Réforme du « moins de 18 ans » : peut mieux faire !
Si le nouveau critère de « trouble grave » met fin au business de Promouvoir, et autorisent les scènes de sexe aux moins de 16 ans, les scènes jugées violentes resteront sévèrement réprimées
Dans une tribune parue dans Libération en janvier dernier, le réalisateur Hervé Bérard dénonçait la censure insupportable provoquée par « le moins de 18 ans » et attirait l’attention sur l’apparition de nouveaux critères du décret réformant l’interdiction des films aux mineurs. (1)
Paru au Journal officiel du 9 Février 2017, ce décret modifie l’article R211-12 du Code du cinéma qui entraînait une interdiction automatique d’un film aux moins de 18 ans lorsque celui-ci « comporte des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence ». (2)
Le nouveau dispositif réglementaire autorise désormais que des œuvres comme Love de Gaspar Noé, soient classées « moins de 16 ans » comme l’avait d’ailleurs préconisé par deux fois la Commission de Classification. Un juste retour des choses, rappelons que l’Empire des sens est classé « moins de 16 ans » depuis déjà 17 ans sans que cela pose le moindre problème.
La principale astuce de cette réforme est d’avoir supprimé la notion de « scènes de sexe non simulé » qui rendait juridiquement obligatoire l’interdiction du film aux mineurs.
Le nouveau décret prévoit désormais que : « lorsque l’œuvre ou le document comporte des scènes de sexe ou de grande violence qui sont de nature, en particulier par leur accumulation, à troubler gravement la sensibilité des mineurs, à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser« , elle doit être interdite aux moins de 18 ans ou classé X. Et si « le parti pris esthétique ou le procédé narratif sur lequel repose l’œuvre ou le document » le justifie, « le visa d’exploitation peut n’être accompagné que d’une interdiction aux moins de 18 ans. »
En faisant disparaître la notion de « sexe non simulé« , principal critère sur lequel s’appuyait André Bonnet et Promouvoir pour leurs recours judiciaires, avec la nouvelle notion de simple « scène de sexe » mais de nature « à troubler gravement la sensibilité des mineurs » il leur sera désormais très difficile de réclamer auprès des juges des rehaussements de classement moins de 16 ans en moins de 18 ans, avec la seul notion du « trouble grave« .
Autre galère pour Promouvoir, le décret réorganise les règles de compétences s’agissant de la contestation des décisions prises par la commission. Désormais, ce n’est plus le Tribunal administratif qui doit être saisi, la Cour administrative d’appel de Paris sera compétente en premier et dernier ressort, le pourvoi en cassation devant le Conseil d’État étant ensuite toujours possible. Ce changement de juridiction devrait permettre de frapper enfin au portefeuille les plaignants. Obligeant aussi à freiner les ardeurs de Promouvoir, mais rien n’est moins sûr avec les censeurs qui osent tout.
Si l’objectif principal de la réforme est de mettre un terme aux recours judiciaires de l’association d’extrême droite Promouvoir, d’autoriser le sexe aux adolescents, elle reste intraitable concernant les scènes jugées violentes.
Ces nouveaux critères vides de sens et totalement subjectives, « troubler gravement la sensibilité des mineurs, à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser » n’augurent rien de bon pour les films horrifiques comme les deux Saw 3 et Saw 3D Chapitre final qui continueront à être censurés aux moins de 18 ans.
Au vue de ces nouveaux critères, le documentaire Salafistes sur lequel doit prochainement statuer le Conseil d’État, on ose espérer qu’il pourra échapper définitivement à l’interdiction aux moins de 18 ans.
August Tino