1961, Greenwich Village. Llewyn Davis est devant un micro il chante du folk dans un cabaret enfumé. Sa vie est dans une impasse. A l’extérieur, un grand homme maigre, l’attend. Il lui casse la gueule. Llewyn Davis est seul, il ne sait pas où dormir, sa vie est un échec…
Retour à Cannes pour les frères Coen après la présentation d’un de leurs chefs-d’œuvre, No Country for Old Man en 2007. Disons-le tout de suite, Inside Llewyn Davis est un film moins important et abouti. Pour une fois, le personnage principal, d’un de leur film, n’a pas beaucoup d’intérêt : chanteur qui n’arrive pas à percer dans le milieu, il traîne sa guitare d’appartement en appartement, il ne s’agit pas vraiment d’un looser magnifique style The Big Lebowski mais d’un personnage déjà croisé dans des dizaines de films. Son ex-copine, elle aussi n’offre que peu d’intérêt, reste la galerie de personnages secondaire que nous offre les Coen. D’un simple liftier, à un professeur d’université, d’un jazzman héroïnomane à un directeur de cabaret, le film offre de truculents rôles secondaires à d’impeccables acteurs. Mais le tout tourne vite à une sorte de mécanique Coen, qui au fur et à mesure de l’avancement de film devient de plus en plus visible. Le choix des deux acteurs principaux s’avère très vite un handicap pour le film. Si Oscar Isaac chante bien, il n’a pas vraiment de présence… quant à Carey Mulligan, elle peine à faire vivre son personnage et se trouve à être parfois limite. Problème d’un tournage trop rapide par manque de temps et de budget, de reconstitution ? Toujours est-il que nous avons l’impression de voir les premières prises. Résultat ceux qui s’en sortent le mieux sont les briscards de l’interprétation en tête, John Goodman, extraordinaire, même en dormant, F. Murray Abrahams, juste en écoutant sur une chaise. Nous disions manque d’argent, peut-être, au vu du nombre incroyable de champ/contrechamp dans certaine scène, là où les Coen excellaient dans l’invention d’action dans le plan, ils semblent ici figés. Problème de rythme dans sa première partie que masque à peine le montage, puis le film prend subitement de l’ampleur et démarre enfin, lors du voyage aller-retour New York – Chicago. Là nous retrouvons les Coen au meilleur. Sens du détail, basculement intérieur/extérieur, univers semi-fantastique, la route, la neige, les noirs, une ville au loin en petits points lumineux, tout est bon… et puis nous retombons comme les flocons de neige… le scénario rattrape sa scène d’introduction tout en bouclant le film sur une mise en parallèle de celui qui a raté sa vie, sa carrière avec celui qui va réussir. Nous retombons dans la mécanique scénaristique des Coen quelque peu désincarnée. Souhaitons aux Coen d’avoir pour leur prochain film plus de moyens financiers et de temps de tournage pour que s’exprime pleinement leur immense talent.
August Tino
Inside Llewyn Davis, un film de Joel Coen & Ethan Coen avec Oscar Isaac, Carey Mulligan, John Goodman, Garrett Hedlund, F. Murray Abraham, Justin Timberlake. Scénario : Joel Coen & Ethan Coen. Photo : Bruno Delbonnel. Montage : Roderick Jaynes. Producteur : JoelCoen, Ethan Coen, Scott Rudin. Production : Long Strange Trip LLC – StudioCanal – Scott Rudin Productions – Mike Zoss Productions. Format image : 1,85 :1. Couleur. Dolby Digital. USA (- France). 2013. Distribution (Salle France) : StudioCanal.