Ève et Walter, un couple d’Italiens, sont en vacances dans l’Arizona. C’est un couple en crise. Walter, journaliste à la dérive, a sombré dans l’alcoolisme. Irascible et violent, Walter est un macho. Sur la route vers Los Angeles, le couple prend un autostoppeur Adam.
A priori pour le spectateur La proie de l’autostop est un film d’exploitation, avec son lot de scènes violentes et de nudités féminines. La distribution a de quoi conforter le chaland dans cette idée. Franco Nero, héros redresseur de torts du cinéma populaire, Corinne Clery, actrice à la plastique parfaite, tout juste échappée d’Histoire d’O, et David Hess, le psychopathe violeur de La dernière maison sur la gauche. Les rôles sont distribués et tout semble clair. D’emblée, Pasquale Festa Campanile brouille les cartes. Dans le viseur d’un fusil à lunette, ce n’est pas un cerf que cherche dans un premier temps Walter (Franco Nero), mais sa femme Ève (Corinne Clery). Le spectateur est pris à contre-pied: Franco Nero n’incarne pas un héros à la Django, mais un pauvre type, journaliste à la ramasse, alcoolique, grossier, vantard, violent et brutal. Walter déverse toute sa rancœur sur sa femme. Elle doit faire face à ses assauts sexuels. Il est dans l’agression permanente, chaque étreinte est un viol. Walter exhibe sa femme comme un trophée. Campanile « adopte » son point de vue pour mieux basculer du côté d’Ève. Et le désir d’érotisme bon teint du spectateur s’évapore au fur et à mesure… à tel point que les scènes où Ève est nue sont si humiliantes que l’on prend fait et cause pour elle. Cette volonté de Campanile de mettre le spectateur du côté de la femme explique la longueur de l’introduction, là où d’autres auraient démarré directement avec la prise en charge par le couple de l’autostoppeur. Campanile n’est pas un réactionnaire anti-sexe, il en profite au passage pour montrer que l’amour physique peut être sain et partagé, d’où la scène où le couple observe de jeunes hippies faire l’amour. Si pour les jeunes la vie est le jardin des délices pour le couple c’est la route de l’enfer. En chemin, ils embarquent Adam. C’est un voleur, un tueur, un véritable psychopathe. Il prend l’ascendant sur le couple.
Après des années de soumission à son mari, Ève entre dans le jeu pervers d’Adam, autant par provocation que pour obtenir une réaction sensée de la part de Walter. Il n’en sera rien. Les deux hommes sont dans le fond semblable, sorte de double l’un de l’autre. Ils n’ont qu’un désir – se sentir plus homme, plus virile. Et devant Walter, entravé, Adam abuse d’Ève. Walter est tout autant fasciné par la virilité d’Adam que dégoûté par sa femme. Et quand celle-ci prend le pouvoir, il ne peut le supporter, tant cela le renvoie à sa propre lâcheté. Il ne reste plus à Walter qu’à prendre dans tous les sens du terme la place d’Adam.
Il est pour le moins surprenant de trouver aux commandes de La proie de l’autostop un réalisateur comme Pasquale Festa Campanile. Spécialisé dans la comédie satirique, on lui en doit d’excellentes comme Ma femme est un violon avec Laura Antonelli. Il change ici radicalement de registre tout en gardant les principaux thèmes de ses films précédents, poursuivant ainsi l’analyse des rapports hommes/femmes.
Film d’exploitation, La proie de l’autostop s’inscrit dans le cadre du Rape & Revenge, genre en vogue au début des années 70 après le succès de La dernière maison sur la gauche de Wes Craven. Mais contrairement à beaucoup de films surfant sur cette vague, celui-ci est particulièrement soigné, le scénario est parfaitement construit et bénéficie d’excellents dialogues. Le trio d’acteurs, Nero, Clery et Hess, est formidable. Signalons de très belles prises de vue en extérieur et de nuit et la remarquable partition musicale d’Ennio Morricone, utilisé avec une grande intelligence.
En 1977, un distributeur français propose le film à la Commission de classification qui se prononce pour une interdiction totale. Le distributeur renonce à demander le visa et le film tombe dans l’oubli. Il réapparaît en VHS dans des versions aberrantes, amputées et remontées. Sa sortie en version intégrale chez Artus Films est une première en France, un événement.
La proie de l’autostop est un des meilleurs films européens de Rape & Revenge, dont la fin d’un pessimisme absolu a de quoi interpeller aujourd’hui encore. Un must du genre.
Fernand Garcia
La proie de l’autostop est édité par Artus Films pour la première fois en DVD et dans sa version intégrale dans une copie impeccable. En compléments : L’autoroute rouge sang par David Didelot. Ce spécialiste du cinéma Bis revient longuement sur le film, et sur son exploitation en VHS en France dans des versions plus ou moins fantaisistes, une mine d’informations (45 mn). Un Diaporama d’affiches cinéma, de jaquettes de VHS et de photos d’exploitation du film, enfin les Films-annonces des films de la collection Rape & Revenge (La proie de l’autostop, La dernière maison sur la plage) et de la collection British Horror (La tour du diable et La poupée diabolique). Un livre de 64 pages : Un genre maudit : le Rape and Revenge accompagne cette excellente édition.
Fernand Garcia
La proie de l’autostop (Autostop rosso sangue) un film de Pasquale Festa Campanile avec Franco Nero, Corinne Cléry David Hess, John Loffredo, Carlo Puri, Monica Zanchi… Scénario : Ottavio Jemme, Aldo Crudo, Pasquale Festa Campanile. Sujet de Aldo Crudo d’après le roman La violenza e il furore de Peter Kane. Directeur de la Photographie : Franco Di Giacomo et Giuseppe Ruzzolini. Décors et costumes : Giantito Burchiellaro. Montage : Antonio Siciliano. Musique : Ennio Morricone. Producteurs : Bruno Turchetto, Mario Montanari. Production : Explorer Film International S.r.l. – Medusa distribuzione S.r.l. Italie. 1976. 99 mn. Couleurs. Versions : français, italien. Sous titres : français. Format : 1.85 original respecté. 16/9ème compatible 4/3. Interdit aux moins de 16 ans
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