Toute la Mémoire du Monde, le Festival international du film restauré fête ses 10 ans avec une riche sélection de restaurations prestigieuses accompagnées d’un impressionnant programme de rencontres, de ciné-concerts et de conférences.
La section Hamo Bek-Nazarian, un pionnier du cinéma arménien, propose trois films restaurés du cinéaste, pionnier du cinéma arménien. Un héritage indispensable.
Hamo Bek-Nazarian (1891-1965) est célébré comme l’un des plus éminents cinéastes soviétiques des années 1920-1950, l’auteur-pionnier du cinéma arménien. Ce dernier a laissé un héritage exceptionnel d’une trentaine de films (longs métrages et documentaires), qui ont peu d’équivalents dans l’histoire du cinéma soviétique. Avec des œuvres majeures tournées en Arménie, en Géorgie, en Azerbaïdjan, en Russie, en Ouzbékistan et au Tadjikistan, Bek-Nazarian est l’incarnation d’un certain cosmopolitisme, et un ardent partisan du cinéma comme outil d’émancipation culturelle.
Ce programme va permettre au public de redécouvrir un auteur de cinéma à part entière. Un auteur progressiste dont les sujets abordent les paradigmes anticoloniaux, antiracistes et libérateurs de l’idéologie culturelle soviétique des premiers temps. Ses films évoquent la lutte des classes, la tolérance interculturelle, la libération nationale, le choc entre modernité et tradition, et l’émancipation des femmes. Des thématiques remarquablement pertinentes car toujours d’actualité.
La Maison sur le volcan (1928), Land of Nairi (1930) et The Daughter (1942) sont les premiers films de Bek-Nazarian à avoir été restaurés au format 4K, à partir des sources disponibles conservées aux Archives nationales d’Arménie. Ces travaux constituent la première étape d’un projet plus vaste, initié par le Centre national du cinéma d’Arménie, qui vise à préserver et diffuser numériquement la filmographie complète du cinéaste.
La Maison sur le volcan (Dom na vulkane) de Hamo Bek-Nazarian – Arménie – 1928 – 65 mn – Avec Hrachia Nersisyan, Tigran Ayvazyan, Tatyana Makhmuryan.
À Bakou, un vieux technicien se rappelle la lutte des ouvriers arméniens et azéris contre les magnats tsaristes du pétrole.
La Maison sur le volcan raconte de manière captivante les luttes des ouvriers arméniens et azerbaïdjanais des champs de pétrole contre la tyrannie des magnats capitalistes. Porté par les idéaux socialistes, le prolétariat surmonte les conflits interethniques pour faire face à un ennemi commun qui a mis leurs vies en danger en les forçant à s’installer dans des logements dangereux construits sur des gisements de gaz. Puissamment symbolique, parfaitement mis en scène et monté, toute l’esthétique du film combine magistralement les différentes recherches formelles des débuts du cinéma soviétique et rappelle le cinéma d’Eisenstein.
Restauration commandée par le National Cinema Center of Armenia avec l’aide du ministère de l’Éducation, de la Science, de la Culture et du Sport de la république d’Arménie. Nouvelle restauration 4K à partir de l’interpositif 35 mm par One Man Studio, Erevan, 2022.
Land of Nairi (Yerkir Nairi) de Hamo Bek-Nazarian – Arménie – 1930 – 62 mn –
Pour son premier long métrage documentaire, Bek-Nazarian recourt autant à des images d’archives qu’à des scènes rejouées, pour créer une fresque historique et poétique sur la transformation de la province de Nairi en florissante république soviétique.
Dédié au 10e anniversaire de la soviétisation de l’Arménie, Land of Nairi est le premier long métrage documentaire réalisé par Bek-Nazarian. Indifférent au format documentaire, Bek-Nazarian réalise un film poétique, voire surréaliste, et traite son sujet comme un conte dramatique dans lequel le personnage principal est le pays lui-même. Land of Nairi est entièrement composé d’images d’archives et de scènes rejouées. Bek-Nazarian transforme le rythme et la grammaire cinématographique pour en faire un nouveau médium dont la puissance émotionnelle s’approcherait plus de celle de la musique. Oublié jusqu’à aujourd’hui, Land of Nairi n’en demeure pas moins l’œuvre d’un véritable pionnier. Une œuvre à (re)découvrir.
Restauration commandée par le National Cinema Center of Armenia avec l’aide du ministère de l’Éducation, de la Science, de la Culture et du Sport de la république d’Arménie. Nouvelle restauration 4K à partir d’un positif 35 mm par One Man Studio, Erevan, 2022.
The Daughter (Dustre) de Hamo Bek-Nazarian – Arménie – 1942 – 24 mn – Avec Avet Avetisian, Hrachia Nersisian, Sofia Volkhovskaïa.
Une des rares fictions arméniennes des années 1940, cette parabole sur les conséquences de la Seconde Guerre mondiale révèle la vision profondément humaniste du réalisateur, qui trouve de l’épique et de l’universel dans des sujets mineurs et privés.
Restauration commandée par le National Cinema Center of Armenia avec l’aide du ministère de l’Éducation, de la Science, de la Culture et du Sport de la république d’Arménie. Nouvelle restauration 4K à partir de l’interpositif 35 mm par One Man Studio et Public Radio of Armenia, Erevan, 2022.
Cinq jours durant, dans 8 cinémas (La Cinémathèque française, La Filmothèque du Quartier Latin, Le Méliès, La Fondation Jérôme Seydoux – Pathé, L’Archipel, L’Alcazar, Le Vincennes et Le Reflet Médicis) le festival « Toute la mémoire du monde » propose cette année encore, près d’une centaine de séances de films rares et/ou restaurés présentés par de nombreux invités et répartis en différentes sections pour célébrer le cinéma de patrimoine et fêter en beauté son dixième anniversaire.
Toute la Mémoire du Monde : Sans la connaissance de notre passé, notre futur n’a aucun avenir. C’est pourquoi le passé est un présent pour demain.
Toute la Mémoire du Monde, 2023 – 10ème édition – Festival International du Film Restauré – Du 8 au 12 mars 2023 à La Cinémathèque Française et « Hors les murs ».
Steve Le Nedelec