La section Paysage propose un panorama du meilleur du cinéma coréen d’aujourd’hui en 14 films : des films de genre aux films d’auteurs, des films commerciaux aux films indépendants en passant par des documentaires et des films expérimentaux.
A Quiet Dream (Chun-mong, 2016). Dixième long métrage de Zhang Lu. Ce dernier signe ici la chronique d’une vie de quartier bourrée d’humour et de tendresse. Ik-june, Jong-bin et Jung-bum traînent ensemble à longueur de journée. Tous trois font les yeux doux à la belle Yeri, qui tient un petit bar de quartier où ils ont leurs habitudes. L’un d’eux parviendra-t- il un jour à la séduire ?
Dans un beau noir et blanc qui lui donne une atmosphère particulière, Zhang Lu suit les aventures irrésistibles de ces trois pieds-nickelés, le mauvais garçon protecteur, le pitre lourdaud et le timide attachant. Leur complémentarité fait merveille, et leur alchimie avec la douce Han Yeri (l’héroïne de Sea Fog et Worst Woman) offre au film ce caractère constamment séduisant, doux et poétique, où l’amertume est contrebalancée par une humanité émouvante et un humour ravageur. Il est intéressant de noter que les trois acteurs principaux sont également réalisateurs : Yang Ik-june, acteur/réalisateur de Breathless, Yoon Jong-bin, acteur/réalisateur de The Unforgiven, et Park Jung-bum, acteur/réalisateur de Alive. A noter que le film a fait l’ouverture du Festival de Busan.
The Artist: Reborn (Atiseuteu: Dashi Taeeonada, 2016). Premier long métrage de Réalisé par Kim Kyoung-won. Après dix années passées en Europe à étudier et peindre, Giselle est de retour en Corée. Artiste jusqu’au bout des ongles, elle a un avis sur tout, de ce qui fait la qualité d’un café aux toiles d’un vieil artistes qu’elle déteste. Jae- beom, jeune directeur d’une galerie toujours en quête de talents à faire découvrir, a un coup de foudre pour les toiles de Giselle. Il en est persuadé, il tient là une artiste rare qui va exploser dans le milieu. Rien ne va pourtant se passer comme il l’imaginait.
Avec l’absurdité de la réalité comme toile de fond, la tragédie et le burlesque s’emmêlent à travers un humour noir. The Artist: Reborn interroge sur l’Art et ceux qui gravitent autour en naviguant entre les genres. Un film ambitieux, drôle, au sens propre comme au sens figuré, plein de fraîcheur et de surprises.
The First Lap (Cho-haeng, 2017). Après End of Winter (2014), Kim Dae-hwan réalise un deuxième long métrage qui prolonge les interrogations de son premier film quant à la place d’un jeune couple précaire face à la famille, et aux attentes lourdes qui peuvent parfois peser sur lui. Ji-young, qui travaille pour une chaîne de télévision, et Su-hyeon, enseignant en art, sont en couple depuis 6 ans lorsque ce dernier apprend un jour que Ji-young a du retard dans ses règles. Le couple entreprend de rendre visite aux parents de chacun, à Séoul chez les parents de Ji-young, puis à Samcheok, sur la côte est du pays, chez les parents de Su-hyeon. Les retrouvailles vont rapidement révéler les fractures qui traversent chaque famille.
Ici l’amour se dessine comme une trajectoire construite sur les faiblesses et les lâchetés de chacun, et l’être aimé comme un refuge, un ailleurs. A noter que The First Lap a reçu cet été le Prix de la Mise en scène au Festival de Locarno.
Itaewon (2016). Premier long métrage documentaire réalisé par Ga-ram Kangyu. Itaewon est un quartier de Séoul notamment connu pour être fréquenté, depuis la fin de la guerre de Corée, par les soldats américains postés dans la base militaire voisine. Itaewon, le film, dresse le portrait de trois femmes coréennes, Sam-sook, Niki et Young-hwa, qui y vivent depuis des décennies. Elles ont pour point commun d’avoir toutes trois travaillé dans le milieu des bars nocturnes du quartier, que ce soit dans leur jeunesse, ou aujourd’hui encore.
A travers ce documentaire qui suit le quotidien de trois femmes, c’est l’histoire et l’évolution d’Itaewon que l’on explore, une exploration humaine mélancolique, mais également sociologique d’une vie de quartier. Ces femmes qui vivent là, avec l’armée américaine, depuis les années 70, sont en train de disparaître à petit feu de la vie actuelle d’Itaewon, un quartier en transformation où les jeunes artistes affluent. Quelle place la société coréenne actuelle accorde-t-elle à ces femmes ? Elles semblent invisibles aux yeux de tous, même de ces artistes ouverts d’esprit. Comme si cette Histoire était honteuse et qu’il fallait rompre avec. Ces femmes sont les dernières traces d’un passé qui s’efface, et elles sont le cœur battant de ce beau documentaire.
