1886, Nouveau Mexique. Le grand Geronimo s’avance vers les tuniques bleues, il porte le calumet de la paix, entourée de deux chefs indiens dont l’un porte un drapeau blanc. C’est la capitulation de Geronimo et du peuple indien. Un Indien ne s’avoue pas vaincu, c’est Massai. Il tire sur le drapeau blanc et poursuit le combat tout seul. Il refuse de quitter la terre de ses ancêtres et d’être expédié comme du bétail en Floride. Capturé, Massai est – comme Geronimo et les autres guerriers – déporté à Fort Marion. Un long voyage en train débute pour les Indiens. A un arrêt, Massai prend la fuite…
Il est toujours agréable de redécouvrir les films de Robert Aldrich, de ressentir ce frisson de subversion, du rentre-dedans qui les parcourent. Bronco Apache est la troisième réalisation de Robert Aldrich, elle suit The Big Leaguer (1953) et Alerte à Singapour (1954) où se trouve déjà en gestation sa volonté de prendre ses distances avec les conventions hollywoodiennes. Bronco Apache est un projet que Robert Aldrich a eu longtemps en commun avec Joseph Losey (dont il fut l’assistant-réalisateur). Il est l’un des rares westerns de l’époque à prendre ouvertement faits et causes pour les Indiens. Contrairement à deux films qui lui sont postérieurs, La Porte du diable (Devil’s Doorway, 1950) d’Anthony Mann et La Flèche brisée (Broken Arrow, 1950) de Delmer Daves qui militaient pour la reconnaissance du peuple indien, Aldrich présente un Indien, Massai, en lutte contre les visages pâles mais aussi contre son propre peuple. Massai est un rebelle qui n’accepte pas la capitulation de son peuple. Le nouveau monde de l’homme blanc est celui de la ségrégation. Une séquence est à ce titre emblématique. Massai « libre » marche dans les rues de Saint-Louis, il découvre la vie nocturne trépidante d’une ville « nouvelle », ses attractions, ses boutiques, ses restaurants avec ses gens embourgeoisés mais aussi ses mendiants et la manière dont sont traités les moins que rien, le bas peuple, les pauvres, les noirs, les Chinois, relégués au bas de l’échelle sociale. Devant une banque un roquet s’en prend à Massai. Repéré par la population comme Indien, s’organise aussitôt une chasse à l’homme. Un Indien vaut moins qu’un chien. Le racisme imprègne cette société moderne. Massai n’est pour les blancs qu’« un Apache indompté ».
Massai est un guerrier en colère et un rebelle qui veut vivre la tête haute sans faire le moindre compromis. Cela va s’avérer impossible. Il n’accepte rien qui puisse empiéter sur sa liberté. Il se retrouve confronté à des Indiens sédentarisés devenus agriculteurs ou au service des pires esclavagistes comme Hondo (Charles Bronson). Bronco Apache est un western violent, les rapports entre les personnages sont tendus, la trahison et la fausseté mènent le jeu.
Massai est un rock, nourri des traditions. Le plus détonnant concerne ses rapports avec les femmes et plus particulièrement avec Nalinle (Jean Peters, excellente). Elle le suit, alors qu’il la maltraite avec un sadisme assez inédit pour l’époque. Il la frappe, l’abandonne attachée par les pieds à un arbre au bord d’un lac sans qu’elle puisse atteindre l’eau. Il la laisse mourir ainsi sous un soleil de plomb. Si Massai est le héros, Aldrich donne raison à l’Indienne, elle représente l’avenir. Massai ne se bat que pour lui, Nalinle épouse la cause du peuple indien. C’est elle qui va donner un sens à la vie de Massai. Rien d’étonnant donc à ce que Robert Aldrich termine d’une manière très symbolique en effectuant un parallèle entre la terre où le blé pousse et la fécondité de Nalinle.
United Artists impose à Aldrich et à Lancaster une fin différente de celle prévue : Hondo tue Massai d’une balle dans le dos, alors qu’il se dirigeait vers la maison au son des premiers cris de son bébé. La fin retenue laisse Massai en vie pour un Happy End hollywoodien. Bronco Apache est un succès qui lance la carrière de Robert Aldrich. Le duo Aldrich – Lancaster enchaîne aussitôt le mythique Vera Cruz avec Gary Cooper. En 1973, Burt Lancaster et Robert Aldrich abordent de manière différente l’histoire d’un Indien rebelle, plus réaliste et moins sentimentale, avec l’extraordinaire Fureur Apache (Ulzana’s Raid).
Bronco Apache tient particulièrement bien l’épreuve du temps. L’un des grands classiques du western dont la mise en scène toujours aussi épatante reste d’une modernité absolue.
Fernand Garcia
Bronco Apache est édité dans la collection Western de Légende par Sidonis / Calysta (Combo DVD- Blu-ray). Des compléments passionnants accompagnent le film. Deux présentations : Bertrand Tavernier pour un très bel éloge de Robert Aldrich, un véritable homme de gauche et un homme en colère (26 minutes) et par Patrick Brion, qui, comme à son habitude, revient sur l’année de sortie de Branco Apache 1954. Puis, il évoque le film d’Aldrich, un western totalement atypique (13 minutes). Un documentaire TV : Burt Lancaster : Un doux parfum de succès, portrait de l’acteur « Un prototype de l’acteur moderne » par ses amis (Sidney Pollack, James Hill, Virginia Mayo, Ted Post…) et biographes (49 minutes) et enfin la bande-annonce américaine.
Bronco Apache (Apache) un film de Robert Aldrich avec Burt Lancaster, Jean Peters, John McIntire, Charles (Bronson) Buchinsky, John Dehner, Paul Guilfoyle, Ian MacDonald, Walter Sande… Scénario : James R. Webb d’après Bronco Apache de Paul I. Wellman. Directeur de la photographie : Ernest Laszlo. Consultant Technicolor : Leonard Doss. Direction artistique : Nicolai Remisoff. Costumes : Norma. Musique : David Raksin. Production : Harold Hecht. Production : Hecht-Lancaster – Linden Production International – United Artists. Etats-Unis. 1954. 83 minutes. Technicolor. Format image : 1,33 :1 recadré au format 1,77. HD. VF et VOSTF Master audio DTS-HD. Tous Publics.