Une si gentille petite fille est un parfait exemple d’un film d’horreur des années 70 mettant en scène une jeune fille possédée par l’esprit d’une autre fille du même âge. Le scénario est particulièrement habile et la mise en scène pleine d’inventions. Une si gentille petite fille a toujours joui, à juste titre, d’une excellente réputation. Il bénéficie actuellement d’une belle édition en Blu-ray aux États-Unis chez Severin dans une version restaurée avec, entre autres, compléments des commentaires audio de Simon Barrett, scénariste de You’re Next. De son côté, la Cinémathèque Française, dans le cadre du cinéma Bis, présente le film le vendredi 7 avril 2007. Mais qui est Eddy Greenwood, son réalisateur ?
« Eddy Greenwood est une erreur de l’imprimeur, une diablerie ! Je n’étais pas en France au moment de la sortie, c’est Francis Mischkind (F.F.C.M) qui avait distribué le film, peut-être qu’il s’en était pas rendu compte. Toujours est-il qu’Eddy Greenwood est resté crédité, sur les affiches françaises, comme réalisateur mais au générique c’est bien mon nom ! »
Rencontre avec Eddy Matalon réalisateur d’Une si gentille petite fille
Le scénario
J’ai écrit entièrement le scénario, seul. J’ai crédité comme scénariste Alain Sens-Cazenauve, mon assistant-réalisateur, au générique par amitié, il m’avait apporté quelques idées que j’ai utilisé. Nous avions besoin dans le cadre de la coproduction Franco-canadienne d’un scénariste canadien, alors nous avons crédité Myra Clément, alors qu’elle a simplement traduit le scénario du français en anglais. Une si gentille petite fille est l’une des premières coproductions Franco-canadiennes.
La production
Le film a bénéficié de financement privé. Les entreprises canadiennes pouvaient défiscaliser leur bénéfice en investissant dans le cinéma par le biais des Tax Shelter, mais bon nombre de sociétés attendaient d’avoir une visibilité sur leur bilan, c’est-à-dire en fin d’année, pour investir, ce qui était trop tard pour mettre en place une production. Connaissant le problème, nous nous sommes préparé pour un tournage en fin d’année.
Les acteurs
J’ai eu beaucoup de chance, les acteurs convenaient parfaitement aux personnages. Nous avons trouvé tous les acteurs à Montréal, à l’exception d’Alan Scarfe à Toronto. Il avait une formation classique, un acteur shakespearien. Beverly Murray avait un côté décalé, angoissé, qui collait parfaitement avec son rôle de mère que l’on croit folle. Nous sommes tombés sur la petite Randi Allen dans une agence de mannequins où sa mère Joyce avait déposé des photos pour qu’elle participe à des publicités. Pour que Randi soit à l’aise sur le tournage, nous avons embauché sa mère en tant que costumière. Randi Allen aurait certainement pu faire carrière mais elle n’avait pas envie d’être actrice. Une si gentille petite fille est son unique film.
Le tournage
Le tournage s’est donc déroulé en hiver pour des raisons de financement. Nous avons tourné de décembre 1976 à janvier 1977. Il n’était pas fréquent à l’époque de situer l’action d’un film d’horreur en hiver, généralement c’était en été ou en automne. Ce qui se comprend au vu des difficultés d’un tournage par grand froid et sous la neige. A l’époque, il n’y avait pas énormément de matériel disponible au Canada, nous avons dû faire venir les caméras Panavision des Etats-Unis, mais une fois sur place il faisait si froid qu’elles tombaient en panne ! Au début nous retirions la neige avec de l’eau chaude avant d’abandonner, par faute de temps, et surtout il y en avait trop. Suivant les plans, il y a ou non de la neige. J’aurais dû laisser la neige, cela ajoutait à l’ambiance. Il y avait là quelque chose d’original, que j’aurais pu « creuser ». C’était avant The Shining, quoique Kubrick ait tourné en studio avec des tonnes de sel pour représenter la neige. La scène du grand bassin nous a posé bien des problèmes. La surface en était complètement gelée, nous avons dû casser la glace, ce fut épique. La petite portait sous son manteau une combinaison et nous l’avions rembourré avec des journaux. Elle s’avance dans l’eau et ne coule pas, son costume était tellement rembourré qu’elle ne coulait pas ! Pour les plans sous l’eau, nous les avons tournés dans une piscine.
