John McLane, remarquablement interprété par Bruce Willis deviendra ni plus ni moins que le nouveau profil du héros représentant l’entertainment hollywoodien dans toute sa splendeur. Le héros au corps musclé, invincible, et pourtant toujours dans la souffrance. Le héros qui semble irréel mais que la souffrance humanise. Il chute, tombe et se blesse sans cesse. On a mal pour lui. Mais heureusement, tel un personnage de dessin animé, il se relève encore et encore et garde son sens de l’humour.
Piège de Cristal connaîtra un succès encore plus retentissant et le nouveau style du cinéma de McTiernan, ses plans et ses cadrages, son rythme et ses personnages, ses héros, contribuera à transformer en profondeur l’esthétique du cinéma d’action hollywoodien. McTiernan va imposer une nouvelle forme aux films d’action et par la même, une nouvelle donne au cinéma hollywoodien.
Plutôt que de choisir la facilité et de tourner une suite au succès de Piège de Cristal, McTiernan préférera passer à autre chose en signant avec A la poursuite d’Octobre Rouge (1990) l’adaptation réussie du roman best-seller de Tom Clancy sur la guerre froide avec Alec Baldwin et Sean Connery qu’il dirigera également dans son film suivant, Medicine Man (1992). Amateur de challenges techniques, après un film dont la structure narrative et la forme respectaient les codes du théâtre avec l’unité de temps et de lieu, sur le tournage de A la poursuite d’Octobre Rouge, McTiernan s’impose cette fois des contraintes d’espace qu’il va techniquement maîtriser de main de maître.
Avec ce nouveau succès, le réalisateur réhabilite un genre considéré à l’époque comme désuet et « casse gueule » (suivront par la suite USS Alabama (1995) de Tony Scott, U-571 (2000) de Jonathan Mostow, K-19 (2002) de Kathryn Bigelow,…). En plus de ses talents de mise en scène, de sa maîtrise du suspens et de l’action, et de sa science du montage, l’inventivité, tant technique que mécanique, de McTiernan, lui permet de plonger le spectateur au cœur de l’action.
En 1993 le réalisateur retrouve son héros de Predator, Arnold Schwarzenegger, pour un film à la fois divertissant et très malin, Last Action Hero. Véritable bijou sous-estimé, Last Action Hero suit les péripéties d’un héros de films d’action et d’un jeune garçon qui cherche à retourner dans le monde réel. Schwarzenegger incarne ici ni plus ni moins que son propre personnage. Dans ce film, la mise en abîme du genre vient parfaitement mettre en lumière le travail, les thèmes et les goûts de son auteur. Véritable cinéaste du divertissement assumé, Last Action Hero est l’exemple le plus flagrant des déclinaisons de l’amusement, du jeu, du ludique, qu’il propose aux spectateurs à travers son œuvre. Comme toujours chez McTiernan, l’humour vient contrebalancer la violence et la rendre irréelle. Son film suivant viendra le confirmer.
Après 58 minutes pour vivre (1990), « suite inutile » ou plutôt « remake » de Piège de Cristal réalisé par Renny Harlin, John McTiernan revient aux commandes de ce qui est maintenant devenu une « franchise » avec l’extraordinaire et explosif troisième volet des aventures de l’inspecteur John McLane, Une journée en enfer (1995) (Die Hard With a Vengeance). Dans ce film on retrouve aux côtés de Bruce Willis, Samuel L. Jackson et Jeremy Irons qui passe son temps à faire courir et souffrir l’inspecteur et son « samaritain » dans la ville de New York. C’est à un véritable et jouissif jeu du chat et de la souris auquel le réalisateur invite le spectateur à participer. Avec ce troisième opus de la série des Die Hard, McTiernan réalise l’un des meilleurs films d’action des années 90.
Commence alors pour le réalisateur une succession de déconvenues et d’échecs commerciaux dont il aura du mal à se sortir. Le Treizième Guerrier (1998), film qui nous transporte en terres Vikings à l’aube du 10ème siècle, avec Antonio Banderas, lui vaudra un conflit avec son producteur et marquera le début d’une longue série noire : Thomas Crown (1999) remake de L’Affaire Thomas Crown (1968) de Norman Jewison avec le légendaire couple Steve McQueen/Faye Dunaway, pour lequel il retrouve Pierce Brosnan en voleur d’Œuvres d’Art millionnaire face à Rene Russo; Rollerball (2002), autre remake d’un autre excellent film au même titre de Norman Jewison datant de 1975 avec James Caan dans le rôle principal, mêlant action, jeu et violence; et enfin Basic (2003), avec Samuel L. Jackson et John Travolta, un thriller sur l’enquête de la mort mystérieuse du commandant détesté d’un camp de Rangers et de plusieurs de ses homme.
Cinéaste aux influences aussi multiples qu’éclectiques, allant du cinéma d’auteur européen au cinéma d’arts martiaux asiatique en passant par les cartoons de Tex Avery, le style de McTiernan fait corps avec le genre qu’il a (ré)inventé au fil de son œuvre. Héritier du cinéma hollywoodien des années 80, le talent de McTiernan réinvente et redéfini la forme du cinéma d’action et d’aventure tel que les studios vont l’adopter dès le début des années 90. Depuis l’œuvre de John McTiernan, l’action et la violence combinées à l’humour et au profil irréaliste des personnages, est devenue la nouvelle formule de l’entertainment hollywoodien.
Steve Le Nedelec
John McTiernan, rétrospective à la Cinémathèque Française du 10 au 28 septembre 2014