Blow Out – Brian de Palma

John Travolta

Fort du succès commercial de Pulsions, Brian De Palma entreprend la réalisation d’un film plus ambitieux et aux ramifications plus importantes. Blow Out sort en 1981 sur les écrans. L’attente est grande puisque son « héros » en est John Travolta. Il vient de connaître deux énormes succès, Grease et La fièvre du samedi soir, mais ses films suivants, dit sérieux, Moment by Moment et Urban Cow-boy sont des  échecs artistiques et commerciaux absolus. Il doit donc se refaire avec ce film. A cause de sa vedette et de la réputation de son auteur, Blow Out sera « mal vu » par la critique et mal perçu par les spectateurs.

De Palma anticipant les réactions, joue immédiatement sur une similitude de titre entre le film de Michelangelo Antonioni, Blow Up et Blow Out, alors que les deux films n’entretiennent que peu de rapport. C’est plutôt du côté de Conversation secrète de Francis Ford Coppola qu’il faut aller voir pour éventuellement créer un parallèle, en se basant sur l’utilisation du son comme élément de vérité, révélateur d’une manipulation politique. Le film s’inscrit aussi dans une veine « romantique » voir « sentimentale », que de Palma, peut-être suite à l’échec commerciale du film, n’empruntera hélas plus vraiment.

L’ouverture de Blow Out en caméra subjective est une sorte de parodie de ce que l’on attend de De Palma en tant que cinéaste de film de genre et plus particulièrement dans le domaine de l’horreur. La séquence se clôt sur le cri d’une jeune femme sous la douche. Ce cri ridicule nous propulse dans la salle de mixage du film, où se pose le problème de la voix de l’actrice. Le cri doit être vrai dans cette fabrication, ce qu’est le film, pour l’adhésion du public. Le split screen, qui suit pendant le générique, est à la fois vrai et faux : vrai quand ouvertement les deux images présentent des rapports de cadre totalement différents, faux quand il s’agit d’un jeu de profondeur de champ, entre l’ingénieur du son au travail et la convention politique sur l’écran de télévision. Les éléments de construction étant en place et générique fini, Blow Out peut débuter.

Accident Blow Out

Un ingénieur du son enregistre dans un parc des ambiances de nuit pour son film d’horreur. D’emblée, De Palma, joue sur deux registres, le son réel de la nuit et sa destination, la fiction, c’est-à-dire, la recréation, l’irréel aussi médiocre soit-il. Ainsi un son d’ambiance donne-t-il à la fiction une base de réalité sans laquelle le spectateur, de manière imperceptible, ne pourrait adhérer. Le son est donc clairement une forme de manipulation de l’audience. Le film passe de la théorie  à la démonstration pratique, notre ingénieur du son est témoin d’un accident. Sur un pont, une voiture dérape et plonge dans un lac, alors qu’il enregistre. Il voit directement un événement mais la réalité de celui-ci est tout autre, ce que nous découvrirons plus tard. On peut dire que tout le cinéma de Brian de Palma se situe dans la révélation d’éléments qui éclairent la réalité, alors que cette même réalité est sous nos yeux. Encore faut-il faire l’effort de partir à sa recherche. Nous pouvons même affirmer que De Palma est en cela un cinéaste beaucoup plus proche de certaines préoccupations d’Orson Welles que d’Alfred Hitchcock auquel il est souvent comparé.  Scénario bien plus habile qu’il n’y parait, De Palma signe avec Blow Out, un vrai faux film de genre, l’une de ses meilleurs réalisations.

Fernand Garcia

Blow Out, un film de Brian De Palma avec John Travolta, Nancy Allen, John Lithgow, Dennis Franz. Scénario : Brian De Palma. Directeur de la photographie : Vilmos Zsigmond. Montage : Paul Hirsch. Musique : Pino Donaggio. Producteur : George Litto. Production : Filmways Pictures – Cinema 77 – Geria Productions. États-Unis. 1981. 107 mn. 1981. Panavision. Format image : 2,35 :1. Couleur. Distribution (re-sortie 2012) : Mission.

Blow Out, édité en DVD-Blu-ray par Carlotta.

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