Ce premier long-métrage d’une réalisatrice israélienne Hadas Ben Aroya raconte le malaise généralisé de la jeune génération de Tel Aviv, sentiment que l’on pourrait étendre à n’importe quelle grande ville à l’échelle mondiale.
Joy, une jeune et jolie fille (jouée par la réalisatrice elle-même), entretient plusieurs relations avec des hommes. Son ex ne veut plus la voir ni lui parler malgré ses nombreuses tentatives. Le film s’ouvre sur une vidéo de Joy, une de celles qui pourrait illustrer n’importe quelle rupture, où elle s’était mise en scène pour supplier son ex de l’écouter. Cette vidéo était donc du jeu, une sincérité jouée et soigneusement sélectionnée pour envoyer à son ex.
Joy est aussi amoureuse de Nir, un personnage intello à la Woody Allen qui s’autoanalyse et analyse les comportements des autres. Nir fuit les relations stables, l’amour physique ne semble pas tellement l’intéresser. Avec les hommes, Joy n’éprouve aucune gêne à se mettre nue autant physiquement que psychologiquement, elle cherche à plaire telle qu’elle est, honnête et égoïste. Elle qui recherche son propre plaisir a du mal à comprendre le plaisir des autres, c’est une véritable castratrice.
L’ambiance générale est plutôt propice aux relations amoureuses ce que semblent rechercher les filles dans le film : les boîtes, les appartements, les cafés et pourtant la ville est dénuée de désir, tout baigne dans une énorme lassitude qui mène à une espèce entfremdung (aliénation), symptomatique des grandes villes. Ils sont tous jeunes, beaux et intelligents mais n’arrivent plus à communiquer. Ils connaissaient tout sur tout, Facebook est l’élément-clé de leur vie sociale, mais une véritable solitude ressort de cette accumulation de mal être. Chacun possède un « moi » très spécial comme un phallus brandi qui n’arrive plus à jouir.
People That Are Not Me film courageux, tourné avec un très petit budget, parle de notre époque avec beaucoup d’authenticité et d’autodérision.
Rita Bukauskaite
People That Are Not Me (Anashim Shehem Lo Ani) un film de et avec Hadas Ben Aroya et Yonatan Bar-Or, Meir Toledano, netzer Charitt, Hager Enosh… Scénario : Hadas Ben Aroya. Image : Meidan Arama. Décors : Shir Kleiman. Montage : Or Lee-Tal. Conception son et mixage : Neal Gibbs. Israel. 2016. 80 minutes. Couleur. Format image : 2.39 :1. DCP. Son : 5.1. Sélection Festival de Locarno, 2016 – Festival du Film de Femmes, 2017