Fallo ! marque le retour au film à sketchs de Tinto Brass après La boîte à fantasme de Tinto Brass (Fermo posta Tinto Brass) en 1995, conçu à partir de courriers d’admiratrice. Fallo ! est légèrement différent, une petite anthologie d’histoires érotiques originales et comme le signale IMDb, romantique.
Fallo ! réunis six histoires, follement sexy, drôles avec en filigrane un petit coup de canif au machisme. « Fallo » en italien a plusieurs significations, la première est fais-le, Do It ! (titre anglais pour l’international), mais il signifie aussi, phallus, et de manière plus large tromperie, défaillance. Chaque sketch est la mise en image d’un fantasme qui trouve son origine dans une tromperie ou dans une déviance réelle ou fantasmagorique. Évidemment, suivant ses propres goûts ou intérêts esthétiques, on aura une préférence pour l’un ou l’autre de ses petits films. Toujours est-il qu’ils sont tous d’une grande sensualité. Cette anthologie constitue une bonne entrée en matière pour qui ne connaît pas le cinéma de Tinto Brass de la dernière période, c’est-à-dire après La Clé.
Fallo ! S’inscrit un peu tardivement dans le mouvement du film à sketchs, une véritable spécialité du cinéma italien. Le genre a connu son heure de gloire dans les années 60/70. Dino Risi, est sans conteste, le cinéaste emblématique du genre. Rappelons pour mémoire les sommets que représentent : Les Monstres (I mostri, 1963) avec Ugo Tognazzi et Vittorio Gassman (époustouflants) et Les Nouveaux monstres (I nuovi mostri, 1977) coréalisé avec Ettore Scola et Mario Monicelli, sa filmographie compte aussi d’autres films à sketchs tout à fait estimable comme Une poule, un train… et quelques monstres (Vedo nudo, 1969) avec Nino Manfredi, Moi, la femme (Noi donne siasmo fatte cosi, 1971) avec Monica Vitti, Le Sexe fou (Sessomatto, 1973) avec Giancarlo Giannini et Laura Antonelli, Les derniers monstres (Sesso e volentieri, 1982) avec Johnny Dorelli, Laura Antonelli et Gloria Guida, entre autres.
Histoires courtes dont la cible favorite et humoristique est le mâle, dont l’arc scénaristique va du crétin à l’homme d’affaires, toujours prêt à toutes les vilenies. Le caractère sexy pour ne pas dire érotique entre rapidement dans les codes du genre. Et tout naturellement, l’axe se déporte de l’homme vers la femme. Mais elle est plus intelligente, fine et cultivée que l’homme. L’un des premiers exemples est Boccace 70, relecture modernisée de Boccace par Mario Monicelli, Federico Fellini, Luchino Visconti et Vittorio de Sica avec un casting à tomber à la renverse, Sophia Loren, Anita Ekberg et Romy Schneider. Le véritable point de départ assumé comme véritablement érotique est Les Ogresses (Le Fate) que coréalise Mauro Bolognini, Mario Monicelli, Antonio Pietrangeli et Luciano Salce avec rien de moins que Raquel Welch, Claudia Cardinale, Capucine et Monica Vitti, en 1966. Il faut reconnaître que le cinéma italien a toujours mis en valeur la beauté et le corps de ses actrices. Évidemment, commercialement, le film à sketchs permet de mettre à l’affiche plusieurs vedettes, dans une ou plusieurs histoires.
Dans ce style d’exercice sexy, signalons Sexycon (40 gradi all’ombra del lenzuolo, 1976) de Sergio Martino avec Barbara Bouchet, Edwige Fenech, Dayle Haddon, Sydne Rome et Marty Feldman ou Les Monstresses (Letti selvaggi, 1979) de Luigi Zampa, avec Ursula Andress, Laura Antonelli, Sylvia Kristel et Monica Vitti. Si le genre est dominé par les Italiens, on trouve aussi quelques films en France, ainsi dès les années 60 avec La Française et l’amour de Michel Boisrond, Christian-Jaque et René Clair, mais c’est dans les années 70 que l’on trouve des exemples plus ouvertement érotiques et plus « intellectuels » que les productions transalpine.
