Réalisé en 1973, Cinq jours de révolution ou Cinq jours à Milan (Le Cinque Giornate), avec Adriano Celentano, Enzo Cerusico et Marilu Tolo, raconte les aventures tragi-comiques d’un voleur et d’un boulanger durant l’insurrection milanaise de 1848 contre l’occupation autrichienne.
C’est le réalisateur italien Nanni Loy qui au départ était pressenti pour la réalisation de Le Cinque Giornate, avec le comédien Ugo Tognazzi comme interprète principal. Après qu’ils se soient tous les deux désistés, Dario Argento a pris le projet en main.
Parenthèse pour le moins atypique dans la filmographie du cinéaste qui profite de l’occasion de traiter l’actualité politique du pays en réalisant un film d’époque en costumes. Un film historique et politique qui devait être « son » western « spaghetti », mais dont l’échec cuisant à sa sortie en fait probablement, encore aujourd’hui, l’œuvre la moins connue du cinéaste.
« Avec Les Frissons de l’Angoisse, j’ai rejeté tout le côté rationnel de mes premiers longs-métrages ou du moins, tout ce qui était précis et défini. J’ai commencé à mélanger le récit réaliste et le réel avec le rêve et la fantaisie. » Dario Argento.
En 1975, après le mauvais accueil de son précédent film, le cinéaste décide de revenir au genre qui a fait sa gloire et réalise le film que beaucoup considèrent comme son chef-d’œuvre et le meilleur giallo jamais réalisé, Les Frissons de l’Angoisse (Profondo Rosso) avec David Hemmings, Daria Nicolodi, Gabriele Lavia et Macha Méril.
Marcus Daly, jeune pianiste de jazz, est le témoin impuissant du meurtre d’une medium. Persuadé d’avoir vu un détail primordial dont il ne parvient pas à se souvenir, celui-ci décide de mener sa propre enquête en compagnie de la journaliste Gianna Brezzi et devient lui-même la proie de l’assassin.
Comme dans ses gialli (pluriel de giallo) précédents, on va suivre un personnage qui, comme nous spectateurs du film, se retrouve d’abord spectateur de l’histoire. Le personnage est le témoin impuissant d’un meurtre, ici à travers la fenêtre inaccessible d’un immeuble, mais ne comprend pas ou mal ce qu’il voit ou a cru voir, puis, obsédé par les images qui lui restent en tête, devient acteur de l’histoire pour tenter de décrypter ce dont il a vraiment été témoin et découvrir la vérité. La structure du film et celle de l’histoire, sans oublier le choix de l’interprète principal du film, le comédien David Hemmings, sont ici des références manifestes à Blow Up (1966) de Michelangelo Antonioni. En effet, dans les deux films on suit l’enquête d’un artiste, un photographe chez Antonioni et un pianiste chez Argento, témoin malgré lui d’un meurtre. Les Frissons de l’Angoisse marque évidemment la première collaboration du cinéaste avec la comédienne Daria Nicolodi qui deviendra sa femme, sa muse et la mère de sa fille Asia.
Après trois collaborations fructueuses avec le compositeur Ennio Morricone, Dario Argento souhaite changer de registre musical. Après avoir contacté le groupe Pink Floyd qui était trop occupé à composer son nouvel album Wish You Were Here, Dario Argento a confié le soin de réaliser la bande originale du film à un jeune groupe encore inconnu. Les Frissons de l’Angoisse va marquer le début d’une riche et longue collaboration avec le groupe de rock progressif italien Goblin à la composition des bandes originales de ses films. Des compositions qui restent encore aujourd’hui indissociables des œuvres d’Argento. La bande-son des Frissons de l’Angoisse fait écho à Tubular Bells de Mike Oldfield, musique rendue célèbre par L’Exorciste (1973), chef d’œuvre de William Friedkin, sorti dans les salles en Italie cinq mois avant Les Frissons de l’Angoisse. Le thème musical des Frissons de l’Angoisse a également connu un grand succès atteignant la première position des meilleures ventes d’albums les plus vendus en Italie à l’époque. Les Frissons de l’Angoisse est un film charnière dans la carrière du cinéaste entre ses premières œuvres et la dimension fantastique de ses films suivants.
Enfin, Profondo Rosso, le titre original du film, est le nom de la boutique consacrée au cinéma de genre (horreur, épouvante…) à Rome, tenue par Argento lui-même et son ami, le réalisateur et scénariste italien Luigi Cozzi.
« Le rouge est très lié à mes films, comme dans Profondo Rosso… J’aime toutes les couleurs, le jaune du giallo, le bleu, le noir. Dans Suspiria, j’ai exalté toutes ces couleurs. Chaque couleur a un sens bien propre » Dario Argento.
