Dans une chambre de motel, El Sicario raconte 20 années au service du Boss du Cartel. Tout de noir, une cagoule sur la tête, El Sicaro a sa tête mise à prix – 250000 dollars. Assis un bloc à dessin en main, il s’aide de petits dessins pour raconter son histoire. Histoire horrible, sanglante, drôle et pathétique. C’est tout un système de corruption où les meurtres sont monnaie courante et l’argent coule à flots. Nous sommes au Mexique, le futur El Sicario est un brillant élève. Repéré, on lui propose de couvrir ses frais de scolarité et on lui offre une voiture. A charge pour lui de rendre service les week-ends en faisant quelques aller-retours avec la voiture. Il est dans l’engrenage du Cartel. Il gravit les échelons, échappe à l’armée et entre, comme d’autres, à l’école de police. Tout le système est pourri. La lutte contre les Cartel n’est qu’une mascarade. L’argent inonde le marché, les banques, les politiques, les policiers, etc. des deux côtés de la frontière.
Le film de Gianfranco Rosi est un incroyable témoignage et une leçon de mise en place dont de mise en scène. Il filme avec une fausse simplicité de témoignages glaçants. On pense au chef-d’oeuvre de Martin Scorsese, Les affranchis (Goodfellas, 1990), tant la fascination d’El Sicario et son abnégation ressemble à s’y méprendre à celle de Henry Hill (Ray Liotta) pour la mafia italienne. Rosi, avec une impressionnante maîtrise, s’échappe de la chambre pour quelques plans fixes de lieux où les terribles méfaits du Cartel ont eu lieu. L’effet sur le spectateur est sidérant. En surface tout est calme, mais derrière cette façade s’est toute la bassesse humaine. Les techniques d’enlèvement, les différentes manières de tortures, le cauchemar qu’ont vécu les victimes, l’acharnement sur les femmes, la guerre entre les clans, la connivence entre les différents corps d’États et le monde de la drogue. El Sicario passe tout en revue, il raconte et se raconte… jusqu’à son décrochage et à la « révélation »… El Sicario est un prodigieux documentaire par un des plus grands cinéastes de ce début du XXIe siècle, son Lion d’or pour Sacro Gra (2013) et son Ours d’or pour Fuocoammare (2015) ne sont pas dus au hasard.
Fernand Garcia
El Sicario – Chambre 164 (El Sicario, Room 164) un film de Gianfranco Rosi avec El Sicario. Scénario : Charles Bowden et Gianfranco Rosi d’après les articles de Charles Bowden. Producteurs : Gianfranco Rosi et Serge Lalou. Montage : Jacopo Quadri. Production : Robo Films – Les films d’Ici – Arte France – La Lucarne. Distribution : Météore Films (sortie en France, le 28 septembre 2016) France. 2010. 80 mn. DCP. Tous Publics.