Contes immoraux, est une grande réussite, la plus belle de Walerian Borowczyk, citons aussi Collections privées de Walerian Borowczyk, à nouveau, Just Jaeckin et Shûji Terayama. Les séducteurs (1980), coproduction franco-italienne, réalisée par Bryan Forbes, Édouard Molinaro, Dino Risi et Gene Wilder, offre la particularité de se focaliser sur quatre hommes de nationalités différente, les sketchs se dérulant dans leurs pays respectifs, Roger Moore (Royaume-Uni), Lino Ventura (France), Gene Wilder (Etats-Unis) et Ugo Tognazzi (Italie). Cette focalisation sur la gente masculine se retrouve dans Les Infidèles (2012) sketches de durée allant d’une minute à une vingtaine, dirigé par 8 réalisateurs (dans la version intégrale) avec Jean Dujardin et Gilles Lellouche. Le film est un beau succès.
Fallo ! est l’avant-dernier film de Tinto Brass, le dernier en 35 mm et le dernier à sortir en salle. Monamour, son dernier long-métrage, en numérique, deux ans plus tard, sera exploité directement en vidéo. Pour Fallo ! Tinto Brass ne dirige pas de superstars féminines, mais de charmantes et appétissantes beautés. Les femmes dominent et manipulent assez facilement des hommes, jaloux, prétentieux et surtout soumis à leurs pulsions. Fallo ! comme pour tous les films de la derniers partie de la carrière de Tinto Brass, est l’exaltation d’un sexe libre et joyeux.
Alibi, le premier sketch, met en scène un couple de petit-bourgeois italien, Cinzia (Sara Cosmi) et Gianni (Massimiliano Caroletti), en voyage d’anniversaire de mariage. Ils accusent 7 ans de vie commune. Cinzia et Gianni résident dans un hôtel à Casablanca, dans une somptueuse chambre, qu’il ne quitte quasiment pas, tout à leurs jeux sexuels.
Gianni adore imaginer sa femme entre les mains d’autres hommes. Il désire qu’elle « le trompe comme une salope ». Elle ne se gêne pas pour lui raconter ses phantasmes jusqu’à la jouissance. Entre deux spasmes, des lèvres de Cinzia, s’envole un souhait : en avoir « une dans la chatte et l’autre dans le cul ». Il n’en faut pas moins à Gianni pour proposer l’affaire à Ali (William De Vito), le garçon d’étage. Le rythme est enlevé et Tinto Brass « innove » avec la stimulation du clitoris par une brosse à dents !
Programmes d’échange, est une deux histoire d’adultère se jouant en parallèle sur un terrain de tennis (et dans les vestiaires) et dans le bureau d’un producteur de télévision. Stefania (Silvia Rossi) et Bruno (Max Parodi) s’affrontent, en tout bien tout honneur, au tennis, tandis que le mari de Stefanie, Luigi (Andrea Nobili) et épouse de Bruno, Erika (Federica Tommasi) se rencontrent en cachette pour une « négociation ». Bien sûr, chaque couple ment à l’autre.
Stefania a une jupe de tennis bien trop courte pour se méprendre sur ses intentions. Erica sait ce qu’elle doit faire pour avoir le poste de présentatrice. Un double échange, avec fellation en parallèle, pour une satisfaction en demi-teinte. Le sexe et le pouvoir sont moins joyeux, plus tristes finalement. Tinto Brass filme, une fois n’est pas coutume, de vrais phallus… et une fellation.
Deux cœurs dans une cabane, est carrément burlesque, une bouffonnerie dans une chambre d’hôtel au Tyrol. Fräulein Bertha (Virginia Barrett) est une dominatrice SM. Son mari, Otto (Leo Mantovani), maso, « souffre » le martyre dans le bonheur. Katarina (Raffaella Ponzo), la femme de chambre, trouve dans ses jeux, le moyen d’avoir du plaisir et de l’argent.
Son petit copain, Ciro (Stefano Gandolfo), accepte le deal, tout en regrettant la « dérive », pour la bonne cause de Katarina. Tinto Brass pousse le curseur vers l’absurde jusqu’à faire jaillir le rire. Frau Bertha, sorte de Rambo du SM, cigare au bec, aime l’excès et donner du plaisir à la femme de chambre, léchage et doigts de pieds dans la foufoune, sous le regard d’Otto, dont la frustration est totale.
