Jim Larsen (Fred MacMurray), un hors-la-loi, est transféré dans une prison. Durant le voyage en train, il s’évade avec l’aide imprévue de son jeune frère. Le Shérif qui l’accompagne est tué et son jeune frère est mortellement blessé. Aux dix ans de condamnations qu’il devait accomplir s’ajoutent maintenant de nouveaux faits qui le condamnent à une mort certaine. Larsen est un fugitif. Il arrive dans une petite ville, où le shérif Riley s’oppose à un propriétaire qui a annexé des terres publiques. La nouvelle de l’évasion de Larsen arrive en ville, et le Shérif décide de bloquer toutes les routes. La traque du fugitif s’organise. Coincé en ville, Larsen tente de se fondre dans la masse sous une nouvelle identité et un nouveau nom, Ray Kincaid, mais des avis de recherche avec son portrait doivent arriver par le train…
Le Salaire de la haine est un formidable western. Sur scénario de David T. Chantler et Daniel B. Ullman parfaitement construit, Paul Wendkos développe une mise en scène d’une grande richesse. Il impulse une grande force à chaque scène par la dynamique de sa réalisation, l’intelligence du placement des personnages et la diversité de ses cadrages.
Dans le rôle du fugitif, Fred MacMurray donne une remarquable performance. Ce qui n’est pas étonnant, pourtant MacMurray reste un acteur sous-estimé. Dans les grandes encyclopédies sur le cinéma qui font autorité, on ne cite que quelques films de sa longue filmographie en précisant pour les meilleurs que tout le mérite en revient au réalisateur. On le trouve fade et hors les films de Billy Wilder (Assurance sur la mort, La Garçonnière), on l’associe à tort uniquement à de petites productions sans envergure ou il fait juste le boulot. Jugement expéditif et injuste. Le Salaire de la haine fait partie de ses films oubliés qui s’avère passionnant et qui exige une véritable analyse du fonctionnement des personnages par ses acteurs. MacMurray par son jeu sobre et subtil fait passer tout le dilemme d’un personnage dont l’image « public », celle du bandit, ne correspond pas à ce qu’il est profondément. Une grande gamme de sentiments, de l’angoisse au sentiment amoureux contrarié. Nous assistons à un cheminement moral sans aucune lourdeur psychologique. Larsen est du bon côté de la ligne pour la première fois, tout d’abord par intérêt, simplement pour fuir, puis par choix, pour être accepté. Un espoir fragile se dessine à la fin, l’espérance d’une seconde chance. MacMurray exprime parfaitement tous les troubles intérieurs qui l’assaillent.
Paul Wendkos est un cinéaste méconnu, sa carrière se partage entre cinéma et télévision comme beaucoup de ses confrères de sa génération. Wendkos attire l’attention de la critique avec son premier film Le Cambrioleur (The Burglar, 1957). Ce polar écrit par David Goodis est loué pour l’originalité de sa réalisation. Pour la petite histoire, Le Cambrioleur fera l’objet d’un remake en 1970 par Henri Verneuil sous le titre Le Casse avec Jean-Paul Belmondo. Très vite les sirènes du petit écran l’attirent, Wendkos enchaîne téléfilm unitaire et épisodes de séries TV en parallèle de films cinéma. C’est pourtant à la télévision qu’il expérimente le plus, dans la manière de raconter et de réaliser. Il trouve un espace plus « libre » à la télévision contrairement au cinéma où il doit répondre à des impératifs de production qui bride son désir de recherche artistique. Il réalise des épisodes des Incorruptibles, des Mystères de l’Ouest, des Envahisseurs, d’Hawaï, police d’Etat, pour les séries les plus connues. Il tourne pour la télévision un nombre incroyable de téléfilm jusqu’en 1999. Satan, mon amour (The Mephisto Waltz) avec Jacqueline Bisset en 1971 est son dernier film pour le cinéma. Film fantastique, dans le sillage de Rosemary’s Baby dont on dit le plus grand bien. Ce film a la particularité d’être l’unique production cinéma de Quinn Martin. Les films de Wendkos, quinze en tout, sont plus ou moins tombés dans l’oubli ou restés inédits en France. En son temps, Le Salaire de la haine était resté dans les tiroirs de la Columbia. Dommage, car le film regorge de séquences formidables, la fuite du train de Larsen où la dernière – un magnifique règlement de compte dans une ville fantôme.
Ajoutons pour finir que les seconds rôles sont excellents et que James Coburn, au début de sa carrière, en homme de main du propriétaire, crève l’écran. Enfin, la musique puissante et complexe de Jerry Goldsmith accompagne parfaitement le film.
Le Salaire de la haine est un western épatant qui mérite le détour.
Fernand Garcia
Le Salaire de la haine est édité pour la première fois en DVD dans la collection Western de légende par Sidonis/Calysta avec en supplément trois présentations complémentaires. La première est consacrée à Fred MacMurray par Bertrand Tavernier qui reconnait une grande condescendance de la critique de l’époque envers l’acteur qui s’efface petit à petit (8 mn). La seconde toujours par Bertrand Tavernier est axé sur Paul Wendkos, une véritable mine d’informations sur le cinéaste (27 mn). Enfin dans la troisième, Patrick Brion replace Le Salaire de la haine dans l’histoire du genre et dans l’année de sa sortie 1959, l’année de Rio Bravo entre autres (11 mn). Dans cette section on retrouve une galerie de photos et d’affiches et enfin la bande-annonce originale du Salaire de la haine (3 mn).
Le Salaire de la haine (Face of a Fugitive) un film de Paul Wendkos avec Fred MacMurray, Lin McCarthy, Dorothy Green, Alan Baxter, Myrna Fahey, James Coburn, Francis DeSales, Gina Gillespie… Scénario : David T. Chantler et Daniel B. Ullman d’après une histoire de Peter Dawson. Directeur de la photographie : Wilfrid M. Cline. Consultant couleur : Henri Jaffa. Décors : Robert Peterson. Montage : Jerome Thoms. Musique : Jerrald Goldsmith. Producteur exécutif : Charles H. Schneer. Producteur : David Heilweil. Production : Morningside – Columbia Pictures. Etats-Unis. 1961. 81 mn. Couleur. Eastmancolor/Pathé. Format image : 1.85 :1. Image et son restaurés, version VOSTF. Inédit en France. Tous Publics.