En 1977, après le succès des Frissons de l’Angoisse, Dario Argento délaisse le giallo et s’engage dans la voie du fantastique avec le très visuel et inventif Suspiria dans lequel Jessica Harper, inoubliable Phoenix dans Phantom of the Paradise (1974) de Brian De Palma, est prisonnière d’une école de danse aux dirigeants maléfiques. Aux côtés de la comédienne, on retrouve au casting Stefania Casini, Flavio Bucci, Miguel Bosé, Alida Valli, Barbara Magnolfi, Joan Bennett ou encore Udo Kier.
Susy Banner, jeune ballerine américaine qui vient d’intégrer une prestigieuse académie de danse à Fribourg, découvre peu à peu que l’école est dirigée par une sorcière, reine de la magie noire, Mater Suspiriorum, la Mère des Soupirs.
Tourné en Technicolor (ou presque) afin de pouvoir effectuer un travail minutieux sur les couleurs primaires, Suspiria est le pivot de la carrière du cinéaste, une fascinante symphonie visuelle, géométrique et haute en couleur, où chaque plan a été conçu et pensé comme une œuvre d’art à part entière. Mélangeant l’univers des contes de Disney et de Grimm avec la violence de l’Exorciste, Suspiria est un puissant cauchemar gothique empreint de multiples références picturales. Les couleurs et la lumière participant à l’identité même du film, le travail effectué sur l’image par le directeur de la photographie, Luciano Tovoli, est tout simplement remarquable. Argento retrouvera Tovoli sur Ténèbres (1982) puis Dracula 3D (2012).
Faisant elle aussi partie intégrante de l’identité de Suspiria, composée par le groupe Goblin, Argento passait la bande originale du film sur le plateau de tournage afin de mettre les comédiens dans l’atmosphère à la fois baroque et ésotérique du film.
Suspiria est le premier volet de sa Trilogie des Trois Mères, ou Trilogie des Enfers : suivront Inferno (1980) et La Terza Madre (2007). Ecrit par Dario Argento et sa compagne, l’actrice Daria Nicolodi, le scénario de Suspiria est inspiré du livre Suspiria de Profundis du britannique Thomas de Quincey dans lequel l’auteur évoque un rêve fait au sujet de trois sœurs funestes : Mater Suspirorum (la Mère des Soupirs), Mater Lacrimarum (la Mère des Pleurs) et Mater Tenebrarum (la Mère des Ténèbres), mais également inspiré à Daria Nicolodi des histoires de sorcières que lui racontait sa grand-mère quand elle était enfant. Suspiria est encore aujourd’hui un des films les plus connus et reconnus de Dario Argento.
Un an après Suspiria, le réalisateur collabore à l’écriture et s’aventure à la production de Zombie (Dawn of the Dead, 1978) de George A. Romero dont il assurera également le montage pour l’exploitation européenne. Dans Zombie on suit un groupe de survivants qui se réfugie dans un centre-commercial abandonné. Alors que la vie s’organise à l’intérieur, la situation empire à l’extérieur. En effet, des morts-vivants assoiffés de sang ont envahi la Terre et se nourrissent de chair humaine.
Puis, toujours dans le genre fantastique, Argento enchaîne en réalisant Inferno en 1980 dans lequel on quitte la « forêt noire » de Suspiria pour rejoindre les bas-fonds de Manhattan à New York et rencontrer Mater Tenebrarum. A l’affiche d’Inferno on retrouve Irene Miracle, Leigh McCloskey, Eleonora Giorgi, Sacha Pitoeff, Daria Nicolodi, Alida Valli et Gabriele Lavia.
Rose vient de s’installer dans un luxueux immeuble new-yorkais et apprend que l’architecte l’a conçu pour abriter l’une des trois sorcières qui gouvernent le monde.
Deuxième volet de sa Trilogie des Trois Mères, ou Trilogie des Enfers, Inferno est une nouvelle symphonie visuelle onirique hallucinante. Inferno est un conte de fées aux pays des forces occultes qui n’est pas sans rappeler La Belle au bois dormant et où, sous l’influence de Mario Bava, les couleurs vives de Suspiria vont laisser la place à des couleurs roses et bleus plus douces. Pour composer la bande originale d’Inferno, Argento fera appel au musicien Keith Emerson.
Steve Le Nedelec
Dario Argento
Rétrospective intégrale à la Cinémathèque française du 06 au 31 juillet 2022.
Une réflexion au sujet de « Dario Argento (II) 1973 – 1980 »
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