En 1974, la commission de censure, bien énervée, prononça une interdiction aux mineurs pour Emmanuelle, après avoir exigé des coupes. Mais le temps de la censure est (un peu) révolu depuis l’arrivée au pouvoir de Valery Giscard d’Estaing et, surtout par la volonté, du nouveau Ministre de la culture, Michel Guy. Un petite parenthèse de liberté s’ouvre jusqu’à l’instauration de la X. Emmanuelle, adaptation du roman d’Emmanuelle Arsan, choque et fait gentiment scandale, mais personne ne se doute de l’extraordinaire destin de cette petite production française. Première production pour Yves Rousset-Rouard et réalisation pour Just Jaeckin jusque-là photographe de charme.
Fort bien lancé par Parafrance, – Rousset-Rouard obtient les mêmes salles que Le Dernier tango à Paris –, avec deux affiches subjectives, la première représente l’effeuillage d’une pomme par le serpent de la tentation, la deuxième, Sylvia Kristel, seins nus dans un fauteuil en rotin. Emmanuelle est un triomphe planétaire. Plusieurs suites vont suivre, Emmanuelle 2 : l’anti vierge (1975), écope, contre toute attente d’un classement X, l’époque est au combat contre la pornographie, avant d’être libéré. Sylvia Kristel abandonne le personnage après le n°3, Goodbye Emmanuelle (1977). Dans le 4e opus (1984), elle laisse la place (après une opération de chirurgie esthétique) à Mia Nygren, première d’une longue liste. La qualité des films est pour le moins fluctuante, petites productions souvent bâclées. Alain Siritzky, ex de Parafrance, devient le producteur en titre. Au fil du temps, l’érotisme quitte le grand écran pour le petit, Emmanuelle devient une série TV particulièrement soft coproduite par Roger Corman et Menahem Golan…
La nouvelle version d’Emmanuelle se présente comme une relecture libre du roman d’origine plus qu’un remake du premier film. Annoncé à grand renfort de publicité par Goodfellas durant le festival de Cannes 2022 avec dans le rôle titre, Léa Seydoux. La production est finalement mise sur les rails avec Noémie Merlant dans la peau de l’anti vierge. Neo féminisme oblige, le film se doit d’être et d’avoir un regard féminin sur l’érotisme. Le scénario est de Rebecca Zlotowski et d’Audrey Diwan avec cette dernière à la réalisation. Elle passe ainsi d’Annie Ernaux (L’Événement) à Emmanuelle Arsan en deux films. Bel exploit. Cette nouvelle version est coproduite et distribuée par Pathé, le film a un budget qui frôle les 20 millions €, nous sommes moins du budget de celui de 1974.
Présenté en juin à la plénière de la commission de classification, Emmanuelle n’a pas suscité de grands débats. La plénière a proposé une « simple » interdiction aux mineurs de moins de 12 ans en raison « de scènes à caractère sexuel ne convenant pas à un public de moins de 12 ans ». Interdiction qui annonce une Emmanuelle un peu poil tiède… attendons sa sortie sur les écrans le 25 septembre 2024.
August Tino
Emmanuelle, un film d’Audrey Diwan avec Noémie Merlant, Naomi Watts, Isabella Wei, Jamie Campbell Bower… Distribution : Pathé, dans les salles françaises, le 25 septembre 2024.