« La Française dans la foule », ce talkshow télé est pour Bird, le premier président chanteur élu à l’Elysées après la déroute de François Hollande, l’émission de la dernière chance. En chute libre dans les sondages d’opinion, Bird est à un niveau si bas que la question de sa destitution se pose. Dans les coulisses, son conseiller Michel Battement suit le déroulement de l’émission avec anxiété. A la première question d’une ménagère de moins de 50 ans, Bird reste pensif… Et c’est en pianotant sur son piano électronique qu’il lui répond. Trop c’est trop, furieuses de sa non-réponses, les spectatrices quittent le plateau. Le président Bird est encore plus mal après l’émission qu’avant. Son conseille tente le tout pour le tout. Dans les sous-sols de l’Elysée, il accueille un panel de français « dans le coup » sélectionnés par un as de la pub. Le but est de trouver une idée, une histoire pour relancer le quinquennat de  Bird… Ils ont quelques heures devant eux…

Gaz de France nous est d’emblée sympathique. Dès les premiers plans sur le président Bird, nous comprenons que la situation économique et sociale de la France est sans espoir. Autour de Battement, haut fonctionnaire de l’état, un groupe de français se creuse la tête pour mettre sur pieds une histoire susceptible de sauver Bird. Enfermé dans les sous-sols, au milieu des reliques du passé de la France, ce groupe hétéroclite de zozos à l’ego surdimensionné se prête au jeu… mais très vite les rivalités se font jour… et  les instincts les plus bas de l’homme (et de  la femme) resurgissent. Volonté de domination, de pouvoir, les intrigues et les alliances vont bon train. Chacun croit manipuler l’autre. Ils sont comme de vulgaires politicards, des charognes sur un cadavre encore chaud, le Bird est à l’agonie. Les cartes vont se redistribuer, qu’ils soient jeunes ou vieux, hommes ou femmes, riches ou pauvres, rien ne les arrête, l’occasion est trop belle pour une place au soleil. Ca ne sent pas très bon dans les sous-sols du pouvoir, la France n’est qu’un gaz…

 

Gaz de France est un petit jeu de massacre fort réjouissant. Benoit Forgeard porte un regard singulier sur les institutions et pointe les dérives de ce monstre à deux têtes mediatico-politique. Les fondements de la République oubliés depuis longtemps, des butes de Marianne traînent, poussiéreuses, dans les recoins du sous-sol. Une République de contaminé par la téléréalité, et la fausse modernité. Modernité qui prend ici les traits d’un robot, véritable pipelette à l’image des frustrations de son concepteur. Le vide absolu des codes binaires. Rien ne trouve grâce à ses yeux, à l’exception du Président Bird. Il plane au-dessus de ce nid de crotales.  Et c’est de lui, de sa naïveté que va éclore un espoir altermondialiste.  Cette dernière partie, que nous ne dévoileront pas, nous évoque le discours délirant du Docteur Folamour à la fin du chef-d’œuvre de Stanley Kubrick.

Quelle grande idée que d’avoir pris Philippe Katerine en dernier président de la Ve république, son air absent, lunaire, enfantin et espiègle correspond parfaitement à un président surgi du chaos. Olivier Rabourdin est impeccable en homme de l’ombre, cassant et cynique, il est le témoin froid d’un état en totale déliquescence.

Gaz de France est un véritable ovni dans le paysage cinématographique français, même si par moments il donne l’impression d’être légèrement en deçà du formidable potentiel de son point de départ, son déroulement n’en demeure pas moins surprenant de bout en bout.

Atypique et pince-sans-rire, Gaz de France, est tout autant une satire politique qu’un film de science-fiction et in fine un gaz subversif.

Fernand Garcia

Gaz de France, un film de Benoit Forgeard avec Olivier Rabourdin, Philippe Katerine, Antoine Gouy, Alka Balbir, Philippe Laudenbach, Darius, Anne Steffens, Jean-Luc Vincent, Benoit Forgeard. Scénario : Benoit Forgeard & Emmanuel Lautréamont. Directeur de la photo : Thomas Favel. Montage : Benoit Forgeard & Nicolas Boucher. Producteur :  Emmanuel Chaumet. Production : Ecce Films. Distribution : Shellac. France. 2015. Couleurs. 86 mn. Sélection ACID, Cannes 2015.