Le cinéma indien fête cette année son centième anniversaire avec un hommage au Festival de Cannes. L’Inde est depuis de nombreuses années le plus grand producteur de films au monde et représente à lui seul 50% des entrées mondiales. Sur les 7 milliards de spectateurs se rendant annuellement en salles, 3,5 milliards sont indien. Voici dans les grandes lignes, un petit tour d’horizon d’une cinématographie qui réserve encore beaucoup de surprises.
Au début du siècle dernier, les premiers films tournés en Inde sont l’œuvre des opérateurs français de la société Pathé. La succursale de la société française était installée à Bombay. Mais le père du cinéma indien est le photographe-imprimeur Dhundiraj Govind Phalke (Dadasaaheb Phalke), il tourne son premier long-métrage en 1912, l’adaptation d’un épisode du Mahabharat, Raja Harishchandra. Le 3 mai 1913, il le présente son film au Coronation Theatre de Bombay, donnant ainsi officiellement naissance au cinéma indien. L’énorme succès du film lui permet de créer l’Hindustan Film Company. Il investit les recettes du film dans la construction d’un studio dans la région de Bombay. Et sur le modèle hollywoodien engage acteurs (les rôles féminins étant tenus par des hommes grimés) et techniciens. Dhundiraj Govind Phalke est un auteur complet, il écrit, réalise, photographie et produit ses films. Il est issu de la haute caste des brahmanes et réalise au court de sa carrière une bonne soixantaine de films dont Kaliya Mardan (L’enfance de Krishna, 1919). Il décède en 1944 à l’âge de 73 ans.
Très vite d’autres structures de productions se mettent en place et le nombre de films augmente d’année en année.
Un autre grand pionnier de l’industrie cinématographique indienne est D.N. Sampat.
Les films sont généralement des adaptations de classiques de la littérature, du théâtre ou des épopées issues de la mythologie. Les humains et entités divines se mêlent dans le cinéma indien mais esthétiquement il est très influencé par Hollywood. Et ce n’est pas un hasard si le premier film indien parlant (en hindi) Alam Ara (1931) est fortement inspiré par la comédie musicale américaine Show Boat (1930). Le succès du film de Ardeshir Irani est phénoménal, sortie au Majestic Cinéma de Bombay, le 14 mars 1931, l’engouement du public est tel que les places se négocient au marché noir jusqu’à cent fois leur prix ! Shirin Farhad, le second film parlant et chantant, quelques quarante-deux chansons au compteur d’après Sadoul, confirme l’intérêt du public pour le parlant.
Même si l’hindi est la langue fédérale, l’Inde est un pays où l’on compte 850 langues et de dialectes, et le parlant permet le développement de sociétés de production utilisant pour leurs films d’autres langues. Bombay, Poona et Kholapur pour les films en hindi, marhatte et guyerati, Calcutta, pour les films en bengali, Madras pour les films en tamil, telegu, malayalam…
Fondée en 1929 par cinq cinéastes, la Prabhat Film Company va mettre en place dans ses studios de Bombay d’ambitieuses productions. Ayodhyecha Raja (1932) premier rôle important tenue par une femme, en l’occurrence Durga Khota, dans un film parlant. Mais c’est en 1913 dans le film Mohini Bhasmasur qu’une actrice, Kamala, tenait le rôle principal. Il était jusque-là interdit, par coutume, aux femmes d’interpréter des personnages.
La renommée du cinéma gagne en notoriété avec la sélection à la Mostra de Venise de Sita en 1934, Amar Jyoti (La flamme immortelle) 1936, de Duniya Na Mane et Sant Tukaram 1937 et de Admi en 1939. Le premier film en couleurs, Kisan Kanya voit le jour en 1937 !
Autre film important Devdas de P.C. Barua en 1937, aborde de façon réaliste l’Inde contemporaine. Cette histoire d’amour entre deux personnages issus de castes différentes, adaptation d’un roman de Sarat Chandra Chatterjee, connaitra plusieurs adaptations cinématographiques dont deux par Barua.
Face à un cinéma « commercial » extrêmement codifié de Bombay ou Madras apparait un cinéma à fortes préoccupations sociales. Mais la censure britannique veille. Toute allusion négative à la présence coloniale britannique est censurée. Ghandi et Nehru sont emprisonnés. Durant la Seconde Guerre Mondiale, Calcutta est bombardée deux fois par les Japonais. La famine ravage les populations bengalies. Le 15 août 1947, l’Inde accède à l’indépendance et la partition du pays crée l’Etat du Pakistan pour la population musulmane. Entraînant un important déplacement de population.
D’autres œuvres importantes :
Veer Abhimanyu de Ardeshir Irani (1922)
Puran Baghal de Debaki Bose (1933)
Padosi (Les voisins, 1941) et Dr. Kotnis Ki Amar Kahani (Le docteur Kotnis, 1946) de V. Shantaram
Hamrahi de Bimal Roy (1945)
Dharti Khe Lal (Les enfants de la terre, 1946) de K. A. Abbas
Fernand Garcia