Jeudi 16 avril 2015, Thierry Frémaux après une introduction du nouveau président, Pierre Lescure, a levé le voile sur une partie de la sélection du 68e Festival de Cannes. En voici la liste avec nos appréciations forcément subjectives.
En Compétition
Carol de l’américain Todd Haynes, découvert avec Poison d’après Jean Genet (1991) et Safe (1995), mais son Velvet Goldmine largement inspiré de David Bowie et du Glam rock, présenté en compétition en 1998, déçut tout comme dans une moindre mesure I’m Not There (2007) sur Bob Dylan. C’est dans le mélo qu’il connaît ses plus belles réussites, Loin du paradis (2002) et Mildred Pierce (2011). Carol est l’adaptation de Les Eaux dérobées/Carol de Patricia Highsmith sur une relation lesbienne avec Cate Blanchett et Rooney Mara.
Dheepan, l’homme qui n’aimait plus la guerre, le nouveau film de Jacques Audiard, justifie à lui seul le reste de la sélection française. Après l’inégale De rouille et d’os plombé par une interprétation chaotique (Marion Cotillard) voire amateur (Corinne Masiero) c’est sans vedette qu’Audiard revient sur la Croisette, un bon signe.
Le Fils de Saul (Saul Fia), premier film d’un jeune cinéaste hongrois László Nemes, assistant un temps de Bela Tarr. La vie d’un Sonderkommando dans un camp d’extermination. Le « choix » de la compétition officielle pour un premier film s’avère souvent peu judicieux. Ainsi les accueils terribles et injustes de Sweetie de Jane Campion, hué pendant de longues minutes, idem pour Michael de Markus Schleinzer et Sleeping Beauty de Julia Leigh. Tous les espoirs sont permis…
Il Racconto dei Racconti (Le Conte des contes) de l’italien Mattéo Garrone, deux fois Grand prix pour Gomorra, un sous-Rosi, surestimé et Reality, un retour à la comédie italienne, sous-estimé. Coproduction internationale en anglais avec Salma Hayek, John C. Reilly, Vincent Cassel et Stacy Martin. Le film est coproduit par Jeremy Thomas (Le dernier empereur, Crash…) ce qui est en soi un gage de qualité.
La Loi du marché, première participation de Stéphane Brizé à la compétition. Auteur de Le bleu des villes, Entre adultes, Mademoiselle Chambon, Quelques heures de printemps, films sans grand intérêt à nos yeux. Vincent Lindon incarne un chômeur en pleine reconversion, une petite surprise est toujours possible.
Louder than Bombs, le norvégien Joachim Trier devait être dans le viseur du délégué après le triomphe critique d’Oslo, 31 août. Son nouveau film réunit un casting international, Jesse Eisenberg, Isabelle Huppert, Gabriel Byrne et David Strathairn. Confirmera-t-il les espoirs suscités par son précédent film ? Rien n’est moins sûr.
Macbeth de l’australien Justin Kurzel, découvert avec l’hyperréaliste et violent Les Crimes de Snowtown, il s’attaque ici à Macbeth après (entre autres) Kurosawa, Welles, et Polanski, ce qui n’est pas une mince affaire. Michael Fassbender en Macbeth, pas de problème, mais Marion Cotillard en Lady Macbeth… le bénéfice du doute…
Marguerite et Julien, après le triomphe auprès de la critique française du surestimé La guerre est déclarée et le pitoyable Main dans la main, le quatrième film de Valérie Donzelli se retrouve donc en compétition. Reprise d’un scénario de Jean Gruault destiné à en son temps à François Truffaut sur des amours incestueuses. Ce dont nous sommes sûrs c’est que le film aura au moins une structure dramatique pour le reste nous restons sceptiques…
Mia Madre de Nanni Moretti, Palme d’or pour son film le plus convenu, La chambre du fils en 2001 (l’année de Mulholland Drive), président du jury pour un excellent palmarès en 2012 (Amour, La Chasse, Au-delà des collines, Post Tenebras Lux) oubliant au passage de faire plaisir à la presse (Holy Motors, Mud, De rouille et d’os). Mai Madre marque le retour de Moretti en compétition quatre ans après Habemus Papam. On retrouve à ses côtés, la superbe Margherita Buy et John Turturro.
Mon Roi de Maïwenn avec Emmanuelle Bercot (réalisatrice du film d’ouverture), Vincent Cassel, Louis Garrel et Isild Le Besco, le film s’annonce comme une histoire d’amour. Prix du jury pour le guignolesque Polisse en 2011, Mon Roi est coécrit par Etienne Comar (Des dieux et des hommes) c’est dire que notre attente pour ce film est proche du zéro absolu.
Mountains May Depart (Shan He Gu Ren) du chinois Jia Zhangke, retour sur les marches du Palais d’un des grands noms du cinéma mondiale. Un prétendant d’envergure à la Palme d’or deux ans après Touch of Sin, prix du scénario.
Notre petite sœur (Umamachi Diary) de Kore-eda Hirokazu. Retour en compétition du cinéaste japonais, souvent mal considéré par la presse, ses films n’en demeure pas moins remarquables et d’une grande cohérence thématique. Un vrai candidat à la Palme d’or. Prix du jury en 2013 pour Tel père, tel fils.
Sicario du québécois Denis Villeneuve, repéré dès ses premiers courts métrages, il remporte même le Grand Prix du court-métrage de la Semaine de la Critique avec Next Floor, il accède à une reconnaissance internationale avec Incendies d’après Wajdi Mouawad. Depuis ce succès, il est une sorte d’auteur du cinéma mainstream (Prisoners, Enemy), il devrait assurer la réalisation de la suite de Blade Runner avec Harrison Ford et Ryan Gosling. Avec ce film de SF, Denis Villeneuve poursuit dans la veine de thriller avec en tête d’affiche Benicio Del Toro, Emily Blunt et Josh Brolin.
The Assassin (Nie Yinniang) film attendu depuis des années de Hou Hsiao Hsien, l’un des candidats sérieux à la Palme d’Or pour ce qui s’annonce comme le film le plus « grand public » de l’auteur de Millennium Mambo. Hou Hsiao Hsien avait obtenu en 1993 le Prix du jury pour Le Maître des marionnettes.
The Lobster du grecque Yorgos Lanthimos. Après les formidables, Canine et Alps c’est avec impatience que nous attendons son nouveau film. Espérons qu’il ne perde son talent dans cette production internationale avec Colin Farrell, Rachel Weisz, John C. Reilly, et l’incontournable Léa Seydoux. Premier film grec en compétition depuis… Angelopoulos !
The Sea of Trees de Gus van Sant, belle Palme d’or pour Elephant, van Sant est un cinéaste à l’œuvre riche, diverse et passionnante. Sa dernière participation au Festival remonte à Paranoid Park en 2007 où il avait obtenu le Prix spécial du 60e anniversaire.
Youth, septième film de Paolo Sorrentino et cinquième en compétition ! Soutenu par le délégué général, Sorrentino vise, film après film, la Palme et rien d’autre. Cinéaste de l’esbroufe sans réel style, il propose après sa Dolce Vita aux petits pieds, La Grande Bellezza, un Youth, opus sur la vieillesse à vocation internationale avec Michael Caine et Harvey Keitel. La consécration, enfin ?
Le jury du 68e Festival de Cannes est sous la présidence des cinéastes américains Joel et Ethan Coen.