Au loin, sur la crête, se découpe la silhouette menaçante d’une brigade en tuniques bleues. Johnny, un jeune garçon, les aperçoit et se précipite pour avertir son père du danger imminent. Son père, un commandant yankee, sort de sa cachette et se retrouve face aux soldats, qui l’accusent de trahison. Le commandant rejette violemment ces accusations, mais il est abattu sous les yeux de son fils. Profondément choqué, Johnny s’enfuit à travers la plaine. Il court sans relâche pendant plusieurs kilomètres, sans oser se retourner. À bout de forces, il s’effondre devant les baraquements d’un relais. Klaus, le propriétaire, le recueille…
Garringo raconte l’histoire de deux tueurs évoluant dans une zone à la morale bancale. Le premier, Johnny (Peter Lee Lawrence), a vu son père être tué gratuitement sous ses yeux par l’armée. Le second, Garringo (Anthony Steffen), est un lieutenant yankee chargé par l’armée de capturer Johnny. Les méthodes expéditives et brutales de Garringo sont tout aussi impitoyables que celles de Johnny. Bien que Johnny soit du « mauvais » côté, il montre une certaine humanité. Mais ses démons ont vite fait de prendre le dessus. Traumatisé par l’assassinat de son père, il a des moments d’absence, que Rafael Romero Marchent visualise à l’écran par un soleil rouge. Johnny sombre alors dans un état second, où il n’est plus que l’ombre de lui-même.
Garringo se range du « bon » côté, celui de l’armée, dont il suit les ordres. Sa traque de Johnny est implacable, et tous ceux qui ont croisé le chemin de Johnny sont victimes de la brutalité sadique de Garringo. Sans hésitation, il torture pour obtenir des aveux ou des informations et tue sans la moindre émotion.
Carringo et Johnny sont deux psychopathes, mais leur comportement diffère. Carringo s’inscrit dans la lignée des personnages incarnés par Clint Eastwood dans les films de Sergio Leone, mais sans l’humour. tandis que Johnny s’inscrit dans la tradition des westerns psychologiques (pas trop quand même). Son allure rappelle celle de Kirk Douglas dans L’Homme qui n’a pas d’étoile (Man Without a Star, King Vidor, 1955).
Comme l’indique le titre original du film, I Morti Non si Contano (Les morts ne se comptent pas), la violence et les pertes humaines sont omniprésentes, quel que soit le camp. Les fusillades et les bagarres s’enchaînent à un rythme soutenu dans Garringo. Le film bénéficie d’un scénario solidement construit et d’une excellente interprétation de ses deux vedettes, Anthony Steffen et Peter Lee Lawrence. On y retrouve également des visages familiers du western européen, comme José Bodalo, Raf Baldassare, Luis Induni et Francisco ‘Frank‘ Brana. L’espagnole Marta Monterrey (María Salerno) et l’allemande Solvi Stubing apportent une jolie touche féminine entre deux règlements de comptes.
Rafael débute comme acteur en 1947 et, progressivement, il se fait un nom dans le milieu. Son frère Joaquín le dirige dans Fulano y Mengano en 1957. Attiré par la réalisation, il travaille comme assistant-réalisateur et scénariste sur une trentaine de films à partir des années 60, notamment auprès de Joaquín. Il commence sa carrière de réalisateur dans l’effervescence des westerns européens tournés à Almería, suivant ainsi la voie tracée par Joaquín, qui réalise des westerns en coproduction avec l’Italie depuis 1963. C’est l’âge d’or du genre, et Rafael endosse à son tour le rôle de réalisateur en 1965 avec Dans les mains du pistolero (Ocaso de un pistolero), mettant en vedette Craig Hill, sur un scénario de Joaquín. Rafael Romeo Marchent parcourt les contrées du western jusqu’en 1972, avec un certain panache.
Rafael Romeo Marchent s’adapte aux évolutions du cinéma populaire de son époque, en touchant à plusieurs genres comme le thriller, la comédie, le film musical ou encore l’érotisme. En 1973, il réalise Santo contra el doctor Muerte, la dernière coproduction hispano-mexicaine mettant en vedette le légendaire catcheur masqué Santo. Une carrière entièrement dédiée à un cinéma populaire.
Garringo est un western brut et âpre, porté par une mise en scène d’une grande efficacité. Le film s’inscrit parfaitement dans les codes esthétiques du genre, avec des plans insolites, des effets accentués et une excellente partition musicale signée Marcello Giombini. Du pur western européen !
Fernand Garcia
Garringo une édition Steel Box collector combo (DVD+Blu-ray et livret) Éléphant Films dans la collection La Vendetta Collezione avec en complément : Le film par Romain Vandestichele. Le co-auteur de Mario Bava – Le magicien des couleurs dresse un portrait détaillé de la famille Romero Marchent. Il aborde ensuite les différentes thématiques du film, dont celle, récurrente dans l’œuvre de Rafael Romeo Marchent, de l’enfance martyrisée (30 minutes). La Bande-annonce de Garringo. Et les films dans la même collection, La Mort était au rendez-vous, Ben & Charlie, O Cangaceiro, Et Sabata les tua tous et Pistolets pour un massacre. Un livret par Alain Petit sur les cinq films de la collection accompagne cette édition.
Garringo un film de Rafael Romero Marchent avec Anthony Steffen, Peter Lee Lawrence, Solvi Stubing, José Bodalo, Faf Baldassarre, Rossana Rovere, Luis Marin, Marta Monterrey, Barta Barry, Antonio Molino Rojo… Sujet : Giovanni Scolaro & Joaquin Romero Marchent. Scénario : Joaquin Romero Marchent, Arpad de Riso & Giovanni Scolaro. Directeur de la photographie : Aldo Ricci. Décors : Luis Arguello. Costumes : Rosa Garcia. Montage : Enzo Alabiso & A. Maria Marchent. Musique : Marcello Giombini. Directeur de production : Bruno Bolognesi. Producteur : Noberto Solino. Production : Tritone Filmindustria (Rome) – Noberto Solino ProFilms 21 (Madrid). Italie – Espagne. 1969. 1h29. Eastmancolor. Cromoscope. Techniscope. 35 mm. Format image : 2.35:1. Version Française et en version Italienne, Anglaise et Espagnole avec sous-titres ou non français.