Juin 40. Quatre hommes de la 110e arrivent en suivant la voie ferré à Zuydcoote, une station balnéaire près de Dunkerque. Quatre soldats parmi d’autres, le Sergent-chef Maillat (Jean-Paul Belmondo), l’abbé Pierson (Jean-Pierre Marielle), Dhéry (Pierre Mondy) et Alexandre (François Périer). Ils arrivent avec l’intention d’embarquer à destination de l’Angleterre. L’armée française est en pleine déroute. Quatre soldats pour quatre demi-journées, samedi matin, samedi après-midi, dimanche matin et dimanche après-midi, pour un week-end apocalyptique. L’intrigue principale se noue autour du Sergent-chef Maillat, un homme cultivé que la débâcle a rendu des plus désabusés. Il n’a qu’un objectif embarqué pour l’Angleterre, autour de lui c’est le chaos, le mitraillage incessants des plages pas les Stukas. La petite station balnéaire est un enfer.
Week-end à Zydcoote est le premier film « ambitieux » d’Henri Verneuil. C’est l’adaptation d’un roman de Robert Merle lauréat du prix Goncourt 1949. Robert Merle était avant ce prestigieux prix littéraire, un jeune auteur inconnu, professeur d’anglais de la faculté de Rennes. Le prix mit en lumière non seulement le livre, mais aussi l’un des événements les plus tragiques de la dernière guerre. Des milliers de soldats français et anglais sont morts dans une souricière, une poche sur une plage près de Dunkerque.
Robert Merle décrit avec un grand réalisme, sans la moindre trace de sentimentalisme, une réalité brute, dur, un moment sombre et sans espoir. Il s’attache à décrire le dernier week-end de quatre hommes issus de milieux différents et confrontés à des événements qui les dépassent. Petit à petit, c’est l’absurdité de la guerre au cœur de cette boucherie qui apparaît entre deux rafales de mitraillette. Merle n’évacue rien dans sa description de ce moment d’histoire tragique. Il décrit tout autant des actes quotidiens, parfois absurde, de la vie de soldat (prendre de l’eau…) que d’autres franchement dégueulasses (la tentative de viol de la jeune fille par des soldats français).
Très vite, les soldats comprennent qu’il n’y a aucune échappatoire à ce cauchemar. Le bateau sur lequel embarque Maillet est bombardé. Henri Verneuil va suivre dans ses grandes lignes le roman dont l’adaptation cinématographique est de François Boyer. Le romancier se chargeant des dialogues. François Boyer et Henri Verneuil se connaissaient bien. François Boyer romancier lui-même est un virtuose de l’adaptation. On lui doit déjà pour Henri Verneuil les adaptations Des gens sans importance (1955) d’après Simenon, Une manche et la belle (1957) d’après l’auteur de polar James Hadley Chase et Un singe en Hiver (1962) d’après Antoine Blondin. Les deux hommes se retrouveront une dernière fois pour l’adaptation du roman de Virgil Gheorghiu, La Vingt-cinquième heure, spectaculaire fresque humaniste avec Anthony Quinn. François Boyer en tant qu’écrivain est l’auteur du roman Les jeux inconnus, qui sera porté à l’écran sous le titre Jeux Interdits (1952) par René Clément.
Mais en suivant de trop près le roman, Henri Verneuil ne trouve pas le bon équilibre entre les scènes spectaculaires de guerre et les scènes intimistes où les personnages expriment leurs sentiments antiguerre à la lisière de l’antimilitarisme. L’ironie des situations a parfois du mal à passer comme dans la séquence où Dhéry (Pierre Mondy) veut à tout prix voir un médecin, pour une simple égratignure alors que dans les couloirs s’étalent des blessés graves. Ce qui aurait dû être une dénonciation de l’absurdité de la guerre devient une scène gênante. La séquence du transport de la jeune femme morte qui aurait dû être glaçante d’horreur et absurde par la discussion entre l’officier et les soldats, n’est qu’une péripétie de plus qui nous laisse une impression d’inachevé et d’artificialité. L’empathie que nous devrions ressentir pour les quatre personnages reste au point mort. Le caractère du Sergent-chef Maillat est difficilement compréhensible, ses intentions sont illisibles tant ses actions sont contradictoires. Il se comporte en héros tout en étant totalement désabusé. Cette impression est renforcée par le jeu de Jean-Paul Belmondo bien trop décontracté dont le je-m’en-foutisme s’accommode mal de réflexion sur la condition de l’homme.
Week-end à Zuydcoote fut, comme les précédents films de Verneuil, assez diversement accueilli par la presse ce qui a eu pour effet d’agacer passablement le cinéaste de Mélodie en sous-sol. Ainsi dans Art, en février 1965, au cours d’un entretien avec Guy Allombert, Henri Verneuil y fustige quatre critiques sans les cités nommément. L’article, sorte de tribune libre, placé sous le titre « J’ai quatre ennemis » est intéressant pour comprendre à quoi se rattache le cinéma de Verneuil. A ceux qui le condamnent parce que le succès est suspect, il répond qu’ « il n’y a rien de déshonorant à plaire au public ». Évidemment pour Verneuil « ne pas connaître son métier, me paraît aberrant, au cinéma comme dans la critique, comme dans toutes les autres professions. » c’est une pique en direction des cinéastes de la Nouvelle vague, anciens critiques pour la plupart et qui l’ont souvent descendu en flèche. Verneuil avoue « reconnaître comme (ses) maîtres John Ford, Billy Wilder, William Wyler et King Vidor qui (lui) ont appris, que le cinéma doit raconter des histoires. »
Fernand Garcia
Week-end à Zydcoote, un film d’Henri Verneuil avec Jean-Paul Belmondo, Catherine Spaak, Georges Geret, Jean-Pierre Marielle, Pierre Mondy, François Périer, Kenneth Haigh, Marie Dubois, Christian Barbier, Albert Remy, Ronald Howard, Bernard Musson, Paul Préboist, Dominique Zardi, Marie-France Boyer… Scénario : François Boyer. Dialogues : Robert Merle d’après son roman. Directeur de la photographie : Henri Decaë. Décors : Robert Clavel. Montage Claude Durand. Musique Maurice Jarre. Producteurs : Robert & Raymond Hakim. Production Paris Film Production – SN Pathé Cinéma – Interopa (Rome). France-Italie. 1964. 119 minutes. Format image : 2,35 :1. FranScope. Couleur (Eastmancolor). 70e Festival de Cannes. Cinéma de la plage.