1912, le Général Pershing pourchasse Hector Cordoba (Raf Vallone), général rebelle de l’armée mexicaine dont les attaques répétées au Texas irrite le gouvernement américain. Sous les ordres de Pershing, le capitaine Rod Douglas (George Peppard) et ses hommes infiltrent les rebelles. Cordoba poursuit un but : s’emparer de six précieux canons longues portées, mis à la disposition du Général Pershing. Au cours d’une spectaculaire attaque en ville, Cordoba les lui dérobe. Fou de rage, Pershing charge Rod Douglas (George Peppard) de mettre la main sur Cordoba et de détruire les canons. Avec quelques hommes, Douglas traverse la frontière en destination du fief de Cordoba…
Les Canons de Cordoba est un western de la fin des années 70 dans le sillage de Sergio Leone et de Sam Peckinpah. Le scénario suit une trame efficace des plus classiques. Il faut dire que le scénario est l’œuvre de Stephen Kandel, un stakhanoviste de la série TV, on lui doit des centaines de scripts dans tous les genres de Batman à MacGyver en passant par Star Trek, L’homme de fer, Les mystères de l’Ouest, L’Immortel, Mission impossible, Mannix, Cannon, Hawaï, police d’état, Wonder Woman, L’homme qui valait trois milliards… à croire que dans notre vie de téléphage nous avons tous vu un épisode écrit par Stephen Kandel. Les Canons de Cordoba est l’une de ses rares contributions au grand écran. Kandel est scénariste de commande efficace, qui colle au genre sans le pourfendre. L’intérêt du film n’est donc pas son scénario, mais dans la réalisation de Paul Wendkos dont nous avions déjà apprécié Le Salaire de la haine.
Paul Wendkos est un expérimentateur qui cherche par des moyens purement visuels à innover dans le rythme interne des plans. Il multiplie, avec bonheur, les effets de cadrage avec ses amorces de personnages ou d’éléments de décor. Il dynamise ses scènes d’action par d’amples mouvements d’appareils ou par des rapides prises de vues caméras à l’épaule. Wendkos accentue le sadisme des situations en les poussant à leur paroxysme. Le plus bel exemple reste la séquence où le Général Cordoba torture un soldat sur la place publique devant Douglas et Jackson (Don Gordon), le frère de la victime, qui bien sûr ne peuvent agir. Wendkos prolonge la scène jusqu’au malaise. Pour le pauvre frère ce traumatisme est l’équivalent de celui de l’homme à l’harmonica (Charles Bronson) dans Il était une fois dans l’Ouest, mais Wendkos l’utilise de manière différente rendant son personnage impuissant, incapable de se servir d’une arme.
L’action se déroule pendant la révolution mexicaine, terrain de prédilection du western gauchissant italien, où le pauvre péon était le représentant des exploités face à l’impérialisme américain. Evidemment, Les canons de Cordoba n’est pas un brulot prorévolutionnaire. Si l’aspect politique n’intéresse pas le réalisateur, il évite intelligemment tout discours simpliste et surtout toute condamnation d’un mouvement d’émancipation. Ainsi par sa mise en scène, Wendkos fait du Général Pershing un conservateur antirévolutionnaire, un exalté pathétique, aveuglé par sa « mission » quasi divine de « mater ses salopards de révolutionnaires ».
Pourtant Cordoba n’est pas un révolutionnaire, c’est un enfant du sérail, un ex de l’armée, un serviteur zélé de l’Etat, un homme de pouvoir, qui, même s’il est devenu un renégat, reste comme par le passé un profiteur. Il met en place et règne sur un territoire installé dans son fief, un fort dans les hauteurs. Il n’est ni plus ni mois qu’un dictateur, un fasciste. Son ascendant sur les autres passe aussi par la sexualité, ce qui le mènera à sa perte. Il n’est pas interdit de voir aussi dans le film une opposition entre une approche latine voire orientale de la sexualité et l’autre puritaine anglo-saxonne. Cette opposition se retrouve jusque dans le physique des acteurs, de l’hypersexualité des acteurs latins, Raf Vallone et Giovanna Ralli, en vis-à-vis de celui lisse de l’américain George Peppard. Ce qui est le plus amusant est que le héros, à force de cynisme, se révèle incapable de la moindre relation avec une femme et profondément misogyne. Wendkos va jusqu’à priver son héros d’un duel final, plongeant ainsi son personnage et le spectateur dans une grande insatisfaction avec sa fin des plus abruptes.
Les Canons de Cordoba est produit par un vétéran du western de série B : Vincent M. Fennelly. Entre 1950 et 1957, il n’en produit pas moins de 51 ! Films pour la plupart inconnus dans nos contrées à l’exception du notable Seven Angry Men (1955) de Charles Marquis Warren. Il se consacre par la suite à la télévision et produit entre autres la série Rawhide (1962-1964) avec Clint Eastwood. Les Canons de Cordoba marque son retour à la production cinéma après Les Colts des sept mercenaires (1969) déjà dirigé par Paul Wendkos et toujours pour la Mirisch Company. C’est sa dernière production.
Tourné pour des raisons évidentes de coût en Espagne, Les canons de Cordoba n’en bénéficie pas moins de remarquables décors et de formidables extérieurs choisis avec un grand soin par Wendkos et superbement filmés en scope. Ses nuits américaines sont de toute beauté.
Paul Wendkos, qui déclarait n’avoir jamais eu la liberté d’expérimenter autant qu’il l’aurait voulu sur ses films, livre toutefois avec Les canons de Cordoba un spectacle plus qu’honorable, il pourrait reprendre à son compte une réplique du film : « il vaut mieux mourir sur ses pieds que vivre à genoux. », autant que faire se peut…
Fernand Garcia
Les Canons de Cordoba est édité pour la première fois en Blu-ray (disponible aussi en DVD) par Sidonis/Calysta dans la collection de référence du genre : Western de légende. Cette édition spéciale bénéficie, comme l’ensemble de la collection, d’une image et d’un son superbement restaurés, un régal. Dans la section compléments : une présentation du film par Patrick Brion, l’un des grands spécialistes du western, qui revient sur l’année de sortie du film et des westerns du moment et sur le film lui même (14 minutes). Une galerie de photos et la bande-annonce américaine complètent la section bonus de cette très belle édition.
Les Canons de Cordoba (Cannon for Cordoba) un film de Paul Wendkos avec George Peppard, Giovanna Ralli, Raf Vallone, Don Gordon, Pete Duel, Gabriele Tinti, Nico Minardos, Francine York, John Russell, Hans Meyer… Scénario : Stephen Kandel. Directeur de la photographie : Antonio Macasoli. Décors : José Maria Tapiador. Montage : Walter Hannemann. Musique : Elmer Bernstein. Producteur : Vincent M. Fennelly. Production : The Mirisch Production Company – United Artists. Etats-Unis. 1970. 104 mn. Couleur (DeLuxe). Panavision anamorphique Format image : 2.35 :1. 16/9. Son VF et VO Sous-titrée français. Tous Publics.