A l’approche d’Halloween un couple de journalistes décide de rencontrer Michael Myers, détenu depuis de nombreuses années dans un asile psychiatrique. Ils ont retrouvé son masque et espèrent par ce moyen le faire sortir de son mutisme. Considéré par l’établissement comme l’un des pensionnaires les plus dangereux, il est sur haute surveillance. Michael Myers est pour Dr Sartain, son psychologue, une énigme passionnante. La rencontre entre les journalistes et Michael Myers a lieu dans la cour de l’asile…
Il n’y aura jamais que des Halloween 2, chaque film prenant la suite de l’original de John Carpenter, exception faite du 3 sur lequel je reviendrai. Halloween est un cas quasi unique où une série n’évolue absolument pas, sorte de sur-place à l’infini. A titre d’exemple, James Bond, en reprenant les mêmes ingrédients, progresse dans l’époque, change de décors, etc. rien de cela dans Halloween. Tout est figé: les lieux sont immuables, la nuit, une petite ville de banlieue, des grandes maisons, l’asile psychiatrique, chaque « épisode » n’est en fait qu’une variation à partir de la structure du premier film, cercle infernal duquel s’extraire est impossible. Il y eut l’épisode 3 (Halloween 3, le sang du sorcier de Tommy Lee Wallace) où la production a voulu se renouveler en utilisant simplement le titre et bâtir une nouvelle histoire sans le croquemitaine – un échec public. Sans Michael Myers, pas d’Halloween. La série est elle-même prise au piège de son personnage et de son fonctionnement.
La tache est ardue et simple pour David Gordon Green qui s’attache au scénario et à la réalisation. Michael Myers « entre » dans la carrière le 31 octobre 1963, où enfant, il tue sa sœur… 1978. Au cours d’un transfert entre asiles psychiatriques, la nuit, il s’échappe, s’adonne à un massacre et traque une jeune baby-sitter Laurie (Jamie Lee Curtis). 2018, quarante ans après, Laurie a sombré dans une paranoïa typiquement américaine. Elle est restée enfermée dans cette tragique soirée de 78, traumatisée, elle a élevé sa fille unique Karen (Judy Greer) dans la peur du retour de Myers et dans la préparation au combat, à l’affrontement. Dès que Karen a été en âge de le faire, elle l’a quittée. Mère à son tour d’une adolescente, Allyson (Andi Matichnak), les trois générations vont être confrontées au croquemitaine pour une nouvelle nuit de cauchemar.
John Carpenter est souvent et à juste raison considéré comme un cinéaste politique, même s’il s’en défend. C’est donc en contrebande que Carpenter a fait passer ses idées progressistes de gauche. Halloween (1978) est au premier abord moins politique qu’Assaut (Assault on Precinct 13, 1976) qui le précède et que les suivants, New York 1997 (Escape from New York, 1981) ou Invasion Los Angeles (They Live, 1988), entre autres. Halloween n’en demeure pas moins la critique d’une société consumériste qui a engendré Michael Myers, c’est-à-dire le mal absolu. Contrairement à nombre de films fantastiques ou de science-fiction du cinéma américain, le mal ne vient de l’extérieur ni d’un ennemi intérieur (personnage manipulé et manipulateur), il est l’américain, sans visage, c’est-à-dire, l’homme anonyme, un habitant de banlieue, sans qualités propres. Ainsi se reproduit à l’infini le même schéma de violence et de désespoir. L’intelligence de Carpenter est d’avoir pris une date de commémoration totalement dénaturée au fil des ans (à l’époque on ne fêtait pas Halloween en Europe) pour faire apparaître son croquemitaine.
Quarante ans après le premier film et des dizaines de variations, David Gordon Green entre à son tour dans le cercle. Il suit parfaitement la construction indémodable de John Carpenter et de Debra Hill. Green réussit son introduction avec ses deux journalistes. La rencontre dans la cour de l’asile est une excellente idée, et habilement, Green évite de faire apparaître son visage, il n’en a qu’un au demeurant, celui du masque. Green est au meilleur dans les scènes de terreur, celle des toilettes de la station-service est une vraie réussite. Sans en dire trop, la scène surprend le spectateur qui se voyait embarquer avec les protagonistes qui tombent sous les coups de couteau de Myers. Green s’attache à Laurie (survivante de 78 et de plusieurs suites) et à sa descendance, une fille et sa petite fille, ce qui est normal, le film se situe quarante ans après les faits, c’est-à-dire aujourd’hui. Les trois générations de femmes vont être amenées à faire cause commune contre Myers. La « grande idée » du film est aussi son point faible. Laurie, la grand-mère, est devenue une dingo qui ne s’est jamais relevée d’un choc post-traumatique, la fille est une desperate housewife et la petite-fille, une enfant des années 2000, immature et pétrie de petite morale. Elles n’ont, ensemble ou séparément, aucun intérêt. Ce qui domine le film n’est pas une girl power de circonstance mais, comme toujours, la figure indestructible de Myers. Espérons que cet Halloween marque la disparition définitive de Laurie et de sa descendance…
Fernand Garcia
Halloween un film de David Gordon Green avec Jamie Lee Curtis, Nick Castle, Judy Greer, Andi Matichak, James Jude Courtney, Haluk Bilginer, Will Paton, Rhian Rees, Jefferson Hall… Scénario : David Gordon Green, Danny McBride & Jeff Fradley d’après les personnages créées par John Carpenter & Debra Hill. Image : Michael Simmonds. Décors : Richard A. Wright. Costumes : Emily Gunshor. Montage : Timothy Alverson. Musique : John Carpenter, Cody Carpenter & Daniel A. Davies. Producteurs : Malek Akkad, Bill Block & Jason Blum. Production : Universal Pictures – Miramax – Blumhouse Productions – Rough House Pictures – Trancas International Films – Night Blade Holdings. Distribution (France) : Universal Pictures International France (Sortie France le 24 octobre 2018). Etats-Unis. 2018. 106 minutes. Couleur. Format image : 2.39 :1. Dolby Digital. Interdit aux moins de 12 ans.