Il faut du cran pour devenir riche, et Tracy Powell n’en manque pas. Homme intègre, il pense faire rapidement fortune dans les collines de Californie où se sont précipités les chercheurs d’or. Très vite, son compagnon dans cette aventure jette l’éponge et retourne en ville. Tracy s’acharne… il ne doit partir retrouver sa femme que les mains pleines de dollars…
Les Collines nues raconte l’histoire d’une folie, collective et individuelle, cette fameuse fièvre de l’or. Coute que coute, Tracy doit réussir, il est le prototype de l’Américain volontariste avec un but obsessionnel – vivre comme un roi le restant de ses jours. Étalé sur plusieurs années, la quête de Tracy permet à Josef Shaftel décrire la construction de l’Amérique : des premiers arrivants dans les collines californiennes à la sortie de terres de villes. C’est le portrait des pionniers, des immigrés en quête d’une vie meilleure, des hommes prêts à tout. Parmi eux, Willis Haver, aventurier et prêteur sur gages, est le pendant de Tracy. Il s’enrichit sur le dos de ceux qui s’abîment à creuser. Haver devient un notable, propriétaire de la ville, tandis que Tracy mange la poussière des collines. A sa modeste échelle, le film nous montre la mise en place d’un monde capitaliste.
Les Collines nues réunit une solide distribution. David Wayne (Tracy) est certainement un peu âgé au début de l’histoire et trop jeune à la fin, mais il se donne pleinement, ne cherchant pas à rendre particulièrement sympathique son personnage, il lui donne une plus grande crédibilité. Jim Backus (Willis Haver), qui est la voix du ronchon Mister Magoo, donne corps à une crapule en col blanc tout à fait détestable. Keenan Wynn, homme de main de Haver, impose son inquiétante présence dans toutes les scènes où il apparaît. Comme ses camarades, il est un formidable second rôle que l’on retrouve aussi bien chez Stanley Kubrick (Dr. Folamour) que chez Sergio Leone (Il était une fois dans l’Ouest) ou John Boorman (Le point de non retour). C’est l’acteur James Barton, une vraie gueule de cinéma, qui interprète la ballade The Four Seasons accompagnant les déboires de notre chercheur d’or.
Josef Shaftel n’a réalisé que deux films dans sa vie, No Place to Hide (inédit en France) en 1955 et son fameux Collines nues en 1956. Sa mise en scène est fonctionnelle, sans grande imagination, tout entière au service de l’histoire. Même si par certains aspects son film évoque Le Trésor de la Sierra Madre (1948) de John Huston, nous en sommes loin en termes esthétiques et en puissance d’évocation. Shaftel est avant tout un producteur. Il exerce ses talents pendant un temps pour la télévision américaine, on le retrouve entre autres sur la formidable série Les incorruptibles avec Robert Stack, un modèle d’efficacité scénaristique. C’est en Angleterre, que Shaftel va reprendre son activité de producteur pour le cinéma. De la fin des années 60 au milieu des années 70, il va mener à bien plusieurs films convenablement réalisés par de solides artisans: Ken Annakin, Gordon Flemyng, Alan Gibson, Peter Collinson, Peter Hunt et interprétés de préférence par des vedettes: Richard Harris, Jacqueline Bisset, Robert Wagner, Vittorio De Sica, Raquel Welch, Edward G. Robinson, Stanley Baker, etc. Parmi ses productions à vocation populaire, deux films ambitieux: Les Troyennes (1971) d’après Euripides et réalisé par le cinéaste grecque Michael Cacoyannis avec Katherine Hepburn, Vanessa Redgrave, Geneviève Bujold et Irène Papas et le remarquable film de Jospeh Losey L’Assassinat de Trotsky (1972) avec Richard Burton, Alain Delon et Romy Schneider.
Les Collines nues est un petit film dont le thème central reste plus que jamais d’actualité. Dans les premières minutes, Willis Haver demande à Tracy : « Combien de temps avant d’être riche ? » Question que se posent tous ceux qui font aujourd’hui encore le voyage vers les États-Unis aveuglés par l’illusion de l’argent et de la vie de privilège qui en découle… plus les rêves sont minables et plus les hommes s’imaginent tenir debout.
Fernand Garcia
Les Collines nues est édité pour la première fois en DVD par Artus films avec en complément de programme, une galerie de photos et d’affiches du film et les bandes annonces de la collection Les Grands classiques du Western (L’Ultime chevauchée, La Vallée du solitaire, Les Collines nues, Le Trésor des collines rouges, Les Cavaliers du crépuscule).
Les Collines nues (The Naked Hills) un film de Josef Shaftel, avec David Wayne, Keenan Wynn, James Barton, Marcia Henderson, Jim Backus, Denver Pyle, Myrna Dell, Lewis Russell… Scénario : Josef Shaftel d’après une histoire de Helen S. Bilkie. Directeur de la photographie : Frederick Gately. Décors : Rudi Feld. Montage : Gene Fowler, Jr. Musique : Herschel Burke Gilbert. Producteur : Josef Shaftel. Production : La Salle Productions, Inc. – Allied Artists Pictures Corporation. Etats-Unis. 1956. 70 mn. Couleur (Pathécolor) Format 1.37 original respecté 16/9ème compatible 4/3. VOSTF. Tous Publics.