1883. Un Indien à cheval s’approche des troupes américaines. La reddition de Geronimo (Chuck Connors) marque la fin de la guerre. Les Apaches sont parqués sur des terres sans grande importance. Mal traités, la plupart acceptent leur triste condition, contrairement à Geronimo. La roue capitaliste tourne et la terre de la réserve finit par prendre de la valeur et aiguise les appétits. Elle est illégalement vendue pour deux dollars l’acre à une société de margoulins, la Compagnie d’investissement foncier, par le délégué de l’Indian Bureau, Jeremiah Burns (John Anderson). Pour Geronimo c’est la rupture du traité de paix…
Western pro indien, Geronimo, le sang Apache est une agréable série B. La réalisation d’Arnold Laven a la discrétion des mises en scène où chaque plan a son utilité, le film avance avec un rythme bon enfant. Laven prend fait et cause pour le peuple indien et montre avec quel cynisme et dureté le gouvernent les a traité, racisme ordinaire, rabaissement systématique et négation de leur culture. Il prend aussi de très grandes libertés avec la réalité. Geronimo a ce côté révoltant de l’injustice. Les visages pales y sont pour la grande majorité des pauvres types prêts à toutes les ignominies pour quelques centaines de dollars. L’honneur est du côté des Apaches. Geronimo n’est pas idéalisé mais présenté comme un rustre, illettré et machiste. Son combat contre les tuniques bleues s’accompagne d’un cheminement personnel. Il gagne en humanité au contact des femmes, de Teela, indienne cultivée, mais aussi auprès d’une simple fermière veuve. Scènes certes convenues mais dramatiquement efficaces. Le film suit sa propre logique et donne plus un sentiment de la manière dont les Indiens ont été traités plutôt que de suivre la vérité historique à la lettre.
Pour incarner Geromino, Arnold Laven a eu la bonne idée de confier le rôle à Chuck Connors qu’il connaissait bien pour l’avoir dirigé dans la série TV The Rifleman. Chuck Connors est une gueule de cinéma et une carrure à faire froid dans le dos. Il est de ses acteurs qui, dès qu’il entre dans le champ, un sentiment de danger immédiat envahi le spectateur. L’un des mérites de Geronimo est de nous rappeler que Chuck Connors n’a pas été qu’un acteur de second plan mais qu’il a tenu avec un certain panache des premiers rôles comme dans Marqué au fer rouge. Il aborde avec une grande humilité l’un des plus importants personnages de l’imaginaire du western. Derrière la figure mythique de Geronimo se cache un véritable Apache, chef de guerre et homme fière, à la tête d’un peuple que les blancs n’auront de cesse de trahir et de pourchasser. Quant à Kamala Davi (Teela), actrice indo-britannique, elle deviendra à la ville l’épouse de Chuck Connors.
Geronimo, le sang Apache est entièrement tourné au Mexique. Ainsi retrouve-t-on l’excellent Claudio Brook, acteur mexicain rendu célèbre hors de ses frontières par ses mémorables compositions dans les films de Luis Buñuel: La Jeune fille (1960), L’Ange Exterminateur (1962), Simon du désert (1965) et La voie Lactée (1969) réalisé en France ; ce ne sera pas sa seule incursion dans le cinéma français, il tourne plusieurs dans l’hexagone entre 1966 et 1968, il incarne l’officier britannique Peter Cunningham dans La Grande vadrouille (1966), grand succès populaire de Gérard Oury, il donne la réplique à Jean Gabin dans Du Rififi à Paname (1966) de Denys de La Patellière, il incarne aussi l’espion Francis Coplan dans Coplan sauve sa peau (1966) sous la direction d’Yves Boisset. Il reprendra sa carrière mexicaine et internationale en croisant même James Bond dans Permis de tuer (Licence to Kill, 1989) de John Glen.
Dans la distribution, plusieurs acteurs vont connaitre le succès à la télévision : Ross Martin, Artemus Gordon dans Mystères de l’Ouest. Adam West, Batman, kitsch et pop, jusqu’au narrateur : William Conrad, le détective privé Cannon.
Un élément à mettre au crédit du film, la très bonne utilisation du CinémaScope, extérieur superbement cadré, grande chevauchée dans des paysages majestueux servie par une photographie efficace d’Alex Phillips. Arnold Laven fait partie de ses réalisateurs dont l’œuvre est peu connue. Il débute dans les années 50, s’associe à Jules V. Levy et Arthur Gardner pour fonder une société de production indépendante : Levy-Gardner-Laven. Il réalise et produit des polars et des films fantastiques et se lance dans la série TV. Dans les années 60, Laven dirige plusieurs westerns pour le grand écran tout en produisant pour la télévision. Il fut l’un des premiers producteurs à faire confiance au jeune Sam Peckinpah qu’il fait travailler comme scénariste sur ses séries TV avant qu’il n’écrive pour lui le script de The Glory Guys. Laven sera un des premiers réalisateurs à avoir de sérieux problèmes avec la MPAA lors de la mise en place de la nouvelle grille de classification ainsi pour son western Sam Whiskey le dur, il devra recadrer un plan de la poitrine dénudée d’Angie Dickinson pour échapper à un « R » (interdiction aux moins de 17 ans non accompagnés). Après ce dernier film pour le grand écran, Laven se consacre uniquement à la réalisation pour la télévision, il signe nombre d’épisodes : L’homme de fer, Mannix, La planète des singes, Sergent Anderson, L’homme qui valait trois milliards, Chips, Mike Hammer, L’Agence tous risques, etc. Pendant cette période, il produit quelques films pour le cinéma dont un western particulièrement violent: Les Charognards (The Hunting Party, 1971) et deux bons policiers avec Burt Reynolds, Les Bootleggers (White Lightning, 1973) et sa suite Gator (1976).
Geronimo, le sang Apache western classique au parfum des séances du samedi soir a la grande époque des cinémas de quartier.
Fernand Garcia
Geronimo, le sang Apache est édité pour la première fois en édition limitée combo DVD + Blu-ray par Sidonis Calysta dans la collection Western de légende, la référence du genre. En complément, Patrick Brion revient sur les principaux westerns de l’année 1961, époque de changements aux Etats-Unis où le genre s’essouffle alors que les prémices d’un renouveau se fait jour en Europe. « Geronimo s’inscrit dans cette évolution » (8 minutes). Enfin une galerie photo présente plusieurs affiches et photos d’exploitation du film.
Geronimo, le sang Apache (Geronimo) un film d’Arnold Laven avec Chuck Connors, Kamala Davi, Pat Conway, Adam West, Armando Silvestre, Lawrence Dobkin, Ross Martin, Claudio Brook, Joe Higgins… Scénario : Pat Fielder. Histoire : Pat Fielder et Arnold Laven. Directeur de la photographie : Alex Phillips. Décors : Roberto Silva. Montage : Marsh Hendry. Musique : Hugo Friedhofer. Producteurs : Arthur Gardner et Arnold Laven. Production : Bedford Pictures Inc. – Levy-Gardner-Laven Production – United Artists. Etats-Unis. 1962. 101 minutes. Technicolor. Panavision anamorphique. Format image : 2,35 :1. 16/9e. HD. Son mono d’origine version VF et VOSTF image et son restaurées. Tous Publics.