Jamsil (Nu-e- chi-deon Bang, 2016). Récompensé au Festival de Busan, Jamsil est le premier long métrage réalisé par Lee Wan-min. Un jour, Mihee, une inconnue, apparaît sur le seuil de la porte de Sungsook, affirmant être sa meilleure amie, ce qu’elle n’est à l’évidence pas. Sungsook la laisse entrer malgré tout, et commence alors un étrange jeu de rôle où chacune se révèle peu à peu à l’autre. Tandis que d’autres rencontres surviennent, le passé refait surface…
Sombre, Jamsil constitue une exploration approfondie des relations, et de leur survivance dans d’autres corps, d’autres lieux, alors que le présent se fait friable et qu’il faut, de nouveau, établir des liens, trouver la distance juste les uns avec les autres.
The King (Deo King, 2016). Quatrième long métrage après Rules of Dating (2005), The Show Must Go On (2006) et The Face Reader (2013) du réalisateur Han Jae-rim qui signe avec The King, un film qui suit sur plusieurs années l’ascension d’un homme dans les arcanes du pouvoir judiciaire. Le film séduit d’emblée par sa capacité à ne pas se laisser écraser par la densité et les enjeux de son intrigue. Cette exploration de l’antichambre du pouvoir et de la corruption du système a la bonne idée de faire interagir le récit fictif avec des images d’archives, ce qui insère les personnages et leurs actions dans un cadre historique. The King est l’un des plus grands succès de l’année en Corée.
Park Tae-su est devenu procureur par soif de pouvoir. A la fin des années 80, alors qu’il découvre avec amertume qu’être procureur, c’est être un fonctionnaire traitant des centaines de dossiers par semaine, une affaire lui fait croiser le chemin de l’équipe du procureur star du pays, Han. On lui propose d’intégrer cette équipe, grâce à laquelle il découvre une vie de prestige à Séoul. Mais plus on a de pouvoir, plus la chute risque d’être douloureuse…
The King’s Case Note (Im-geum- nim-ui Sa-geon- su-cheop, 2016). Deuxième long métrage après As One (2012) du réalisateur Moon Hyun-sung qui signe avec The King’s Case Note, une comédie qui s’assume pleinement, un vrai buddy movie en costume dans lequel le roi et son chroniqueur font office de Sherlock Holmes et Docteur Watson de la Dynastie Joseon, avec un ton résolument moderne.
Yoon Yi-seo est le nouveau chroniqueur royal à la Cour. Sa tâche consiste à suivre le Roi partout et consigner ses faits et gestes pour la postérité. Mais le Roi n’est pas comme Yi- seo l’imaginait. Il aime les énigmes, la magie et l’action. Alors quand l’un de ses émissaires est tué et que des rumeurs de complot se succèdent, le Roi décide de mener lui-même l’enquête. Au désespoir de Yi-seo, qui ne s’imaginait pas que chroniqueur royal se révèlerait être un poste si dangereux…
Merry Christmas Mr. Mo (Me-li Keu-li- seu-ma- seu Mi-seu- teo Mo, 2016). Premier long métrage réalisé par Lim Dae-hyung qui, avec Merry Christmas Mr. Mo, signe, dans un magnifique noir et blanc, une chronique du quotidien qui devient un road-movie vivant, juste et drôle. Quelque part entre le cinéma muet de Chaplin et le Kitano de L’Été de Kikujiro, Merry Christmas Mr. Mo est un très joli et délicat premier film qui nous laisse le vague à l’âme, les larmes aux yeux et le cœur plein d’une douce satisfaction.
Le quotidien de monsieur Mo, coiffeur dans une petite ville de province, est réglé comme une horloge depuis la mort de sa femme. Pourtant, monsieur Mo a toujours rêvé d’être acteur. Il a écrit un scénario qu’il aimerait tourner avec son fils, réalisateur à Séoul. La copine de celui-ci le pousse à accepter, et les voici partis tous les trois sur les routes pour tourner ce mystérieux film…
New Trial (Jae-sim, 2016). Troisième long métrage après Cruel Attendance (2006) et Another Family (2013) du réalisateur Kim Tae-yun qui signe avec ce film un excellent polar qui évite les clichés du genre et qui s’inspire d’une histoire vraie.
Hyun-woo a passé 10 ans en prison pour un meurtre qu’il n’a pas commis. Joon-young est un avocat ayant tout perdu dans un procès pour lequel il avait engagé ses économies. Cherchant à se faire embaucher, Joon-young accepte une mission confiée par le patron d’une grande firme qui a été contactée par la mère de Hyun-woo. Les assurances leur réclament, à elle et son fils, des dizaines de milliers de dollars de dédommagement pour l’argent qu’elles ont versé à la famille de la victime. Joon-young se met en tête de prouver l’innocence de Hyun-woo, et reprend l’enquête à zéro.
