Noces de Sang en 1981 aura donc été un tournant dans la carrière de Carlos Saura. Ce film court, un peu plus de 70 minutes, sur une magnifique chorégraphie d’Antonio Gades, célèbre tout à la fois l’art populaire du flamenco et de la poésie de Federico Garcia Lorca. Le film s’inscrit en droite ligne dans ce qui fait toute la force du cinéma de Saura, la dénonciation des horreurs du franquisme. L’auteur de Cria Cuervos va poursuivre dans cet espace du film musical, avec Carmen (1983) et L’Amour sorcier (El Amor brujo, 1986), derniers films de sa trilogie Flamenca tout en poursuivant son œuvre de fiction. C’est à partir de Flamenco en 1995 que Carlos Saura va se consacrer quasi exclusivement au film musical et à des formes de musique et de danse populaire. Saura va développer de film en film une manière de filmer: en studio avec une grande stylisation des décors, la danse et la musique. Travail précieux sur des arts populaires: le flamenco, le tango, le fado, le folklore argentin et désormais, la jota.
La jota est une danse née dans le Rio de la Plata dans le nord de l’Espagne (Aragon, Navarre) aux environs du XVIIIe siècle. La jota est jouée et chantée de manière spécifique dans chaque province espagnole. On en trouve aussi des variantes hors d’Espagne, en Amérique latine et aux Philippines. La jota est avant tout une danse de couple que l’on pratique seul ou en groupe. La jota a traversé les siècles, s’est transformée et est restée toujours aussi vivante.
Avec Beyond Flamenco, Carlos Saura retrouve une authenticité que l’on avait quelques peu perdue avec ses derniers films. Le procédé qu’il avait mis en place avait fini par l’engloutir aboutissant à une performance technique si présente, que Saura finissait par filmer l’appareil de tournage. Rien de cela dans son nouvel opus. Montage rigoureux, position de caméra impeccable, jeux de lumière magnifiques, prise de son directe impressionnante et enchaînements superbes – Beyond Flamenco est une des plus belles réussites de Saura. Un plaisir de chaque instant pour le spectateur. La maîtrise de Saura est ici sans failles. Quelques performances sont bluffantes dont celle d’un unique danseur avec comme unique accompagnement un violoncelliste. Un grand moment d’émotion est le splendide hommage à Jose Antonio Labordet. Sur son texte déchirant et sublime Rosa, Rosae défilent des images saisissantes de la guerre civile. Un moment magique d’une force d’évocation inouïe qui à lui seul mérite le détour.
La jota ne pouvait espérer meilleur écrin que celui que lui offre Carlos Saura.
Fernand Garcia
Beyond Flamenco (Jota) un film de Carlos Saura avec Miguel Angel Bernal, Sara Baras, Ara Malikian, Carlos Nuñez, Giovanni Solima, Juan Manuel Cañizares, Enrique Sonilis… Image : Paco Belda. Son : Kike Cruz et Jesus Espada. Montage : Carlos Saura Medrano. Musique : Alberto Artiguas, Giovanni Sollima. Producteurs : Leslie Calvo, Carlos Saura Medrano, Gabriel Arias-Salgado, Axel Kuschevatzky. Production : Aragón Televisión – Telefonica Studios – Tresmonstruos Media. Distribution (France) : Epicentre Films (sortie : le 4 janvier 2017). Espagne. 2016. 87 mn. Couleur. Format image : 1.85 :1. DCP. Son : 5.1.