Au cœur de la nuit, dans un grenier aménager, Crawford Tillinghast (Jeffrey Combs) programme une expérimentation pour le Dr Edward Pretorius (Ted Sorel). Tout est prêt. Crawford enclenche l’alimentation électrique. Le Resonator est activé. La machine est censée stimuler la glande pinéale, située dans le cerveau. Et pour la première fois, le Resonator fonctionne. Crawford fasciné, assiste impuissant à l’apparition d’étranges formes flottant dans les airs. Crawford, sous le choc de l’attaque des créatures et de l’excitation de la découverte, se précipite dans la chambre du Dr Pretorius…
Stuart Gordon entre par la grande du cinéma fantastique dès son premier film, le mythique Re-Animator (1985). Stuart Gordon avait toutefois coréalisé cinq années auparavant, Bleacher Bums, téléfilm d’après son plus gros succès au théâtre. La pièce restera à l’affiche pendant une dizaine d’années à Los Angeles. Stuart Gordon vient de la scène théâtrale de Chicago. En 1969, il fonde avec sa femme, Carolyn Purdy-Gordon, l’Organic Theater Company, après s’être fait renvoyé de l’Université du Wisconsin pour sa version psychédélique et politique de Peter Pan, taxé d’obscénité.
De retour dans sa ville natale, Chicago, Gordon poursuit son travail et monte, entre autres, Sexual Perversity in Chicago, d’un jeune dramaturge, David Mamet. Stuart Gordon a toujours rêvé de faire du cinéma. Sur les conseils d’amis, il opte pour une histoire fantastique. Le genre est « facilement » finançable. Grand admirateur de H.P. Lovecraft, il adapte la nouvelle Herbert West, réanimateur, avec son fidèle collaborateur, Dennis Paoli. Charles Band et Brian Yuzna produisent le film. Le style, Gordon le trouve dans la série des Poe de Roger Corman, films et cinéaste qu’il admire. Le succès important du film dans le périmètre du cinéma indépendant, lui offre l’opportunité de mettre en chantier, plusieurs films adaptés de H.P. Lovecraft, et met sur de bons rails la société Empire Pictures.
From Beyond fait partie d’un contrat de trois films entre Stuart Gordon et Empire Pictures. Une clause prévoit que les films devront impérativement être tournés en Italie, dans les anciens studio Dinocittà (Dino De Laurentiis) dont Empire Pictures venait de faire l’acquisition auprès du gouvernement Italien. Choix économique, le coût de fabrication en Italie étant moins élevé qu’aux États-Unis. De plus, les techniciens italiens sont largement aussi bons, voire meilleurs, que leurs homologues américains. Dans les studios, un peu à l’abandon, Stuart Gordon tourne From Beyond à la suite des Poupées (Dolls), mais sortira sur les écrans en premier, faisant de celui-ci son second film.
Stuart Gordon retrouve pour cette nouvelle adaptation de H.P. Lovecraft, Denis Paoli au scénario, ses acteurs de Re-Animator, Jeffrey Combs, Barbara Crampton et Carolyn Purdy-Gordon, une grande partie de l’équipe technique, Mac Ahlberg à la photo, Brian Yuzna et Charles Band à la production, Richard Band à la musique, Lee Percy au montage, John Carl Buechler et John Naulin aux effets spéciaux, en gros toute l’équipe d’Empire Pictures.
Stuart Gordon et Dennis Paoli procèdent à une inversion des rôles plutôt réjouissante. Jeffrey Combs hérite de celui généralement dévolu à la femme et Barbara Crampton de celui de l’homme. Dès le début, il y a confusion, ainsi quand le Dr McMichaels est présenté, tout le monde est surpris de découvrir une femme. Instantanément, elle déplaît au Dr Bloch (Carolyn Purdy-Gordon), une autre femme, chef de l’hôpital psychiatrique. Le véritable moteur de l’histoire est le docteur Katherine McMichaels, qui cherche à percer le secret de la terrible nuit qui a abouti à l’enfermement de Crawford. Elle est intriguée par le stimulus sexuel de l’invention et remet en route la machine. Le Dr Pretorius revient de l’au-delà, plus pervers que jamais. Le Dr McMichaels, excitée et stimulée, donne libre cours à ses penchants SM, abandonne son costume bcbg pour un corsage, petite culotte de latex noir et des bas-résilles.
Barbara Crampton est la plus sexy de tous les docteurs en psychiatrie de l’histoire du cinéma fantastique, et peut-être même du cinéma. Évidemment, sa jeunesse et sa beauté ne la rendent pas forcément crédible dans le rôle, mais pourquoi devrait elle être vieille et moche ? Stuart Gordon coche l’option belle surdouée. Barbara Crampton marque à jamais les cinéphiles avec la séquence de « l’auscultation » entre les jambes par la tête du savant fou dans Re-Animator. Tout cela est fort réjouissant.
