Greta, contrainte et forcée par ses parents, va fêter ses quinze ans. Les invitations sont lancées auprès de ses camarades de classe…
Fantastic Birthday est une belle métaphore sur le passage de l’enfance à l’adolescence. Au curieux titre français nous préférons le beau et juste titre original Girl Asleep. Il se réfère à de manière subtile à l’état de son héroïne Greta. Elle traverse cette invisible ligne qui sépare l’enfance, avec ses rêves et ses peurs, de l’adolescence avec l’apparition de la sexualité et de la mort. Cette mort d’un temps, de celui de l’innocence, d’un regard fantastique sur le monde, où les doudous ont une vie propre et nous protègent des loups qui prolifèrent dans la forêt. L’adolescence se nourrit de ce fragile passé tout en le rejetant pour s’aventurer toujours plus en avant dans la forêt de l’inconscient, mais les ombres deviennent plus angoissantes et les loups plus libidineux. Ces mondes fantastiques, qui sont ceux des contes, vont s’effacer au fur et à mesure que l’âge avance. Il n’en reste alors plus que des bribes, des images éparpillées, des sentiments doux et sombres, monde perdu.
Greta entre dans l’adolescence par un rite de passage, celui de son anniversaire, où entrent ses camarades, eux-mêmes en « construction ». D’Elliott, son petit amoureux, au gang de filles, toutes les contradictions d’un passage difficile sont finement exposées. La naïveté des premiers sentiments amoureux, gauches et involontairement comiques, donne lieu a de très belles scènes. Rosemary Myers réussit à saisir ce moment fragile, d’intimité, entre Greta et Elliott, ce charmant petit décalage entre celle qui ne sait « encore » rien des choses du sexe et celui qui imagine ces choses-là. La cruauté est évidemment présente, Greta subit les brimades et humiliation d’adolescentes plus âgées, mais pas plus dégourdies qu’elle. Si la vie passe comme un songe, il y a dans chaque phase de nos vies des plongées effrayantes dans des territoires que nous devons investir et dominer. Fantastic Birthday décrit cette plongée avec élégance et retrouve dans sa forme cinématographique la beauté symbolique, cruelle et nécessaire, des contes de Perrault, d’Andersen ou des Grimm.
Sur ce monde disparu, Rosemary Myers recrée un univers fantasmé des années 70. Cette époque n’était pas si clinquante, colorée, insouciante, mais Myers ne recherche pas une réalité photographique, documentaire, mais celle plus simple, des sentiments. Son film est plein d’inventions, comme ses titres judicieusement inclus dans le décor. Rosemary Myers utilise avec intelligence un format 1.33, réduisant ainsi le champ au périmètre de vie des adolescents. C’est donc dans la profondeur que se situent l’action et tout le travail de mise en scène, ce qui aussi renforce le sentiment de marche en avant de Greta.
Pour un premier film, c’est une belle réussite. Fantastic Birthday est né d’un long travail au théâtre, mis en scène par Rosemary Myers et écrit par Matthew Whittet, qui incarne le père de Greta. Il n’est donc pas étonnant de retrouver à l’écran une certaine théâtralité parfaitement intégrée dans une forme cinématographique avant-gardiste. Les décors et costumes de Jonathon Oxlade sont de ce point de vue remarquables et donnent une cohérence à l’ensemble sans failles. Rien ne tiendrait sans les acteurs, et là, c’est un sans-faute. Ils sont tous parfaits: des personnages principaux aux plus petits rôles, ils ont la fraicheur des acteurs peu vus (par nous en tout cas) sur le grand écran.
Fantastic Birthday entre dans cette catégorie de films que l’on garde en mémoire avec affection.
Fernand Garcia
Fantastic Birthday (Girl Asleep), un film de Rosemary Myers avec Bethany Whitmore, Harrison Feldman, Matthew Whittet, Amber McMahon, Eamon Farren, Tilda Cobham-Hervey, Imogen Archer, Maiah Stewardson, Danielle Catanzariti… Scénario : Matthew Whittet d’après sa pièce. Image : Andrew Commis. Décors et costumes : Jonathon Oxlade. Costumes : Elise Ancion. Montage : Karryn de Cinque. Musique : Harry Covill. Producteur : Jo Dyer. Production : Windmill Theatre – Soft Tread Enterprises. Distribution (France) : UFO Distribution (Sortie le 22 mars 2017). Australie. 2016. 77 mn. Couleur. Format image : 1.33 :1. Son : 5.1. DCP. Tous Publics. Sélection : 66e Berlinale, Section Génération – L’Etrange Festival, 2016 – Grand Prix du public, Adelaïde Film Festival, 2016. Meilleur Film Australien, Melbourne International Film Festival, 2016.