Mark Reeder croupit dans Manchester, une ville grise sinistre et désespérante, dans les années 70. Passionné de musique, il trouve un petit job chez un disquaire. Dans le bac des imports allemands, il découvre des merveilles et se passionne pour la scène musicale berlinoise. Sur la scène musicale anglaise c’est le moment punk qui souffle un air de révolte sur une société engoncée dans le conservatisme. Mark a un rêve : partir à Berlin-Ouest. A la fin des années 70, Mark quitte enfin son univers quotidien pour l’aventure à Berlin-Ouest. Il découvre une ville divisée en deux par un mur de 42 km. Berlin-Ouest et des quartiers sous contrôle des forces alliées : américaine, anglaise et française. Des stigmates de la Seconde Guerre mondiale sont encore visibles, des immeubles éventrés et terrains vagues qui jouxtent le mur. Mark trouve un immense appartement gratuit dans un squatte. Mais toute la ville regorge de squattes et l’effervescence artistique est intense. Mark trouve des petits jobs : manager, preneur de son, acteur pour les films underground de Jörg Buttgereit… Il devient un fin connaisseur de la vie nocturne berlinoise. Il croise toutes sortes d’artistes : musiciens, chanteurs, cinéastes, acteurs, plasticiens, etc. Il héberge dans son appartement Nick Cave et organise l’unique concert de Joy Division à Berlin devant 150 personnes… Mike prend en charge des groupes alternatifs…
B Movie : Lost & Sound in West-Berlin est un portrait passionnant d’une décennie, 1979-1989, de création musicale et artistique phénoménale localisée dans les squattes et des lieux les plus improbables. Le film suit l’itinéraire de Mark Reeder de son Angleterre natal à son installation définitive à Berlin. Ce voyage est celui d’une génération et d’une époque qui va modifier notre rapport au monde. Le film nous immerge au cœur des années 80, et Reeder est notre fil conducteur. Un retour en arrière salutaire sur une époque que nous ne percevions pas encore comme héroïque. Une époque qui prend naissance avec le mouvement Punk, les Sex Pistols, Ian Dury, Joy Division. C’était un temps de rébellion, de la remise en cause de la société capitaliste et bourgeoise, la société de consommation n’avait pas encore tout anéanti, les jeunes ne pensaient pas à assurer leurs retraites mais à vivre libre, un monde où les poils pubiens existaient, où l’on fumait à la télévision… A Berlin Ouest, les groupes abandonnent l’Anglais pour l’Allemand pour redevenir authentiques, vrais. Limitant ainsi la diffusion à grande échelle de leur musique, jusqu’au triomphe de Nena avec 99 luftballons.
Constitué d’archives de toutes sortes en Super 8, 16 mm, vidéo, du film privé, underground aux reportages TV, le documentaire de Jörg A. Hoppe, Kluas Maeck et Heiko Lange est un bonheur. Quelques formidables séquences, une parmi d’autres, Nick Cave qui nous présente son appartement, sa chambre et ses peintures gothiques allemandes au mur… dans cette incroyable faune d’artistes et de mouvements artistiques va naître une révolution. Dans cette effervescence apparaissent Malaria ! groupe alternatif de filles, Einstürzende Neubauten, Die Ärzte, Die Toten Hosen, Tödliche Doris, la création berlinoise semble sans limite… A l’ombre du mur que l’on tague, barbouille ou incendie, il y a l’insouciance de folles nuits où l’on croise aussi bien Christine F. que des couples d’un soir qui succèdent à des journées de contestation et d’affrontement avec la police, de patrouilles en char d’assaut et à Tilda Swinton à vélo. Berlin-Ouest est dans un perpétuel mouvement, ce que traduit remarquablement bien le film par un enchaînement chronologique de documents parfois fort rares. Tout n’est pas rose. Overdose, suicide et l’apparition du SIDA frappent durement l’insouciance des années 80. Mais rien ne détruit l’espoir en l’avenir. Un jour au petit matin, le groupe WestBam organise autour d’une camionnette WV sonorisé la première Love Parade contre le mur et pour la liberté. Ils ne sont alors qu’une poignée à défiler, mais un mouvement vient de surgir des entrailles de Berlin-Ouest. La musique change, la techno apparaît. David Bowie offre un concert à quelques mètres du mur afin que les habitants de l’Est, participent à la fête… Et puis, le mur finit par tomber. Séquence hallucinante de David Hasselhoff surplombant la foule et chantant dans un blouson de cuir scintillant un hymne du samedi soir à la liberté. Une époque s’est terminée le 9 novembre 1989 avec la démolition du mur de la honte pour les uns ou du mur de protection antifasciste pour les autres. La musique évolue. Mark Reeder s’adapte tant bien que mal. Il gagne sa vie en faisant des doublages de films pornographiques. Les DJs prennent les commandes. D’un courant contre l’ordre établi du début des années 80 succède un mouvement pour la reconnaissance des droits des minorités avec la Love Parade. De quelques centaines de raveurs au premier défilé, ils sont maintenant des milliers. Les quartiers changent, les stigmates de la dernière guerre disparaissent. Berlin ne fait qu’un. Mark Reefer crée son premier label… A la nouvelle génération de prendre le futur à pleine main…
B Movie : Lost & Sound in West-Berlin, un film de Jörg A. Hoppe, Klaus Maeck & Heiko Lange avec Mark Reeder, Blixa Bargeld, Gudrun Gut, Die Toten Hosen, Nick Cave… Scénario : Mark Reeder, Jörg A. Hoppe, Klaus Maeck & Heiko Lange. Montage : Alexander von Sturmfeder. Musiques : Die Toten Hosen, Einstürzende Neubauten, Joy Division, Edgar Froese, Nena, WestBam, Production : DEF Media – Interzone Pictures – Scene From. Alemagne. 92 mn. Dolby Digital. Sélection Documentaire, hors compétition, L’Etrange Festival 2015