Contrairement à ce que pourrait faire penser le titre, Fais ta prière Tom Dooley n’est pas un western spaghetti mais un solide western américain. Son point de départ est formidable. Tom Dooley est un confédéré, avec deux autres soldats, attaque une diligence sous la protection de soldats Yankees. Les choses se passent mal. Les soldats Nordistes sont tués ainsi qu’un soldat Sudiste passager de la diligence ; celui-ci avant de succomber à ses blessures, leur apprend que la guerre est finie. Les trois Confédérés changent dans la seconde de statut et deviennent des rebelles avec leurs têtes mises à prix. Ce qui la veille était un acte banal de guerre est le lendemain un acte criminel. Plutôt que fuir, Dooley décide de retrouver sa bien-aimée Laura. Mais un prétendant, Grayson, compte bien profiter de la situation…
Pour son second film de cinéma, Ted Post, qui a derrière lui une petite carrière de réalisateur télé, réussit un western de très bonne facture. Avec un budget de téléfilms, une figuration et des décors réduits au minimum, Ted Post s’en sort par une mise en scène extrêmement dynamique, sans temps, et un découpage très précis. L’action est clairement exposée et les enjeux parfaitement mis en place. Il tire avantage du peu de moyens mis à sa disposition en orientant le film vers une sorte d’épure. Le film y gagne en réalisme. Ted Post a l’intelligence de distribuer des acteurs jeunes dans les rôles des soldats Sudistes, sorte de jeunesse sacrifiée qui n’est pas au bout de ses peines et qu’il oppose aux hommes de la ville, des hommes plus âgés. Ted Post, par de très courtes scènes, démontre toute l’hypocrisie des gens de la ville. Ils s’accommodent avec facilité de la nouvelle donne et insistent avec opiniâtreté à condamner Tom Dooley et ses camarades sans le moindre état d’âme. Au bout du chemin c’est la potence !
Tom Dooley est une célèbre balade inspirée par un fait-divers réel. Stan Shpetner, le scénariste et producteur du film, en reprend quelques éléments : la concurrence amoureuse entre Dooley et Grayson, la mort de Laura, mais dans une intrigue qui s’éloigne grandement de l’histoire d’origine. Le film reprend la ballade interprétée par le Kingston Trio (et Les Compagnons de la Chanson dans la version Française). Ted Post utilise la ballade dès l’ouverture orientant immédiatement le film vers la tragédie. Finir au bout d’une corde revient comme une obsession tout au long du film. Tom Dooley est condamné à la pendaison. Ce thème de la pendaison reviendra dans un autre film de Ted Post, l’étonnant western Pendez-les haut et court (Hang ’Em High, 1968) avec Clint Eastwood.
Tom Dooley en boîte, Ted Post reprend les chemins de la télévision pour une pléthore de série TV. C’est Clint Eastwood qui fera appel à lui pour Pendez-les haut et court. Les deux hommes se connaissaient bien et s’apprécient. Post l’avait dirigé à plusieurs reprises dans la série Rawhide. Ils feront de nouveau équipe pour le second volet des aventures de l’inspecteur Harry Callahan Magnum Force en 1973. Entre ses deux productions de Malpaso (la société de production de Clint Eastwood), Post aura dirigé Le secret de la planète des singes (Beneath the Planet of the Apes, 1970) second volet de La Planète des singes, série B fort plaisante avec James Franciscus et une apparition de Charlton Heston et Linda Harrison. Un film sur la libération sexuelle vu des campus The Harrad Experiment (1973) et un film d’horreur devenu culte The Baby (1973), deux films inédits en France. Il retourne un temps à la télévision où il réalise entre autres plusieurs épisodes de Colombo avec Peter Falk avant de signer son chef-d’œuvre pour le grand écran Le Merdier (Go Tell The Spartans, 1978) avec Burt Lancaster. Ce film méconnu reste l’un des meilleurs sur la guerre du Vietnam.
Tom Dooley est incarné par un jeune acteur Michael Landon qui accédera à la célébrité dans le rôle de Charles Ingalls, le père de famille de La petite maison dans la prairie (1974-1983). Son jeu est assez neutre et c’est sans problème que Richard Rust, dans le rôle de Country Boy, lui ravit la vedette. Chacune des apparitions, Rust apporte un peu de décalage et de folie dans la scène. A signaler enfin une séquence de bagarre entre Dooley et Grayson dans les ruines calcinées d’une maison d’une grande efficacité. Allez fait ta prière et verse une larme amis DVDphiles…
Fernand Garcia
Fais ta prière Tom Dooley est édité pour la première fois en DVD en version intégrale dans une édition spéciale sous fourreau dans la Western de Légende de Sidonis/Calysta avec en supplément une présentation par Bertrand Tavernier (19 mn) qui revient longuement sur la carrière de Ted Post, et une autre par Patrick Brion qui replace le film dans l’histoire du western et dans l’année de sa sortie en salles 1959 (14 mn). Une section sympathique regroupe plusieurs versions de la chanson Tom Dooley, celle du film par The Kingston Trio, l’adaptation française des Compagnons de la Chanson, mais aussi d’autres formidables par Neil Young, Frank Proffitt et la dernière par Johnny Rivers, enfin une galerie de photos et d’affiches complète l’ensemble.
Fais ta prière Tom Dooley (The Legend of Tom Dooley) un film de Ted Post avec Michael Landon, Jo Morrow, Jack Hogan, Richard Rust, Dee Pollock, Ken Lynch, Howard Wright, Ralph Moody, John Cliff… Scénario : Stan Shpetner. Directeur de la photographie : Gilbert Warrenton. Décors : Don Ament. Montage : Robert S. Eisen. Musique : Ronald Stein. Producteur : Stan Shpetner. Production : Shpetner Production – Columbia Pictures. Etats-Unis. 1959. 79 mn. Noir et blanc. Format image : 1.37 : 1. Image et son restaurés, version VOST et VF. Tous Publics.