1946, Indochine. Dans un camp militaire français, les soldats jouent au ping-pong tandis que l’on torture une jeune Vietnamienne, Thi. Philippe, un jeune soldat, supporte mal ce qui se déroule sous ses yeux. Durant la nuit, il libère Thi et il la suit dans la jungle, car pour lui, il est désormais impossible de rester au camp…
Ciel rouge est le premier film d’Olivier Lorelle que l’on connaissait comme scénariste, souvenons-nous d’Indigènes (2006) et de sa suite Hors-la-loi (2010), deux des meilleurs films de Rachid Bouchareb. On retrouve dans Ciel rouge toutes ses qualités de scénariste, cette manière d’aborder frontalement son sujet et de renouer avec un cinéma épique et romanesque des années 50/60. En tant que cinéaste, Lorelle poursuit dans cette veine de cinéma fondamentalement populaire, récit linéaire en trois parties, dont la lecture au premier degré cache une réflexion plus profonde sur la condition humaine.
L’introduction met immédiatement en place les enjeux du film, la guerre avec la torture qui salit ceux qui la pratiquent, l’armée qui l’autorise et l’État qui ferme les yeux. La prise de conscience d’un jeune homme qui voit s’envoler dans les cris de la Vietminh ses dernières illusions. La première partie est alors un long cheminement dans la jungle et dans les sentiments. Petit à petit, Philippe et Thi s’apprivoisent l’un l’autre. Le soldat français s’enfonce dans l’inconnu, sans espoir de retour au contraire de Thi qui poursuit un but, noble – la liberté pour son peuple.
Chemin chaotique, confrontation brutale, mais dans leur progression, ils se découvrent, et plus ils avancent, plus ils entrent dans l’intime, dans leurs histoires, leurs passés, et plus la guerre semble s’éloigner. Se connaître mutuellement, s’accepter avec ses différences, sa vision du monde, sa culture, finit par fissurer le mur d’aprioris et de haine qui les entourent. Belle et noble idée qui à aucun moment ne sombre dans la niaiserie en grande partie grâce aux choix de mise en scène d’Olivier Lorelle où tout passe par le mouvement : des corps et de la caméra.
La deuxième partie s’attache à l’expression d’un amour aussi surprenant que réel entre Philippe et Thi. C’est pour le jeune français la découverte de la femme. C’est pour Thi la découverte d’un impossible amour pour celui qui représente l’ennemi. Ils vont pourtant laisser libre cours à leurs sentiments, l’espace d’une parenthèse enchantée, isolé du monde. Lorelle joue alors la carte de l’exotisme, ne reculant devant aucune image d’Epinal, c’est subitement Paul et Virginie de retour dans un paradis perdu. C’est pour le moins surprenant et déroutant.
La dernière partie est un retour à la réalité, à la 317e section pour faire court. Philippe se retrouve dans le camp adverse, lui qui déteste la guerre. Mine de rien, c’est assez gonflé. L’histoire rattrape les petites gens, et la tragédie reprend ses droits pour un très beau final.
Ciel rouge est pour le moins un premier film atypique dans le cinéma actuel. Les deux acteurs, Cyril Descours et Audrey Giacomini, à l’écran tout le long de l’histoire, sont parfaitement justes dans leurs compositions respectives. Cyril Descours semble tout droit sorti d’un petit village de France et Audrey Giacomini apporte à son personnage une dureté, une sensualité et une ambiguïté qui traduisent parfaitement la fascination qu’exerce aujourd’hui encore le Vietnam dans l’imaginaire collectif. Olivier Lorelle en utilisant une trame en apparence des plus simples réussit à laisser une vraie trace dans la mémoire du spectateur.
Fernand Garcia
Ciel rouge un film d’Olivier Lorelle avec Audrey Giacomini, Cyril Descours… scénario : Olivier Lorelle. Image : Jean-Marc Bouzou et Yvan Quéhec. Décors : Truong Trung Dao. Son Arnaud Soulier. Montage : Cécile Dubois. Montage son et mixage : Mikaël Barre. Producteurs : Anne-Cécile Berthomeau et Edouard Mauriat. Production : Mille et une productions. Distribution (France) : Jour 2 fête (sortie le 23 août 2017). France. 2017. 91 minutes. Couleur. Format image : 2,35 :1 Scope. Tous Publics.