Plein d’entrain, est un peu plus faible, car il reprend des thématiques déjà évoquées. Ugo (Daniele Ferrari) et Raffaella (Angela Ferlaino) sont à la plage. Ugo ne supporte pas que sa femme soit quasiment nue, avec simplement un bikini-string riquiqui.
Encore une fois, le mâle aime que sa compagne lui raconte ses différentes aventures. L’effet des escapades de sa femme est immédiat, une érection. Raffaella contrôleuse dans la compagnie de chemin de fer, aime pimenter le train-train quotidien. Ugo est « cocu et heureux ».
Honni soit qui mal y pense, ne connaissant par Tinto et Tinta, Tinto Brass et Carla Cipriani, on peut imaginer ce sketch, comme légèrement autobiographique, mais qu’importe, tout film inclus des éléments vécus ou rêvés voire les deux.
L’action se déroule dans un Cap d’Agde de studio. Après une séance de photos érotiques pour un calendrier, Franco (Riccardo Marino), le photographe et Anna (Maruska Albertazzi), sa future femme, se retrouvent dans le célèbre village naturiste. Immédiatement, ils sont invités par un couple d’excentriques d’Anglais, Noël (Antonio Salines) et Helen (Grazia Morelli), à une partouze. Franco a une obsession, celle de sodomiser Anna, qui s’y refuse avant le mariage. La soirée chez les Anglais va être celle de tous les dangers.
Appelle-moi cochonne, j’aime ça ! Rosy (Federica Palmer) et Oskar (Roberto Giulianelli) sont en voyage de noces en Angleterre. Elle est prof d’anglais, lui, homme d’affaires.
Dans la chambre d’hôtel, Rosy se laisse aller à tous les plaisirs surtout si les rideaux sont ouverts… Un étrange point rouge venant de l’extérieur laisse penser la présence d’un voyeur. Mais Rosy est une vraie cochonne… Tinto Brass clôt le film en se mettant en scène une nouvelle fois comme voyeur, assumant pleinement.
Pourvu que ça dure !
Fernand Garcia
Fallo ! une édition combo (Blu-ray + DVD) et DVD de Sidonis – Calysta dans la collection Tinto Brass. Le film est proposé en version intégrale, master HD restauré, impeccable, avec en compléments : une double présentation, la première par Christophe Bier, cinéphile érotomane, sur le « dernier grand cinéaste ouvertement érotique » (8 minutes env.). La deuxièmepar Olivier Père, « un film paillard et comique » où « l’on trouve une variété des corps » auquel se mélange des souvenirs personnels (30 minutes).
Fallo !, un film de Tinto Brass.
Alibi avec Sara Cosmi, Massimiliano Caroletti, Guglielmo Aru, William De Vito.
Programmes d’échange (Double Trouble / Montaggio alternato) avec Silvia Rossi, Max Parodi, Federica Tommasi, Andrea Nobili.
Deux cœurs dans une cabane (Two Hearts and a Hut / 2 cuori & 1 capanna) avec Raffaella Ponzo, Virginia Barrett, Stefano Gandolfo, Leo Mantovani.
Plein d’entrain (Jolly Bags / Botte d’allegria) avec Angela Ferlaino, Daniele Ferrari, Elisabetta Todde…
Honni soit qui mal y pense avec Maruska Albertazzi, Riccardo Marino, Antonio Salines, Grazia Morelli…
Appelle-moi cochonne, j’aime ça ! (Call Me Pig… Cause I Like It! / Dimme porc ache me piaze) avec Federica Palmer, Lyudmyla Derkach, Roberto Giulianelli, Tinto Brass…
Scénario : Tinto Brass, Carla Cipriani et Massimiliano Zanin. Directeur de la photographie : Federico Del Zoppo. Décors et costumes : Maria Luigia Battani et Carlo De Marino. Montage : Tinto Brass. Musique : Francesco Santucci. Producteur exécutif : Giovanni Bertolucci. Producteurs : Roberto Di Girolami, Giuseppe Gargiulo et Ugo Tucci. Production : Italgest Video – Letizia Cinematografica. Italie. 2003. 89 minutes. Eastmancolor. Format image : 1,66 :1. 16/9e Son : Version originale avec sous-titres français et Version française. DTS-HD. 2.0. Interdit aux moins de 16 ans.