Django Unchained – Quentin Tarantino

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Dans le sud des États-Unis en 1858, deux ans avant la guerre de Sécession, le Dr King Schultz, un chasseur de primes allemand, fait l’acquisition de Django, un esclave qui peut l’aider à traquer les frères Brittle, les meurtriers qu’il recherche. Schultz promet à Django de lui rendre sa liberté lorsqu’il aura capturé les Brittle – morts ou vifs. Alors que les deux hommes pistent les dangereux criminels, Django n’oublie pas que son seul but est de retrouver Broomhilda, sa femme, dont il fut séparé à cause du commerce des esclaves… Lorsque Django et Schultz arrivent dans l’immense plantation du puissant Calvin Candie, ils éveillent les soupçons de Stephen, un esclave qui sert Candie et a toute sa confiance. Le moindre de leurs mouvements est désormais épié par une dangereuse organisation de plus en plus proche… Si Django et Schultz veulent espérer s’enfuir avec Broomhilda, ils vont devoir choisir entre l’indépendance et la solidarité, entre le sacrifice et la survie…

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Vingt ans après Reservoir Dogs (1992), son premier long métrage, Quentin Tarantino revient avec un septième opus qui, une fois de plus, rend hommage au cinéma qu’il affectionne par dessus tout, au cinéma qu’il aime et qui l’a nourri: Le cinéma de seconde zone. Le cinéma Bis. La série B. A l’instar d’Inglourious Basterds (2009),   Django Unchained permet à Tarantino non seulement de revisiter une fois de plus l’histoire du cinéma mais également l’Histoire de son pays. Une époque sombre de l’Histoire construite sur la douleur. Après l’Allemagne Nazie, l’Amérique esclavagiste. Une dénonciation d’un ordre établi méprisable.

C’est par le prisme du western spaghetti que l’auteur dénonce avec violence l’histoire de l’esclavage aux États-Unis et nous propose une revanche sur cette dernière. C’est dans sa faculté à prendre des libertés avec l’Histoire et le cinéma de genre que réside le talent de Tarantino. Il reste libre.

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Loin des gangsters cool et philosophes de ses premiers films, après l’holocauste dans Inglourious Basterds, le cinéaste aborde à nouveau un sujet grave, l’esclavage. Mais nous sommes également loin des étendards convenus sur les sujets dits « sérieux », dans le cinéma américain, qui sont estampillés du label « histoire vraie » afin de camoufler des produits commerciaux en se donnant bonne conscience mais qui, pour la plupart, ne sont que des braquages émotionnels. Comme pour ses précédents films, les inspirations et références de Tarantino sont ici nombreuses et respectueuses. Plus qu’au Maître Sergio Leone qui a tout dit du genre en cinq films, cinq chefs-d’oeuvre intouchables, c’est une nouvelle fois à un pan entier de la production underground des 60’s et des 70’s, plus méconnu du grand public, auquel il fait ici référence avec notamment principalement les westerns violents et « crasseux » de Sergio Corbucci (Django (1966) ou plus encore Navajo Joe (1966)…) mais encore Mandingo (1975) de Richard Fleischer. A noter la présence de Franco Nero, l’acteur des films de Corbucci qui fait ici un caméo.  Dès le générique de début qui reproduit le graphisme des titres des productions de l’époque, Tarantino cite son modèle sans pour autant faire un « simple » remake. Certes, toute l’iconographie du genre est ici présente et digérée par son auteur mais pas seulement. Même si la narration et le traitement sont ici plus classiques, les inspirations sont nombreuses et le mélange des genres une fois de plus bien présent. En habile cinéphile, Tarantino transcende un cinéma confidentiel, mésestimé, et abolit les frontières entre série B et film d’auteur. Il transforme les moments horribles de l’Histoire en des moments de cinéma époustouflants. Son cinéma, moderne, ne cache pas ses inspirations mais les encense et les assume avec brio et audace. Son cinéma est tout-puissant. L’imaginaire et le merveilleux sont légion au dépend de toute réalité historique. L’auteur expose et impose ainsi ses convictions avec pertinence et efficacité.

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Auteur d’une oeuvre ultra-référentielle, Tarantino a déjà emprunté l’esthétique du western dans Kill Bill, et sa filmographie entière est imprégnée des codes du « spaghetti »: Quête de vengeance, personnages en apparences archétypaux se révélant psychologiquement complexes et ambigus,…

Le cinéaste a étudié et analysé l’ouest américain que projette Corbucci dans ses films et notamment le fait que ce soit les « méchants » qui mènent la danse et soient les personnages les plus importants. Ici, c’est un esclave qui devient chasseur de prime. Il s’approprie le genre le plus emblématique du cinéma américain, le western, et permet au personnage de l’esclave noir d’en devenir une icône. Il brise ainsi les tabous du cinéma américain où le thème de la vengeance est presque exclusivement réservé à l’homme blanc. En continuant dans la veine du « revenge movie », on ne peut que constater que Tarantino reste le défenseur des minorités, des laissés pour-compte, des opprimés tant en ce qui concerne ses personnages que dans ses références cinématographiques. Avec un amour, une connaissance et une maîtrise du cinéma qui ne peuvent susciter que l’admiration, il rend hommage aux damnés et fait don au cinéma de films que personne n’ose faire. Irrévérencieux et audacieux.

