Le jour se lève sur Cleveland. Les ouvriers à la journée patientent devant l’entrepôt de la Fleckner Food. A la sirène, les ouvriers commencent le déchargement des camions arrivés aux premières heures. Le contremaître Gant (John Lehne) pousse la cadence, toujours plus de cageots de tomates à chaque passage. Dombrowsky (Frank McRae) trébuche et fait tomber plusieurs cageots. A charge pour lui de les rembourser. Kovak (Sylvester Stallone) avec collègues s’arrête pour l’aide à ramasser, ce que le contremaître ne peut supporter. Samuls (Ron Delagardelle), qui ne reprend pas aussitôt son travail, est viré sur-le-champ. Ainsi va la vie. En fin de soirée, alors qu’il vide un camion de poisson, au-delà des horaires, Kovak fait la connaissance de Mike Monahan (Richard Herd), un chauffeur. Le rythme n’est pas assez soutenu et le contremaître les sermonne encore une fois. C’est la goutte d’eau pour Kovak qui se révolte, soutenu par ses camarades, demande à voir le chef des entrepôts Andrews (James Karen)…
Plus que le premier film de l’après Rocky pour Sylvester Stallone, F.I.S.T. est avant tout le premier scénario de Joe Eszterhas (Basic Instinct). En 1974, Joe Eszterhas est journaliste pour Rolling Stone lorsqu’il est contacté par la vice-présidente de production d’United Artists, Marcia Nasatir. Elle apprécie sa manière d’écrire qu’elle trouve très cinématographique et lui commande un traitement pour un futur scénario. Eszterhas fils d’une famille d’immigrés hongrois rédige un scénario à partir de ses souvenirs d’enfance et de témoignages de vétérans du mouvement ouvrier de Cleveland. De la masse des personnages décrit par le jeune scénariste, un domine : Johnnie Kovak inspiré d’une personnalité du monde syndical : Jimmy Hoffa. Le scénario s’articule Kovak ouvrier d’origine hongroise qui va rejoindre à la fin des années 30 la Federation of Insterstate Truckers (F.I.S.T.) jusqu’à en devenir le leader. Evidemment, le scénario s’inscrit dans une tradition « large » du film de gangsters avec le petit peuple pauvre des quartiers déshérités, la mafia, les patrons et politiciens corrompus, l’épouse honnête et aimante, la commission d’enquête, etc.
Après avoir approché plusieurs réalisateurs (Bob Rafelson, Costa-Gavras), la production transmet le gros scénario de Joe Eszterhas à Norman Jewison. Le réalisateur s’y intéresse tout en travaillant sur l’adaptation de Ragtime, film auquel il renoncera et que réalisera Milos Forman. Il restructure l’histoire avec Eszterhas. Jewison est un bon choix, réalisateur « progressiste » avec de belles réussites à son palmarès : Le Kid de Cincinnati (The Cicinnati Kid, 1965), Dans la chaleur de nuit (In the Heat of the Night, 1967), L’Affaire Thomas Crown (The Thomas Crown Affair, 1968), Un violon sur le toit (Fiddler on the Roof, 1971), Jesus Christ superstar (1973), Rollerball (1975). Sa mise en scène classique s’adapte parfaitement au sujet. Et même si l’histoire avance de manière plutôt abrupte avec un rythme plutôt heurté. Jewison teint le spectateur en haleine. Les séquences s’enchaînent rapidement, le temps de l’action passe vite. Anna Zerinkas, l’amoureuse lituanienne de Kovak, surgi par une simple coupe. Kovak entre au service du syndicat de la même manière, etc. Le spectateur faisant le lien.
La reconstitution et l’aspect artistique (décors, costumes) font de F.I.ST. un film réalisé avec un grand soin. La photographie est signée par László Kovács, arrivé aux Etats-Unis après l’insurrection de Budapest en 1956. Il débute, comme son compatriote Vilmos Zsigmond, sur des séries B de Roger Corman. Après Easy Riders (1969), il devient l’un des chefs opérateur du Nouvel Hollywood. Kovacs venait de terminer le tournage de New York, New York (1977) de Martin Scorsese quand il se retrouve sur le plateau de Jewison. L’entente avec Stallone est bonne puisque l’acteur fait appel à Kovács pour sa première réalisation La Taverne de l’enfer (Paradise Alley, 1978).
Norman Jewison entoure Stallone d’une solide distribution : Rod Steiger, qu’il retrouve après Dans la chaleur de la nuit, Peter Boyle, étrange visage qui s’est fait un nom en incarnant des personnages bizarres et déphasés dans, entre autres, Joe (1970), Frankenstein Junior (1974), Taxi Driver (1976), Tony Lo Bianco le latin lover assassin des tueurs de la lune de miel (The Honeymoon Killers, 1970), une jeune actrice Melinda Dillon en pleine ascension après En route pour la gloire (Bound for Glory, 1976), La Castagne (Slap Shop, 1977) et Rencontres du troisième type (Close Encounters of the Third Kind, 1977).
F.I.S.T. est le premier film avec Sylvester Stallone en star, une date importante dans sa carrière. Après le triomphe de Rocky, l’acteur était attendu au tournant. Sylvester Stallone n’a pas encore trouvé ses marques. Le personnage de Kovak semble taillé sur mesure, mais l’acteur est encore hésitant, son jeu est parfois fébrile, encore Rocky. Il est le point central du film et en même temps son point faible. Stallone a en ligne de mire la prestation d’Al Pacino dans Le Parrain, mais il manque à Kovak une dimension tragique que Stallone ne parvient pas à exprimer. Il est – et c’est sa qualité – un représentant des déclassés de l’Amérique, de ceux qui réclament une deuxième chance, ce personnage que Stallone va bâtir au fil des films, en ce sens le film est un échelon nécessaire à l’acteur afin d’asseoir sa crédibilité.
Fernand Garcia
F.I.S.T. une édition BQHL (en Blu-ray) avec en complément une présentation du film par David da Silva, historien du cinéma et auteur de l’excellent livre : Sylvester Stallone, héros de la classe ouvrière. C’est en connaisseur de l’acteur qu’il aborde le film et son époque (27 minutes env.). La bande-annonce d’origine de F.I.S.T. (2,30 minutes). Un excellent livret de Marc Toullec pour tout connaître de la production de F.I.S.T. accompagne cette édition (24 pages).
F.I.S.T. un film de Norman Jewison avec Sylvester Stallone, Rod Steiger, Peter Boyle, Melinda Dillon, David Huffman, Kevin Conway, Tony Lo Bianco, Cassie Yates, Peter Donat, John Lehne, Henry Wilcoxon… Histoire : Joe Eszterhas. Scénario : Joe Eszterhas et Sylvester Stallone (et Norman Jewison, non crédité). Directeur de la photographie : László Kovács. Direction artistique : Richard MacDonald. Costumes : Anthea Sylbert. Supervision du montage : Anthony Gibbs. Montage : Graeme Clifford. Musique : Bill Conti. Producteur associé : Patrick Palmer. Producteur exécutif : Gene Corman. Producteur : Norman Jewison. Production : United Artists Corporation. Etats-Unis. 1978. 130 minutes. Technicolor. Panavision. Format image : 1,85 :1. 16/9e. Son : Version original avec sous-titres français et Version française. 2.0 LPCM. Tous Publics.