Vieux cow-boy, ex-champion de rodéo, Mike Milo (Clint Eastwood) est enroulé par Howard Polk (Howard Polk) afin de récupérer son fils, Rafo (Eduardo Minett), au Mexique. Milo, homme d’honneur, a une dette envers Polk. Il accepte. Au Mexique, il rencontre la mère, (Fernanda Urrejola), femme riche, manipulatrice et perverse. Elle le met sur la piste de son fils. Mike le retrouve dans un combat clandestin de coq. Rufo coach son coq : Macho…
Cry Macho traîne depuis des lustres sur les étagères. Ecrit par le dramaturge N. Richard Nash, au début des années 70, son scénario est refusé par les studios. Nash ne se décourage pas et le transforme en roman. En 1975, il est publié et les studios s’intéressent au roman. Nash leur vend les droits et le scénario d’origine « sans en modifier une ligne » autrefois rejetée, « qu’ils adorent » selon les propos de l’auteur. Pourtant, plusieurs tentatives de le porter à l’écran échouent. Clint Eastwood s’y intéresse et pense à Robert Mitchum pour le rôle principal, se trouvant alors trop jeune pour incarner Milo. Rendez-vous manqué, hélas. Eastwood y renonce pour se consacrer à l’oubliable Dernière cible (The Dead Pool) réalisé par Buddy Van Horn, dernier film de la série de l’Inspecteur Harry, en 1988. Arnold Schwarzenegger avait à son tour envisagé d’incarner Milo pour son retour au cinéma, après son mandat de gouverneur de Californie. Il abandonne à son tour. N. Richard Nash, qui a derrière lui une longue carrière de pièce de théâtre et quelques scénarios, décède en 2000 à 87 ans, sans que son scénario de Cry Macho se métamorphose en film. Le projet était resté dans la mémoire d’Eastwood. Nick Schenk, un fidèle d’Eastwood (Gran Torino, La Mule) retravaille le scénario de N. Richard Nash. L’âge étant cette fois-ci plus avancé que celle de Milo, son quotidien dans la première version devient dans le film son passé (l’alcoolisme, les médocs, la disparition de sa femme et de son fils).
Les longueurs mélancoliques, l’impression dont quoi qu’il arrive, au bout du chemin, le désert, la fin, d’une époque, d’une vie. Rien de plus qu’un léger vent de sable, ainsi s’envole un destin de cow-boy regard perdu sur une frontière toujours à conquérir. Cry Macho est viscéralement un western. Chaque plan rappelle les heures anciennes du genre (ses ouvertures de porte sur le paysage, les coucher de soleil, etc.). L’action se déroule dans des espaces au grandiose éteint des heures de gloire passées. Paysages désolés, vieilles cabanes, carcasses de voitures. Le destin tracé d’un cow-boy, partir toujours, ne jamais s’attacher, et pourtant Milo, va revenir, décidé de finir sa vie avec une femme, dernier amour partagé, dans un restaurant d’un autre temps. Plan final, court, superbe, sans aucun sentimentalisme. Adieu de l’acteur à son public dans les bras d’une femme dans un dernier pas de danse. Un plan sans regret, mais la fierté d’une vie.
Les valeurs de l’Ouest, de l’homme valeureux et juste sont tatouées au fer sur ses flancs. Un dernier voyage, un dernier travail, il ne s’agit plus de convoyer du bétail, mais de récupérer un enfant, mi-mexicain, mi-américain. Un dernier voyage de l’autre côté de la frontière, nous sommes en 1980, déjà dans une période si loin et si proche. Eastwood nous raconte l’histoire de Milo, mort depuis longtemps. Simple héros, même s’il reconnaît « que monter de chevaux et des vaches et se retrouver 20 m dans les airs, n’a rien d’héroïque ». Dans le regard de Rafo, il est un exemple, de courage, de masculinité. Mais l’homme n’est pas un coq, il se construit une morale, libre et sans jugement à l’emporte-pièce, parce qu’avec l’âge, on se rend compte que l’on ne sait rien. Reste l’amour, toujours possible. A chacun de construire sa vie, Milo laisse à la frontière Rufo, à lui de choisir (sa mère est une horreur, son père, une pourriture).
Clint Eastwood travaille pour la première fois avec Ben Davis, directeur de la photographie anglais. Changement de cap pour Davis spécialisé depuis quelques années dans les productions Disney/Marvel à gros effets spéciaux (Les Gardiens de la Galaxies, Avengers : l’Ere d’Ultron, Doctor Strange, Capitain Marvel, Dumbo, Les Eternels). Davis retourne vers une image naturaliste, la lumière définit les personnages et les enlace dans la continuité du travail d’Eastwood avec Bruce Surtess, Jack N. Green et Tom Stern. Encore une fois, la bande sonore, est formidable, elle rythme, lie les scènes, accompagne et souligne avec finesse et justesse.
Cry Macho marque le retour de Clint Eastwood à un cinéma de pure fiction. Il quitte ce qui l’a passionné ces dernières années, les histoires vraies avec son interrogation passionnante sur la place des héros en Occident. La figure du héros est toujours présente Cry Macho, mais il est vieux et le corps accuse l’âge d’Eastwood. Road Movie (comme il les affectionne) avec ses rencontres improbables (la mère de Rufo), sa filiation contrariée puis retrouvée (avec un fils de substitution) et dernière esquisse d’un amour en marge de la société. Les thèmes du cinéaste sont bien là. Sens inné du rythme, mais fébrilité de l’interprétation, moments qu’Eastwood conserve comme pour montrer les faiblesses humaines.
Eastwood ne cherche pas à maquiller, à embellir. Le film a un aspect « première prise » ce qui ajoute une authenticité dans le jeu, comme s’il n’y avait plus de retour en arrière possible. Comme si Eastwood recherchait ses petits instants d’hésitation, de pas maladroit et mal assuré. Cry Macho n’est pas un film d’action violente ce qu’il aurait pu très facilement devenir avec un acteur plus jeune. C’est donc volontairement qu’Eastwood a orienté son film vers une autre rive, quitte à se lancer dans des séquences aux limites de l’irréalisme (la scène dans la chambre avec la mère). L’enjeu n’est pas là, Eastwood saute de séquence en séquence, éliminant tout ce qui entre dans la mécanique scénaristique traditionnelle. Les événements arrivent.
Cry Macho n’est ni un grand film, ni un grand Eastwood, mais un film en point de suspension, un arrêt du temps avec ses soubresauts, ses hésitations et sa dévotion au cinéma. Un adieu du cinéaste à l’acteur, simplement.
Fernand Garcia
Cry Macho un film de et avec Clint Eastwood et Eduardo Minett, Fernanda Urrejola, Natalia Traven, Dwight Yoakam, Daniel V. Graulau, Amber Lynn Ashley, Brytnee Ratledge, Alexandra Ruddy… Scénario : Nick Schenk et N. Richard Nash d’après son roman. Directeur de la photographie : Ben Davis. Décors : Ronald R. Reiss. Costumes : Deborah Hopper. Montage : David S. Cox et Joel Cox. Musique : Mark Mancina. Producteurs : Clint Eastwood, Jessica Meier, Tim Moore et Albert S. Ruddy. Production : Malpaso Productions – Ruddy Productions – Warner Bros. Distribution (France) : Warner Bros. (sortie : le 10 novembre 2021). Etats-Unis. 2021. 104 minutes. Couleur. Format image : 2,39 :1. Dolby Digital. Tous Publics.