Les effets spéciaux assez dingues de transformation du Dr Pretorius en créature répugnante et libidineuse, s’inspirent de celles de The Thing (1982) de John Carpenter. Une forte connotation sexuelle entour les personnages dans le laboratoire, zone tampon entre notre monde et l’au-delà. La glande pinéale est visualisé par une membrane qui s’échappe de la boîte crânienne par le milieu du front. Stuart Gordon revient à la mythologie et aux interprétations ésotériques de la glande pinéale, en évoquant tout autant un troisième œil, qu’un phallus. René Descartes la désigna comme le siège de l’âme à l’intérieur de l’homme. Il existe énormément de thèse autour de la glande pinéale. Elle serait un organe en sommeil, en cas de réveil, elle permettrait de nouvelles perceptions, extra-sensorielles. Dans le milieu médical, elle est décrite comme « le troisième œil atrophié ».
Un programme aussi sexe, ne pouvait amener From Beyond à connaître de sérieux problèmes avec la censure américaine. La MPAA, exige un nombre conséquent de coupes afin de lui attribuer une classification R (interdiction aux moins de 17 ans non accompagnés), sinon c’est l’infâme X, qui ferme les portes des salles de cinéma. Empire aurait pu prendre le partie de le sortir sans l’avis de la commission, ce qui est possible aux États-Unis, comme pour Re-Animator, mais dans ce cas, le film n’a pas accès au grands circuits. Stuart Gordon accède, à contre cœur, aux demandes des censures. Il réduit plusieurs scènes sans supprimer aucune séquence en entier, depuis les plans ont été réintroduits dans le montage à l’exception d’une, SM où le Dr Pretorius enfonce un clou dans la langue d’une femme au début du film quand Crawford Tillinghast vient le voir, disparu.
Après Re-Animator (1985) et From Beyond (1986), Stuart Gordon a réalisé, trois autres films inspiré de l’œuvre de H.L. Lovecraft : Castle Freak (1995), Dagon (2001) et Dreams in the Witch-House (2006) pour l’anthologie Masters of Horror. Il n’y a pas que de l’horreur dans la carrière de Stuart Gordaon, ainsi en 2005, il retrouve David Mamet, au scénario, pour Edmond, thriller avec William H. Macy (Fargo), Joe Mantegna et Denise Richards, sélectionné en compétition au Festival de Venise. Stuart Gordon a rejoint l’au-delà en 2020 à l’âge de 72 ans.
From Beyond fait partie de la nuée de films fantastiques de la fin des années 80, originaux, gore, sexy et sympathiques. Le distributeur français de l’époque avait inscrit sur l’affiche, le slogan suivant : « Ce film me donne envie d’avancer la date du jugement dernier » si c’est pour retrouver le Dr McMichaels, vite le Resonator !
Fernand Garcia
From Beyond : Aux portes de l’au-delà, une édition collector limitée (2000 ex) en Digibook, combo 4K UltraHD – HDR + Blu-ray + Livret, de Sidonis – Calysta, en complément de programme : The Doctor Is In, interview de Barbara Crampton. « Je crois que j’ai toujours voulu être actrice », Crampton, une enfant de cirque, revient sur sa carrière, les films d’horreur, « J’adore avoir le cœur qui bat quand on a peur. ». Une interview qui permet de découvrir une actrice intelligente et sensible, bien au-delà d’une Scream Queen (15 minutes env.). Interview de Stuart Gordon et de Carolyn Purdy-Gordon, intervention après la projection de From Beyond et dans une salle de montage. Sympathique intervention du couple Gordon. Une mine d’information sur un cinéaste venu du théâtre (21 minutes env.). Interview de Richard Band, compositeur. Comment traduire en musique, l’horreur et la sexualité de From Beyond. « C’est un des rares films où je n’ai pas vraiment de thème principal. », instructif (5 minutes env.). Monster & Slime, sur les effets spéciaux de From Beyond, souvenirs des principaux artisans des FX (21 minutes env.). Et enfin, la bande-annonce américaine (VO. 1 minute env.). Un livret : From Beyond par Marc Toullec (48 pages).
From Beyond: Aux portes de l’au-delà (H.P. Lovecraft’s From Beyond) un film de Stuart Gordon avec Jeffrey Combs, Barbara Crampton, Ted Sorel, Ken Foree, Carolyn Purdy-Gordon, Bunny Summers, Bruce McGuire, Regina Bleesz… Scénario: Denis Paoli. Adaptation : Brian Yuzna, Denis Paoli et Stuart Gordon d’après H.P. Lovecraft. Directeur de la photographie : Mac Ahlberg. Décors : Giovanni Natalucci. Costumes : Angee Beckett. FX : John Naulin, Tony Doublin et John Carl Buechler. Montage : Lee Percy. Musique : Richard Band. Producteurs éxecutifs : Michael Avery et Charles Band. Producteur : Brian Yuzna. Production : Empire Pictures – Taryn Prov. Etats-Unis. 1986. Technicolor. Arriflex. Format image : 1,85:1. 16/9e 4K Son : Version originale avec sous-titres français et Version Française. DTS-HD. Ultra Stereo original. Dolby Digital. Sélection officielle Festival du film fantastique d’Avoriaz 1987. Interdit aux moins de 12 ans.