Un jour avant de la fin de la Seconde Guerre mondiale, un avion kamikaze atterrit sur l’île d’Odo. A son bord, Kōichi (Ryunosuke Kamiki), un pilote kamikaze, un problème technique l’a contraint à se poser. Très vite, Tachibana (Munetaka Aoki), l’ingénieur en chef de la base, découvre que Koichi n’a pas eu le courage d’aller au bout de sa mission. Dans la nuit, un bruit infernal réveille la base. Alors que les soldats s’attendent à une attaque américaine, ils voient surgir Godzilla. Tandis que le monstre marche sur la base, Koichi est envoyé à bord de son avion afin d’activer la mitrailleuse. Pétri de peur, il n’y arriva pas. Les nerfs des soldats lâchent et ils tirent avec leur fusil. Choix funeste. Godzilla anéantit la base, l’avion de Koichi et tue les soldats. Au matin, Kōichi, après avoir perdu connaissance, se réveille, découvre l’étendue du carnage et un seul survivant, Tachibana…
Godzilla Minus One est un retour à la source du mythe. Minus One, c’est moins 1, sorte de Japon année Zéro. Les premiers jours de l’après-guerre, Tokyo est un champ de ruines. Dans les décombres, les habitants tentent de survivre comme ils peuvent. Ils « habitent » dans des cabanes de bric et de broc. Beaucoup de ceux partis à la guerre, ne reviendront jamais. La capitale est un immense bidon ville de ferraille, on pense à certaines images d’Akira Kurosawa, comme le très beau Un merveilleux dimanche (Subarashiki nichiyôbi, 1947). Takashi Yamazaki suit aussi un couple improbable, Kōichi, l’ex kamikaze, Noriko, une femme des rues et une petite fille abandonnée.
Par un procédé simple, la transformation de la cabane de Kōichi et Noriko, Yamazaki évoque non seulement le temps qui passe, mais également la reconstruction du Japon. Dans cette reconstruction, l’impact psychologique de la guerre ne s’efface pas si facilement. Kōichi trouve un travail de démineur en mer, Noriko reprend une activité. Couple non marié, car Kōichi, culpabilise de ne pas avoir été au bout de sa mission de kamikaze. Koichi est impuissant. Il tente une sorte de rachat en faisant sauter des mines marines, mais ses efforts sont insuffisants. Cet aspect mélodramatique est parfaitement assumé par Takashi Yamazaki.
Retour à la source du mythe, Godzilla est né des explosions nucléaires dévastatrices et meurtrières d’Hiroshima et Nagasaki. La puissance américaine est présente en filigrane, image d’archives du général MacArthur, qui signa la reddition du Japon et supervisa l’occupation du pays de 1945 à 1951, quelques phrases de dialogue, la guerre froide, l’opposition Etats-Unis – URSS. Même si les explosions nucléaires sont évacuées du film, elles sont si prégnantes dans l’histoire qu’elles en deviennent l’épine dorsale invisible du film. Godzilla Minus One rejoint le premier Godzilla d’Ishiro Honda de 1954. Godzilla, surgit des fonds marins, sème le chaos dans le quartier chic de Tokyo, Ginza. Le retour de l’horreur de la destruction et de la dévastation nucléaire. Godzilla est un monstre étonnant dans ce qu’il représente, entre demi-dieu à la fois protecteur et destructeur au fil des films japonais. Il en va autrement des productions à vocation internationale américaine.
Le Godzilla de Takashi Yamazaki est dans une filiation historique « adulte » du monstre. Il reprend à son compte les questions de guerre et d’armes nucléaires du film d’Honda. Le souffle nucléaire de Godzilla, la pluie noire qui tombe sur Ginza comme après Hiroshima et Nagasaki. Yamazaki réutilise le cri de l’animal du film 1954. Dans son rapport à l’histoire, il n’est pas interdit d’y voir un aspect politique. Le nom de Kōichi Shikishima renvoie à l’unité qui a mené avec succès la première attaque-suicide le 25 octobre 1944 sur les porte-avions américains dans le golfe de Leyte. Le compositeur Naoki Satô, réutilise le thème de Mothra contre Godzilla (Mosura tai Gojira, 1964), au sein d’une excellente colonne musicale.
Takashi Yamazaki donne de Godzilla, une version historique et moderne. Il cumule les fonctions de scénariste, réalisateur et de concepteur des effets spéciaux. Sa mise en scène rend hommage à Honda, on perçoit aussi des touches à la Spielberg, l’attaque sur l’île évoque Jurassic Park, la poursuite en mer, Les dents de la mer, ou Ready Player One pour l’attaque sur la ville. Ses effets spéciaux sont absolument superbes et impressionnants. Godzilla est une « fusion » de classicisme et de modernité. Il retrouve une bestialité et passe dans ses yeux une interrogation sur la nature humaine décelable quand il regarde les pauvres êtres humains se débattant à ses pieds.
Godzilla Minus One, est une excellente surprise, un vrai plaisir de cinéma et tout simplement l’un des meilleurs films de la série.
Fernand Garcia
Godzilla Minus One (Gojira – 1.0), un film de Takashi Yamazaki avec Minami Hamabe, Sakura Ando, Ryunosuke Kamiki, Kuranosuke Sasaki, Yuki Yamada, Hisetaka Yoshioka… Scénario : Takashi Yamazaki. Image : Kôzô Shibasaki. Décors : Anri Jôjô. Costume : Aiko Mizushima. Montage : Ryûji Miyajima. Musique : Naoki Satô. Producteurs : Gô Abe, Kazuaki Kishida, Keiichiro Moriya et Kenji Yamada. Production : Toho Company – Toho Studios – Robot Communications. Distribution (France) : Piece of Magic Entertainment (Sortie le 17 janvier 2024). Japon. 2023. 124 minutes. Format image : 2.39 :1. Dolby Atmos. Imax 6-Track. DCP 4K. Tous Publics.