Nous avons quasiment tout tourné dans la maison, dans son jardin et dans ses environs. C’est une énorme bâtisse qui était en vente dans un quartier Le Boulevard, chemin du Belvédère à Westmount. Le lieu est un élément primordial du cinéma fantastique, c’est quasi organique. Là, c’était formidable, il y avait tout: les pièces, le grenier, le grand escalier. Nous avons même aménagé une pièce pour en faire le bureau où travaille Alan Scarfe, l’illusion est parfaite. Mon seul regret est le début du film. La voiture était la propriété d’un collectionneur. Dès que l’équipe s’approchait de la voiture, il était en pleine angoisse. Nous avons dû bricoler la séquence, la sortie de route, le feu en une série de plans courts; le résultat fonctionne, mais il aurait pu être plus efficace.
Je faisais peu de prises, nous avons tourné en 6 semaines, comme d’ailleurs tous mes films. J’ai été un producteur plus généreux avec les autres: Joseph Losey (Une Anglaise romantique), Patrice Chéreau (La Chair de l’orchidée) ou Christian de Chalonge (Malevil) qu’envers moi-même. J’avais un découpage très précis, il n’y avait pas de place pour l’improvisation. J’avais tout prévu jusqu’aux effets sonores, je savais parfaitement où j’allais et le résultat que je voulais obtenir.
Les effets spéciaux ont été tous faits sur le plateau à l’exception d’un. Nous avons utilisé une canne à pêche pour faire traverser la pièce à la poupée. Nous faisions des prises jusqu’à avoir une prise parfaite où l’on ne voit pas le fil. Les bestioles que nous utilisions dans le film étaient des vraies. La mygale qui remonte le long du bras est bien réelle. Heureusement que Roy Witham n’avait peur de rien. Si la mygale avait stressé, elle aurait pu avec ses pattes le bruler au 3e degré ! Parmi les petites bêtes, nous n’avons jamais retrouvé un serpent qui est resté dans la maison, ses descendants y vivent peut-être toujours ! Dans la séquence de la salle de bain, les sangsues que Beverly Murray a sur le dos sont des vraies ! Sa terreur n’a rien de simulée ! Le seul trucage hors plateau a été fait en France par Eurocitel, c’est les yeux lumineux du portrait.
La post-production
Le négatif a été développé au Canada. Le montage s’est fait en France, avec Laurent Quaglio, ainsi que le doublage, les génériques et le fameux trucage.
La sortie
Cinepix, que dirigait André Link, George Dunning et Ivan Reitman, a distribué le film au Canada. Si je me souviens bien c’est André Link qui a trouvé le très bon titre anglais, Cathy’s Curse. Cinépix était spécialisé dans les petits films sexy et d’horreur. Une si gentille petite fille est sortie en juillet 1977, excellente date et ce fut un vrai succès. Il a aussi très bien marché aux États-Unis. J’ai réalisé ensuite New York Blackout avec un budget un peu plus important à cause des vedettes, et même si elles ne tournaient qu’une journée, leurs cachets étaient supérieurs à celui de tout le casting d’Une si gentille petite fille !
Pérennité
Aujourd’hui encore on me parle d’Une si gentille petite fille, il est régulièrement diffusé des deux côtés de l’Atlantique. Il y a eu une édition pirate incomplète où des cartons explicatifs remplacaient les séquences manquantes ! Au fil des années, c’est un film culte dont la petite musique a eu, à ma grande surprise, une réelle influence sur d’autres films… que du bonheur.
Ajoutons que la carrière d’Une si gentille petite fille est loin d’être terminée…
Propos recueillis par Fernand Garcia, avril 2017
A lire : Eddy Matalon sur New York Blackout et Une anglaise romantique, souvenirs de producteur.