La Bataille du rail – René Clément

En juin 1940, brisant l’unité du pays, séparant les familles, les amis, bloquant derrière la ligne de démarcation l’outillage et le ravitaillement, les allemands coupent la France en deux : d’un côté – la zone occupée, de l’autre – la zone prétendue libre. Entre ces deux zones, un lien encore solide, mais que l’ennemi contrôle étroitement : les chemins de fer. La France doit maintenir à tout prix son unité intérieure et ses relations avec l’extérieur. Il faut que la barrière dressée par l’ennemi soit franchie par le courrier comme par les hommes. Les chemins de fer s’y emploient – première forme de leur résistance. Puis ils s’enhardissent et, peu à peu, sous la terreur, au cours d’une lutte de quatre ans, ils forgent une arme redoutable. Le jour du débarquement elle contribuera puissamment à la désorganisation des transports, à la défaite allemande dans la bataille de la Libération. Le long défilant du début indique clairement les intentions des auteurs et producteurs et la portée du film. La description minutieuse qui va suivre est la description de faits quotidiens de résistance à l’occupant. Le film va en être la brillante illustration et le premier sur la Résistance.

La Bataille du rail

Le groupement de résistance des cheminots qui s’appelait Résistance Fer (au générique, il présente le film) désirait faire un film en hommage aux cheminots combattants vivants ou morts des sombres années de l’occupation. Il prend alors contact avec André Michel chef du service cinéma de la commission militaire de la Résistance, et celui-ci accepte aussitôt. Il pense même dans un premier temps en assumer lui-même la réalisation. Mais submergé de travail, il doit renoncer à la tâche. Henri Alekan qui travaillait pour le service propose René Clément avec qui il avait travaillé sur Ceux du rail, court métrage avec des cheminots sur la ligne Nice-Marseille. Après une projection du film, le comité accepte René Clément comme le réalisateur de ce qui a pour alors titre : Résistance fer. René Clément parcourt la France en récoltant témoignages et anecdotes sur cette base et écrit le scénario. Colette Audry, sa collaboratrice sur Ceux du rail, écrit les commentaires et les dialogues. Le tournage débute avec Henri Alekan comme chef opérateur. Au bout de cinq semaines, le film est en boîte. Le montage débute de ce qui est alors un documentaire. Une fois terminé, Clément et Alekan présentent le film au cinéaste Jean Painlevé. Celui-ci leur suggère de poursuivre l’aventure et d’en faire un long métrage. Clément ajoute une seconde partie qui s’attache à la déroute des Allemands. La SNCF participe pleinement à la réalisation du film. Elle met à la disposition des lignes secondaires pour le tournage. Elle permet en outre à Clément de tourner un des grands moments du film : le déraillement d’un train, scène importante pour laquelle Clément et Alekan utilisent 14 caméras. Clément fait appel à des acteurs peu connus ou bien trouve des figurants sur le moment. Le réalisateur tourne la plupart de scènes en muet, qu’il reprendra en postsynchronisation. Il utilise aussi plusieurs types de caméra, ce qui explique parfois une différence de cadence.

La Bataille du rail René Clément

La Bataille du rail a été rattaché au néo-réalisme mais c’est un fait du hasard : ceci grâce à la grande proportion de scènes qui devaient à l’origine être dans un documentaire et, par la suite, à leur intégration à des reconstitutions.

La Bataille du rail est sélectionné pour le premier Festival de Cannes en 1946. Année faste pour René Clément puisque son second film Le Père tranquille est aussi en compétition. La Belle et la Bête de Jean Cocteau sur lequel il était conseillé technique représente aussi la France. Le jury présidé par l’historien Georges Huisman saupoudre la sélection de prix. Le festival relève d’une démarche tant autant artistique que diplomatique. Le Grand Prix (futur Palme d’Or) est attribué à 11 films ! Parmi les élus plusieurs classiques : Rome ville ouverte de Roberto Rossellini, Le Poison de Billy Wilder et Brève Rencontre de David Lean. René Clément remporte le prix de la mise en scène et le prix du jury international. La Bataille du rail correspond à une époque où le pays se reconstituait et se fabriquait une histoire. Les événements narrés sont exactes, et qu’il y ait eu des hommes exemplaires, c’est indéniable, d’autres au sein des chemins de fer le furent moins, à l’image de l’époque.

August Tino

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la-bataille-du-railLa Bataille du rail, un film de René Clément avec  Lucien Desagneaux, Tony Laurent, Jean Daurand, Jean Clarieux, Robert Leray, Jean Rauzéna, Redon, Léon Pauléon, Barnault, Kronegger et Les Cheminots de France… Narrateur : Charles Boyer. Scénario : René Clément. Dialogues : Colette Audry. Directeur de la photographie : Henri Alekan. Montage : Jacques Desagneaux. Musique : Yves Baudrier. Producteur : Pierre Lévy. Production : Résistance Fer – Ciné-Union Coopérative Générale du Cinéma Français Avec la participation de La Commission Militaire du Conseil National de la Résistance et grâce à l’effort considérable de La Société Nationale des Chemins de fer français. France. 1946. Noir et blanc. 85 minutes. Format image 1,37 :1. Tous publics. Cannes Classics 2010.

Cannes Classics 2017