Avec son sujet, ses personnages, ses situations ou encore ses dialogues, Django Unchained ne se contente pas de remettre à jour le cinéma de genre, il le dynamite ! Avec un enthousiasme communicatif, le réalisateur poursuit les composantes de son cinéma avec son obsession cinéphilique. Il ne laisse rien au hasard. Tout a un sens, une raison d’être. Rien n’est gratuit à commencer par la violence. Sans aucun temps mort, ce film rouge sang est aussi rouge passion. Formidablement rythmé (on ne voit pas passer les 2h45 du film) de duels de regards et de joutes verbales (les dialogues ciselés sont ici succulents), le film impose du lyrisme dans sa violence. Voir le plan où un plan de coton est éclaboussé d’un sang rouge écarlate. L’auteur contient l’horreur par la précision de son cadrage. La fureur des hommes nous est exposée en parallèle de notions comme l’amour, la grâce, l’harmonie, la paix, le bonheur, la beauté, les sentiments,… La toile de fond de l’esclavagisme ne cache pas cette histoire de « chevalier » qui cherche à libérer sa dulcinée. Violent et délicat à la fois, ce film est comme un baiser dans une mare de sang. Exutoire et flamboyante, la séquence finale rappelle quant à elle le cinéma de Sam Peckinpah et nous est proposée comme une expérience de catharsis radicale. Comme le héros du film, le cinéma ici se libère de ses chaînes et se déchaîne. L’esthétisation de la violence tend ici à la déréaliser.

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Les noms des personnages sont également lourds de sens. Le Dr. King Schultz est un clin d’œil à Martin Luther King et évoque le côté démiurge du personnage. Il a droit de vie ou de mort sur les hommes. C’est lui qui brise les chaînes de Django et en fait son disciple, son fils spirituel, avant d’en faire un homme libre. Broomhilda Von Shaft est un clin d’oeil à Shaft, et avec Django, le héros nouvellement libéré de ses chaînes, ils préfigurent la Blaxploitation, genre prisé par Tarantino qui fait donc raisonnance avec les personnages de Pulp Fiction (1994) ou encore  Jackie Brown  (1998). Comme d’habitude chez Tarantino, l’humour et la dérision sont toujours présents. L’auteur joue avec les genres et n’hésite pas une seconde à mêler l’horreur au grotesque pour le plus grand plaisir du spectateur. Pour preuve, la scène du Ku Klux Klan où ses membres n’arrivent pas à ajuster leurs cagoules est véritablement « Monty Pythonesque ». Tarantino théâtralise le réel. Ses personnages, ses situations, ses dialogues et sa mise en scène mettent le spectateur à distance et créent un décalage avec la situation réelle. Il maîtrise donc, détourne et réinvente les codes « classiques » de la dramaturgie.

Au fil de la filmographie de Tarantino, on constate que ce dernier reste fidèle à lui-même et pourtant, qu’il n’a de cesse de se renouveler. Beaucoup de nouveautés sont présentes ici, à commencer par le genre (le western), mais également, le sujet (l’esclavage), les lieux (l’Ouest sauvage) ou même les acteurs (Jamie Foxx et Léonardo DiCaprio). C’est son premier film ici où le paysage joue un rôle aussi important. Il s’essaie même au style de la Show Brothers avec ses effets de zooms rapides et évocateurs (qu’il avait déjà commencé à utiliser dans Kill Bill (2003)) qui lui permettent deux compositions différentes à l’intérieur d’un même plan.

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Dans sa tâche, le metteur en scène est bien évidemment épaulé d’une part par son chef opérateur Robert Richardson (déjà présent sur Kill Bill et Inglourious Basterds) qui, avec une majorité d’extérieur compose une photographie plus naturelle et plus douce, et d’autre part, par ses incroyables comédiens. Samuel L. Jackson est splendide et méconnaissable dans le rôle de Stephen, majordome noir, servile, avide de pouvoir et de puissance, prêt à tout pour sacrifier son prochain afin de servir l’homme blanc. Leonardo DiCaprio exulte dans son rôle de Calvin Candie, ordure raffinée empreint de cruauté perverse. Et enfin, notre couple de héros, Django et le Dr. King Schultz, respectivement incarnés avec talent par Jamie Foxx et Christoph Waltz. Pivot de l’histoire, le Dr. King Schultz est d’une intelligence implacable. Pétillant, vif et pince-sans-rire, il va permettre à Django d’accomplir sa destinée. Manipulateur par le verbe (à une époque où l’on faisait plutôt parler les armes), c’est un chasseur de prime allemand blanc, abolitionniste et rhétoricien, qui va affranchir Django et le libérer dans tous les sens du terme. Il incarne la belle langue, le messager des Lumières de la vieille Europe. Comme dans le western classique, son personnage d’homme plus âgé initie le jeune protagoniste dans une histoire de vengeance. Il est important de constater que les personnages sont tous dépourvus de manichéisme.

Hommage respectueux, maîtrisé et moderne à la fois, Django Unchained dénonce la laideur d’une Amérique raciste avec un savoir faire inouï que l’on ne risque pas de confondre avec le tout-venant du cinéma d’action des studios américains. Avec un vocabulaire visuel, un sens du risque et une imagination sans limite qui lui sont propres, Tarantino, grand metteur en scène autodidacte, condamne l’Amérique de cette époque et cultive l’art de la provocation avec un sens du panache.

Steve Le Nedelec

Django USA

Django Unchained, un film de Quentin Tarantino avec Jaimie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio, Samuel L. Jackson, Franco Nero, Kerry Washington, Quentin Tarantino. Scénario : Quentin Tarantino. Photo : Robert Richardson. Montage : Fred Raskin. Producteurs exécutifs : Shannon McIntosh, Michael Shamberg, Bob Weinstein, Harvey Weinstein. Producteurs : Reginald Hudlin, Pilar Savone, Stacey Sher. Production : The Weinstein Company – Columbia Pictures. Format image : 2,35 :1. Couleur. SDDS. Satasat. Dolby Digital. USA. 2012. 165′. Distribution : Sony Pictures Releasing France. Edition DVD-Blu-ray : Sony Pictures Home Entertainment.