No Money, No Future (No-hu Dae-chaek Eop-da, 2016). Documentaire, No Money, No Future est le premier long métrage réalisé par Lee Dong-woo, bassiste et chanteur du groupe Scumraid. La Corée n’est pas un pays de musique punk. Le genre musical y est perçu comme une bizarrerie et les groupes y jouent devant un public clairsemé. Le documentaire ne se contente pas de filmer les concerts des musiciens et l’univers du punk. Lorsqu’ils ne sont pas devant un micro à exprimer leur rage, à hurler l’absurdité de la société, le film nous montre leur vie de tous les jours, ces moments hors de la musique où l’on découvre que ces musiciens sont des employés de supérettes, ou de grands enfants vivant encore chez leurs parents qui affrontent de dures réalités sociales et la difficulté d’être artiste. Tourné sur le vif par l’un des musiciens, le film est traversé d’un élan de solidarité, d’absurdité, de colère, sans jamais perdre le sens de l’humour.
Deux groupes de punk coréens, Scumraid et Find the Spot, sont invités à participer à un festival au Japon, où la scène punk est plus développée. Ces punks coréens ont plutôt l’habitude de jouer face à un public peu nombreux, et d’avoir du mal à joindre les deux bouts pour vivre. No Money, No Future suit cette bande d’amis dans leurs aventures musicales aussi bien que dans leur quotidien.
The Poet and The Boy (Si-e-nui sa-rang, 2017). Premier long métrage réalisé par Kim Yang-hee qui signe ici une comédie dramatique séduisante. Poétique, aussi drôle qu’émouvant, The Poet and The Boy est une comédie humaine qui raconte l’histoire d’un poète qui cherche sa voix d’artiste autant que sa place d’homme au sein de son couple. La réalisatrice évoque brillamment et comme rarement dans le cinéma coréen les questionnements du personnage sur ses sentiments et sa potentielle homosexualité.
Taek-gi vit sur l’île de Jeju. Il aspire à être reconnu comme poète, mais doit se contenter de donner quelques cours du soir de poésie à des élèves de primaire. Depuis peu, la femme de Taek-gi veut un enfant, à son grand désarroi lui qui n’est pas sûr du tout de vouloir être père. D’autant qu’après consultation, le couple apprend que les spermatozoïdes de monsieur sont rares et flemmards. Taek-gi va alors faire la rencontre d’un garçon qui va chambouler sa vie.
The Seeds of Violence (Pok-lyeok- ui Ssi-at, 2017). Premier long métrage réalisé par Lim Tae-gue qui signe ici un drame singulier qui dénonce la violence de la société. L’itinéraire de Joo-yong est une initiation à sa propre violence nous invitant à observer comment se développe cette dernière. Cette observation est solennelle, étouffante et cathartique, honnête et impitoyable.
Joo-yong passe son service militaire. Un jour qu’ils sortent en permission locale avec sa section, leur caporal-chef leur annonce qu’il est visé par une plainte pour sévices, émise par l’un de ses hommes. Il mène alors une enquête discrète mais violente pour découvrir qui a porté plainte, et ses soupçons se portent très vite sur Joo-yong et son cadet Philippe. Un incident va forcer les deux accusés à discrètement déserter pour aller faire soigner Philippe.
State – Authorized Textbook (Guk-jeong-gyo-gwa-seo, 2017). Après Project Cheonan Ship (2013), son premier long métrage documentaire, Baek Seungwoo réalise avec State – Authorized Textbook, son deuxième long métrage et son deuxième documentaire à la fois pédagogique et pleinement inscrit dans le présent politique du pays.
Alors que l’année 2015 a été marquée par la décision controversée du gouvernement sud-coréen d’imposer des manuels scolaires conçus et validés par l’Etat, State-authorized Textbook revient sur la conception des livres d’Histoire dans le monde et sur les enjeux qui sont les leurs, tout en témoignant des mouvements de contestation ayant animé la Corée du Sud ces dernières années.
Vanishing Time: A Boy Who Returned (Ga-ryeo- jin Si-gan, 2016)). Deuxième long métrage après Ingtoogi (2013) réalisé par Um Tae-hwa qui signe ici un magnifique film fantastique raconté à hauteur d’enfant. Um Tae-hwa a également travaillé dans l’équipe de réalisation de Lady Vengeance de Park Chan-wook. Le film est un conte cinématographique qui nous rappelle ces films que l’on voyait enfant, notamment les productions Amblin des années 80 ; une aventure adolescente dans laquelle le fantastique fait irruption, avec une noirceur toute coréenne en plus. Le monde des enfants et le monde des adultes s’y entrechoquent, se questionnent, mais ne se comprennent pas : un monde de l’impossible et un monde du réel.
Après la mort de sa mère, Su-rin, 14 ans, vient s’installer sur une île avec son beau-père. Elle se lie d’amitié avec Sung-min, un orphelin qui partage son goût du mystère et des phénomènes étranges. Avec deux autres garçons, ils partent un jour en forêt pour assister à une explosion prévue pour la construction d’un tunnel. Mais en chemin, ils tombent sur une grotte dans laquelle ils vont trouver un objet qui va bouleverser leur existence…
Steve Le Nedelec