Le Mystère Jérôme Bosch – José Luis López-Linares

Une excellente initiative est d’accompagner les grandes expositions d’un film. A l’occasion du 500e anniversaire de la disparition de Jérôme Bosch, le musée du Prado a organisé toute une série d’événements autour du peintre flamand et de son triptyque Le Jardin des Délices. Si l’œuvre ne quitte jamais le musée c’est par le biais du cinéma qu’elle va voyager, et bonne nouvelle – le film que lui consacre José Luis López-Linares est formidable!

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Concevoir un film autour d’une toile n’est pas chose aisée. Quel point de vue adopter ? López-Linares débute modestement par les réactions du public devant Le Jardin des délices puis convoque des personnalités : William Christie, Cai Guo-Qiang, Salman Rushdie, entre autres, qui évoquent avec finesse et érudition ce que l’œuvre leur inspire. López-Linares poursuit plus avant ses investigations, et rapidement le film devient aussi passionnant qu’un polar.

López-Linares remonte le temps tout en inscrivant l’œuvre de Bosch dans notre époque. Ce voyage est accompagné d’une bande-son remarquable. Sur une magnifique version du Plat Pays de Jacques Brel en flamand nous pénétrons sur les terres du peintre. Jheronimus van Aken est né au sein d’une famille de peintres vers 1450 à Hertogenbosch (Bois-le-Duc) dont il reprend une partie pour son patronyme d’artiste. Et c’est dans sa ville natale que sont conservés les registres faisant état de sa présence au sein de la confrérie Notre-Dame. Mais qui était vraiment Jérôme Bosch? Un mystique, un hérétique, un philosophe, un visionnaire, un malade mental ? Progressivement López-Linares dessine le portrait du peintre et de son époque. Le film revient longuement sur la rocambolesque aventure du triptyque qui le verra s’installer définitivement en Espagne.

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Le Triptyque du Jardin des Délices est organisé de la manière suivante : le volet de gauche représente le Paradis terrestre; celui de droite – L’Enfer musicien ; le panneau central – Le Jardin des Délices qui donne son nom au triptyque. Cette œuvre foisonnante de détails et d’actions mélange une multitude d’images symboliques de luxure. La composition est remarquable à bien des égards et les interprétations multiples. Le Paradis terrestre est la représentation du moment de la création d’Eve. Le Créateur est ici le Christ et non Dieu le Père, ce qui correspond à une tradition de l’époque. Pourtant dans cette scène idyllique se cachent les prémices du Mal, à l’arrière-plan, un palmier autour duquel est enroulé un serpent. Ceci  nous conduit au panneau central, ce fameux Jardin des Délices. Des hommes et des femmes nus y vivent des situations fantastiques au milieu de tout un bestiaire animalier. A ce déchaînement de luxure qu’abrite le jardin répond en écho L’enfer musicien et son terrible châtiment : dans des tonalités rouges et noires, des personnages subissent d’horribles outrages, les instruments de musique servent d’appareils de torture. Sur les fesses d’une femme, une partition que le réalisateur a la bonne idée de faire interpréter par une soprano. Mais l’œuvre de Bosch cache bien des mystères. L’intervention de la restauratrice est particulièrement éclairante sur la manière dont Bosch a procédé pour peindre l’ensemble. C’est en posant horizontalement le cadre et en tournant autour qu’il a pu donner vie à ses visions. Et grâce à l’apport d’une technologie de pointe, on découvre sous la surface d’autres personnages, entre autres dans les alcôves, dans des situations tout aussi érotiques.

La grandeur de l’œuvre vient du regard que chaque spectateur pose sur le triptyque. Chaque élément est propice à stimuler l’imagination et dérouler toute une histoire. Il n’est pas surprenant que de solides liens relient l’œuvre à la psychanalyse, au surréalisme, à la bande dessinée… Cinq décennies après sa création, ce chef-d’œuvre de Jérôme Bosch est non seulement d’une modernité sidérante, mais son pouvoir de fascination et de sidération reste intact. Au dernières images du film, une envie nous saisit faire le voyage jusqu’au Prado pour nous plonger dans le Jardin des Délices

Fernand Garcia

bosch-afficheLe Mystère Jérôme Bosch (El Bosco. El jardín de los sueños) un film de José Luis López-Linares avec les interventions de William Christie, Cai Guo-Qiang, Salman Rushdie, Teresa Mezquita, Sophie Schwartz, Michel Onfray, Pilar Silva Marato… Scénario : Cristina Otero d’après une idée originale de Reindert Falkenburg. Images : José Luis López-Linares. Montage : Cristina Otero, Pablo Blanco Guzman et Sergio Deustua. Production : López-Li Films, le Museo del Prado, Mondex et Cie Studio Albatros Productions. Distribution (France) : Epicentre Films (sortie le 26 octobre 2016). Espagne-France. 2016. 84 mn. DCP. Couleur. Format image : 1.85 :1. Son : 5.1.